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Associations, organisations de la société civile(OSC), il n’y en de plus en plus au Burkina Faso. C’est à croire que pour un oui ou un non, on crée une association. Toujours est-il que l’engagement n’est très souvent que marginal dans la logique de création d’associations. Détournements de fonds, politisation… le milieu était tel qu’il a fallu un certain toilettage. En effet en 2016, la direction générale des libertés publiques a pris des mesures en vue d’un assainissement du milieu associatif. Ce qui n’a pas mis fin aux critiques qui planent sur les associations. Dans un souci d’en savoir davantage, nous avons interrogé Paligwendé Martin Sawadogo, connu pour être un militant dès le bas âge, le doctorant en Droit est coordinateur du MROD. Dans cette interview, le militant prolifique nous donne sa vision, sa perception de l’engagement, du fossé qui existe entre ce qu’il est et ce qui devait être…Fasopic : Pourquoi un tel militantisme de votre part ?
Martin Sawadogo(MS): Ce militantisme est dû à deux(02) raisons principales. J’ai compris très tôt que le monde associatif est un monde à travers lequel on peut compléter le savoir que l’on acquiert à l’école parce que l’on y apprend beaucoup de choses. Ce ne sont pas que des réunions à n’en pas finir comme on pourrait le croire. Le militantisme associatif est une véritable école de la vie. La deuxième raison est que je me suis rendu compte que la société m’a donné quelque chose et que le peu que je puisse faire en retour, c’est m’investir à former d’autres jeunes.
Vous militez dans beaucoup d’associations mais la plus connue reste le Mouvement de recherche et des Opportunités de Développement(MROD) .Présentez-nous le mouvement !
Le MROD est un mouvement international de jeunes engagés en faveur du développement du Burkina Faso et de l’Afrique. Sa spécificité est qu’il s’agit d’un think thank international parce que nous réfléchissons sur les questions qui engagent l’avenir de nos sociétés en Afrique et particulièrement au Burkina Faso. A ce titre, nous essayons de renforcer les capacités des jeunes en matière de culture politique pour qu’ils puissent comprendre les enjeux et les questions de développement afin de mieux contribuer au débat public et d’influencer les politiques publiques dans le sens d’améliorer nos conditions de vie.
L’autre domaine d’action du MROD, c’est qu’il promeut l’entreprenariat à travers la formation et l’équipement des jeunes qui veulent et peuvent entreprendre ,parce que tout le monde n’a pas l’esprit d’entrepreneur. Le mouvement consacre aussi ses actions dans la formation de jeunes leaders notamment sur comment avoir confiance en soi, comment développer ses talents d’art oratoire, etc.
Think thank international, est- ce à dire que le MROD est implanté ailleurs ?
Tout à fait, il est implanté dans beaucoup d’autres pays. En plus du Burkina Faso, nous pouvons citer le Sénégal, l’Algérie, le Mali, les Etats-unis et bientôt le Canada.
Lors d’une communication sur l’engagement, vous avez estimé que la jeunesse burkinabé faisait preuve d’une certaine apathie. Jugement sévère s’il en est !
Quelles sont à votre avis les raisons d’une telle apathie ?
Il ne faut pas tout peindre en noir. D’ores et déjà, il faut relever que l’avancée en matière de démocratie et d’Etat de droit est en partie due au mouvement associatif. Le mouvement associatif a été pour beaucoup dans l’avènement de janvier 1966 (qui a contraint Maurice Yaméogo à la démission, ndlr), ainsi que des évènements des 30 et 31 octobre 2014 et de la résistance à la tentative du coup d’Etat de septembre 2015.A côté de cela, il faut bien remarquer que les jeunes font preuve d’une certaine apathie à l’égard du mouvement associatif. C’est dû au fait que les jeunes veulent tout facilement alors que l’esprit de l’engagement implique le sacrifice et le don de soi. Sacrifice auquel une partie de la jeunesse n’entend plus consentir.
Quel est l’enjeu à s’engager dans un mouvement associatif ?
L’engagement permet de renforcer les capacités que nous acquérons à l’école par exemple. Nous avons beaucoup d’exemples de personnes qui sont venues à vaincre leur timidité grâce aux associations parce que lorsqu’il y a une réunion, chacun est obligé de prendre la parole. La deuxième chose est que nous avons le devoir d’apporter quelque chose à la nation. Pour paraphraser Maitre Frédéric Titinga Pacéré « Il faut apporter de la terre à la terre pour que la termitière Burkina vive ».Chacun en ce qui le concerne a le devoir de redonner à la nation ce que celle-ci lui a donné.
Vous distinguez les formes d’engagement selon qu’elles soient partisanes ou non. Qu’est- ce qu’elles impliquent comme contenus ?
Il ya plusieurs formes d’engagement mais je n’en citerai que les deux principales formes. L’engagement non partisan implique le fait de ne pas appartenir à un parti politique. Il peut se faire dans une association ou en dehors pour apporter un bien à la communauté. C’est l’exemple de Yacouba Sawadogo qui a été décerné du Prix Nobel Alternatif pour avoir restauré le couvert végétal dans un engagement qui date de plus de trente(30) ans. La deuxième forme d’engagement, c’est lorsque l’on adhère à un parti politique, que l’on prenne la carte parce que l’on croit aux idéaux de ce parti-là.
Y a-t-il une hiérarchie dans l’utilité de l’engagement selon qu’il soit ou non partisan ?
On peut être utile à sa communauté à travers n’importe quel engagement. A chacun de faire le choix de s’engager de façon partisane ou non, de façon solitaire comme le font certains citoyens qui posent des actions et qui démontrent leur engagement à l’égard des populations à l’instar de Alino Faso. Toujours est-il qu’il faut s’engager.
On dénombre des milliers d’associations au Burkina Faso. Souvent plusieurs associations pour une même cause sur le même espace mais très souvent, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Comment l’expliquez-vous ?
L’une des raisons, c’est que pour beaucoup de personnes, la création d’association est un moyen d’ascension sociale. Au Burkina Faso, on assiste à une instrumentalisation du mouvement associatif à des fins politiciennes. Ces cas surviennent notamment lorsque ceux qui sont porteurs des associations ne sont pas convaincus.
Si visiblement on s’engage plus par opportunisme que par conviction, peut-on dire que le mouvement associatif a un bel avenir devant lui ?
Il faut savoir rester neutre dans l’analyse. Ce ne sont pas toutes les organisations de la société civile qui sont instrumentalisées. Il y en a qui présentent leurs rapports annuels, qui renouvellent leurs instances, qui sont visibles sur le terrain et dont les résultats sont palpables. Le fait qu’il y a des brebis galeuses n’est pas l’apanage du monde associatif. Du reste, chaque jour que Dieu fait, nous recevons au MROD des jeunes sincères qui veulent s’engager. Nous les formons de sorte à leur permettre de distinguer le bon grain de l’ivraie. Preuve que le mouvement associatif a un bel avenir devant lui.
Propos recueillis par Soumana LOURA