Changement climatique : « une menace réelle pour l’humanité », Mamadou Honadia

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de Mamadou Honadia, Chargé de mission auprès du ministre de l’environnement

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L’un des grands défis du moment est la problématique des changements climatiques. En dépit des multiples engagements pris par l’Organisation des Nations Unies et ses pays membres, le péril mondial est encore loin d’être maitrisé. Pour mieux comprendre ce phénomène, FasoPiC a accordé une interview à un expert intervenant dans ce domaine. Il s’agit de Mamadou Honadia, Chargé de mission auprès du ministre de l’environnement, de l’économie verte et du changement climatique.

FasoPiC : le changement climatique est aujourd’hui un pan de l’actualité mondiale, est-ce à dire que la menace est réelle ?

Mamadou Honadia : En réalité les changements climatiques ont commencé depuis longtemps, et c’est en 1990 qu’un groupe d’experts inter-gouvernemental a pu vraiment détecter cela comme étant véritablement une menace. Depuis ce temps un processus inter-gouvernemental a été lancé par le secrétaire général des nations unies dans le temps en 1990, afin qu’on lance un processus de négociation pour trouver une solution à ce réchauffement de la terre. Voilà comment tous les processus ont commencé, et ce sont des statistiques, des mesures qui ont été faites. Ce sont des réalités que des gens ont vécues qui ont permis effectivement d’établir cela. Le groupe inter-gouvernemental sur l’évolution du climat dont je parle qui a été créé conjointement par l’organisation météorologique mondiale et le programme des nations unies pour l’environnement est une instance scientifique dont les résultats font foi a eu à établir cela. La menace est vraiment réelle.

FasoPiC : la conférence de Madrid s’est achevée sans les résultats escomptés, quels ont été les points de désaccord ?

Mamadou Honadia : Je dirai qu’il y a eu des résultats même s’ils n’étaient pas à la hauteur de nos attentes. La conférence est finie deux jours après le jour officiel de la clôture. Ce qui veut dire qu’il avait véritablement des difficultés. Nous sommes allés à Madrid avec deux grandes attentes qui, pour nous n’ont pas été réalisées. Premièrement, c’était de voir adopter des modalités, des procédures et des directives sur l’article 6 de l’accord de Paris, qui parle des questions de marchés et de non marchés. Cela signifie que la menace climatique est due à des gaz à effet de serre qui sont émis par des activités humaines. De notre point de vue toute activité de réduction de ces gaz devrait être réalisée par des pays les plus pollueurs. Une fois que cela est fait, on devrait constater une amélioration de l’environnement mondial de façon générale. Ils en ont fait un commerce et c’est de ce type de commerce dont il s’agit. On s’attendait donc à ce que l’article 6 de l’accord de Paris soit adopté. Le deuxième point important c’était de voir un accroissement des ambitions des pays industrialisés sur leurs efforts de réduction des gaz à effet de serre, de telle sorte qu’on n’atteigne pas les 1,5°C. Malheureusement, on n’a pas vu ce message fort, on n’a pas vu un engagement fort de nos partenaires. Le troisième point que je vais ajouter aux deux grandes attentes, c’était sur des questions de pertes et de préjudices. C’est un sujet très capital pour les pays en développement, principalement les pays les moins avancés qui subissent de plein fouet les effets négatifs des changements climatiques, des catastrophes mais qu’aucun mécanisme n’est mis en place pour essayer de compenser les dégâts. On s’attendait véritablement à des informations, à des décisions, à des prises de mesures plus fortes, et surtout des dispositions financières pour aider vraiment nos pays pauvres et vulnérables à faire face aux pertes et aux préjudices suite à un évènement climatique. Chose qui a également été reporté à la prochaine conférence de la 26ème session. Voilà en gros nos déceptions. Si non il y a eu des décisions qui ont été adoptées mais c’est sur des sujets qui n’étaient pas aussi critiques que ça.

FasoPiC : quelles sont donc les raisons qui font obstacle à la mise en œuvre de l’accord de Paris ?

