[responsivevoice_button voice= »French Female » buttontext= »Ecouter l’article »]
A Ouagadougou, tout le monde ne ferme pas boutique la nuit tombée. Et pour cause, ils en aient des commerçants qui, en vue de donner un second souffle à leurs affaires, investissent les voies publiques durant la nuit. Non sans encombres. Reportage…
« Depuis que l’échangeur a été inauguré, nous avons constaté que l’affluence par ici s’est accrue. Nous avons donc commencé à venir étaler nos marchandises depuis cette époque-là » confie Nassa Roger après s’être rassuré que son interlocuteur n’était pas une sorte d’espion envoyé par quelque policier. Comme Roger, et son frère qui vendent des articles d’habillement, ils sont nombreux les commerçants et autres mécaniciens qui investissent les trottoirs pour proposer qui leurs articles, qui leurs services aux noctambules et autres retardataires. « Quand le soir, les travailleurs rentrent, ils profitent faire leurs achats » poursuit Roger qui note que les affaires marchent nettement mieux que le jour.
Christophe Kaboré lui exerce comme mécanicien aussi bien le jour que la nuit à quelques encablures de l’échangeur. A la différence que la nuit, il se déplace sur le bord de la route. Comme les commerçants, il confie que travailler la nuit est plus rentable. Et ce sont pas les clients qui trouvent matière à redire. « Il y a des gens qui viennent de Paspanga et même de quartiers plus éloignés pour demander mes services. Certains sont tellement contents de nous trouver, qu’ils en arrivent à me donner 2000 à 3000 alors que le service de collage, par exemple, ne coute que 100 F » assure-t-il. Comme Yannick qui vient d’huiler la chaine de sa moto, ils sont nombreux à trouver leur compte dans ces garages de fortune. C’est donc tout réjoui qu’il explique son soulagement : « Je ne suis pas sorti de toute la journée et comme il a plu, la chaine me faisait des misères. Je vous laisse imaginer ce qui serait advenu s’ils [les mécaniciens] n’étaient pas là, avec l’insécurité qui prévaut actuellement. Convenez que je serai à la merci des malfaiteurs de tout genre ».
Plus loin, à un autre carrefour exerce un autre mécanicien. La cinquantaine bien sonnée, il finit après une longue introspection par se rappeler que ses débuts remontent à 2005. A la question sur le motif de l’exercice du métier de mécanicien à temps partiel, il clame sur le ton de la plainte : « Je manque de quoi mettre sur pied un garage en bonne et due forme, alors je me débrouille comme ça ». La journée, il dit la consacrer à l’élevage. Et peu importe qu’il n’habite plus dans le quartier depuis les inondations de septembre 2009. « J’ai été relogé à Yagma mais je tiens à toujours exercer ici parce que je me suis fait une clientèle que je tiens à ne pas perdre et cela me prendrait beaucoup de temps pour me faire une autre là où j’habite si d’aventure je décidais d’exercer là-bas » analyse -t-il.
Cache cache
Le « service minimum » qu’assure Bargo Issa est, à ses dires, quasiment non- stop. « J’apporte ma moustiquaire sous laquelle je dors s’il fait tard et les clients savent qu’ils peuvent me réveiller chaque fois que besoin sera tout au long de la nuit ». Avec certains clients par contre, les relations ne sont pas toujours aussi idylliques concède- t-il : « Il y en qui, faute d’argent pour payer le service, nous remettent leurs cartes ou leurs passeports …et qui ne reviennent pas les chercher ». « D’autres déplore-t-il, m’accusent d’avoir enlevé telle ou telle pièce de leur moto pour la revendre ; ce qui crée des malentendus inutiles ». Les malentendus avec les clients s’expliquent aussi du fait les aptitudes techniques de ces mécaniciens semblent limitées. D’où les plaintes de ce client qui participe même à la réparation de sa moto : « Et si tu rinçais la bougie ! », « Je t’avais pourtant prévenu que ça ne marcherait pas !» objecte-t-il de temps à autre. Quant aux commerçants, ils s’adonnent permanemment à un jeu de cache cache avec la police qui s’accapare souvent des marchandises. « Nous savons qu’ils peuvent venir à tout moment, mais nous faisons avec » analyse Roger, philosophe.
Alors que les vendeurs remballaient leurs marchandises dès lors que l’affluence s’est estompée, les mécaniciens ne semblaient en faire un souci. Non sans calculs. « Entre les stations qui ferment entre 22 heures et 23 heures, et le fait que les clients y sont souvent déboutés pour manque de monnaie, les vendeurs d’essence en bouteille peuvent toujours servir de rescousse. » révèle Christophe qui en plus de servir de mécanicien a ajouté une autre corde à son arc : la vente d’essence en bouteille. Question d’être aussi complet que possible.
Soumana LOURA