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Enfin, revoilà Eminem, au mieux de sa forme, en tout cas comme on l’aime : corrosif, abrasif, technique, drôle et méchant.
Dans la nuit du 31 août, le rappeur de Detroit (Michigan) a publié son dixième album, Kamikaze, sur les plateformes d’écoute en ligne sans prévenir, pratique courante pour la majorité des artistes de hip-hop américain. Son précédent album, Revival, publié plus traditionnellement le 15 décembre 2017, avait été une énorme déception : des featurings prestigieux sur le papier (Beyonce, Alicia Keys, Ed Sheeran…) à ses côtés mais sans grand intérêt, des productions pop-rock délavées et des samples grossiers.
Pour ces treize nouveaux morceaux, Eminem a corrigé sa copie et n’a pas fait appel aux réalisateurs du précédent – pas de Rick Rubin ou d’Alex Da Kid –, mais il a sollicité des producteurs comme Mike Will Made-it, compositeur du Humble, de Kendrick Lamar, Illadaproducer (Chief Kief, Fat Joe) ou bien encore deux jeunes beat-makers qui ont travaillé sur le dernier album de Drake, Scorpion.
Une ode à l’art de rimer
Même ses invités ne sont plus du même acabit. A part son fidèle ami, Royce Da 5’9”, qui avait travaillé avec lui sur le film 8 mile (2002), de Curtis Hanson, Eminem a fait appel à la jeune génération et à des artistes moins connus : le remarquable Lucas Joyner, sur le décapant Lucky You, et la chanteuse canadienne Jessie Reyez, sur le diptyque Nice Guy/Good Guy. Pour donner le ton de son disque, le rappeur détourne la pochette du classique des Beastie Boys, groupe punk-rap new-yorkais, Licensed to Ill.
Sur les trois premiers morceaux, The Ringer, Greatest et Lucky You, ses raps d’une technicité et d’une intensité rares sont non seulement une ode à l’art de rimer, mais aussi une réponse cinglante à tous ceux qui ont pu critiquer son Revival (critiques musicaux, fans ou concurrents…).
Sur The Ringer, il explique ne pas comprendre ces critiques en pleine gloire du mumble rap, un genre dont les représentants Lil Yatchy, Lil Pump ou Lil Xan marmonnent souvent des textes incompréhensibles. Ces derniers se font d’ailleurs tailler en pièce dans ce morceau où à l’inverse, il encense Kendrick Lamar, J.Cole et Big Sean. Seuls ces rappeurs ont grâce à ses yeux, les autres « MCs » sont irrécupérables.
Jargon homophobe
Et il y va de sa petite remarque au vitriol sur le groupe sud-africain Die Antwoord, sur le Californien Tyler The Creator, ou il ne peut encore s’empêcher d’utiliser un jargon homophobe. Tout le monde quasiment y passe, sauf Kendrick Lamar, dont il pique avec déférence une ou deux punchlines.
Quand dans un interlude, la voix de son manager, Paul Rosenberg, lui fait remarquer que ce n’est pas forcément une bonne idée d’écrire un album entier pour répondre aux critiques du précédent, Eminem revient sur un autre sujet qui le hante depuis des années : les femmes de sa vie. Sa mère et son ex, Kim, étant passées de mode, alors ce sont les nouvelles petites amies qui prennent : « Mais pourquoi vous ne pouvez pas être normales ? », demande-t-il sur un sample de Little Dragon, Seconds, avant de souhaiter plus loin dans la chanson Nice Guy que « son cœur soit percuté par un semi-remorque. » Pas de doute, Eminem est de retour.