Mamadou Honadia : Nous sommes dans un cadre multilatéral. Autant de pays membres du système des nations unies, autant d’intérêts même si nous sommes dans des regroupements. Les pays pollueurs, en raison de leurs niveaux économiques reconnaissent qu’ils sont les principaux responsables et qu’ils doivent être les chefs de file dans la prise des mesures et l’application de celles-ci. Cependant, à leur niveau, ça traine et on n’a pas de raisons concrètes de leur part. Si je reconnais que je suis responsable de quelque chose, je pense que je dois prendre des mesures. Alors pourquoi les mesures ne viennent pas ? Je sais par exemple que l’administration américaine et désormais l’Union Européenne indexent des pays émergents qui font partie du groupe des pays en voie de développement. Ce sont entre autres la Chine, le Brésil, l’Afrique du Sud, et l’Inde. Les pays industrialisés veulent que ces pays susmentionnés prennent également des mesures idoines. Désormais tous les pays, y compris les pays pauvres sans exception sont concernés. Effectivement nous avons produit des documents attestant que si nous sommes soutenus, voilà le niveau de réduction que l’on peut opérer malgré le sous-développement. Si nous n’avons aucune aide et qu’on doit travailler uniquement avec les moyens de bord (avec le budget national ndlr), voilà le niveau de réduction qu’on peut atteindre. Ainsi, tous les pays ont pris ce type d’engagement. Mais malgré tout on sent vraiment que le processus bat des ailes. Vous remarquerez donc, que les gens priorisent beaucoup plus les aspects économiques que les aspects environnementaux et sociaux. Beaucoup meurent du fait du changement climatique ; il ne faut donc pas négliger la question. Par conséquent, le processus est entrain de dévier de son objectif initial. Il y a problème quelque part, et j’estime qu’il y a un peu d’égoïsme et un manque de bonne volonté qui freine le processus d’un développement humain durable.

FasoPiC : quel commentaire faites-vous de l’état du changement climatique au Burkina Faso ?


Mamadou Honadia
: Au Burkina Faso également le phénomène est réel. Si vous partez au service météorologique et que vous demandez une série d’informations pour les décennies passées, vous vous rendrez compte qu’il y a effectivement une augmentation de la température. Elle est légère mais très perceptible. Cela joue énormément sur la pluviométrie, et également sur d’autres activités socio-économiques. Ce qui fait qu’aujourd’hui, un gouvernement qui n’intègre pas la dimension environnementale dans ses politiques, navigue à perte de vue. Il faut qu’on vive désormais avec ça.

FasoPiC : quelles sont les actions que mène le gouvernement burkinabé dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ?

Mamadou Honadia : Je vous ramène à l’époque de la révolution. Notre gouvernement était en avant sur ces différentes questions, ne serait-ce qu’à travers les trois luttes : la lutte contre les feux de brousse, la divagation des animaux, et la destruction de l’environnement. On fait des plantations d’arbres mais cela n’est pas encore suffisant. Il faut qu’on regarde également sur d’autres aspects, l’économie de l’énergie dans les bâtiments, dans les industries et le comportement de tout un chacun à commencer par la cellule familiale. Vous vous rappellerez qu’il y a quelques années on avait lancé une campagne sur l’écocitoyenneté. Depuis cette période le gouvernement fait beaucoup d’efforts. Nous avons eu vraiment à bénéficier de financement de projets pour aider les populations surtout dans le domaine de l’adaptation. Nous avons élaboré le programme d’action nationale d’adaptation au changement et à la variabilité climatique. Tous ces documents sont des propositions de mesures que le gouvernement prend pour contribuer à réduire les émissions des gaz à effet de serre. Mais selon la convention d’où dérive le protocole de Kyoto, et même l’accord de Paris, il est dit que les pays en développement, particulièrement ceux les moins avancés n’ont pas une obligation de réduction des gaz à effet de serre, si les activités que ces pays mènent sont dans le cadre de leur développement durable. Cependant, ont dit que nous sommes dans un village planétaire. Si nous avons des possibilités de travailler à la réduction qu’on le fasse.


MICHEL CABORE

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