Le rapport de l’audit international du fichier électoral burkinabè a été livré aux parties prenantes, dans l’après midi de ce mercredi 21 octobre 2020. Ainsi, il ressort que le fichier présente des forces et des faiblesses. Et pour l’améliorer un tant soit peu, les membres du comité de l’audit ont formulé quelques recommandations au gouvernement, au législateur et à la CENI.
Après une semaine de travaux sur l’audit international du fichier électoral, il ressort du rapport comme forces, que la CENI a été confrontée à un grand nombre de défis liés à la situation sécuritaire, à la pandémie de la COVID-19 et à des retards logistiques. Néanmoins, elle a su s’adapter pour permettre aux électeurs de 329 des 351 communes (94%) et de 7 694 des 9 299 villages (83%) du Burkina Faso de participer à l’enrôlement. Les experts ont aussi souligné que la complétude des données des électeurs présente un niveau qualitatif élevé, s’agissant notamment de la collecte des données biométriques ; la CENI a travaillé avec transparence et professionnalisme, tout au long des opérations de révision et d’audit du fichier électoral, renforçant ainsi la confiance des parties prenantes. Et pour conclure sur ce point, ils ont fait savoir que la CENI a garanti l’unicité de chaque électeur, en procédant à un important dédoublage des enrôlements multiples, avec 1 425 725 enregistrements identifiés et supprimés, sur la totalité de la base de données de 2012 à 2020.
Parlant des faiblesses relevées, les experts ont indiqué que : le cadre juridique burkinabè ne permet pas à la CENI de constituer son fichier électoral au travers des révisions annuelles et exceptionnelles, sans pouvoir à ce jour travailler sur des listes permanentes, en s’appuyant sur un état civil efficient et sur un système d’identification unique. Structurellement dépendante de la publication de décrets qui n’abordent pas l’entièreté d’un cycle électoral, continuent-ils, la CENI doit organiser in fine l’enrôlement dans un délai très court, engendrant des chevauchements d’activités. En plus de cela, ils ont ajouté que la nature du système de révision entraîne deux faiblesses majeures à savoir : l’accumulation non maîtrisée des électeurs décédés, estimés dans le fichier électoral entre 280 000 et 320 000 personnes, et l’empilement de données désuètes issues des révisions de 2012, 2014 et 2015. Le taux d’enrôlement, situé autour de 63,2% de la population cible, est particulièrement marqué par une sous-représentativité chronique des jeunes et des femmes, depuis 2014 selon eux. A toujours les écouter, la CENI n’étant pas constitutionnalisée, elle ne dispose pas d’un pouvoir réglementaire élargi, sans oublier l’inexistence de justificatifs de domicile qui affecte le contentieux, entraînant le rejet quasi systématique de toute requête visant l’inscription d’électeurs en dehors de leur circonscription.
Les recommandations des experts
Sur la base des constats et des résultats de ses analyses, le comité d’audit a recommandé au gouvernement et au législateur, d’intégrer dans le Code électoral, la possibilité pour la CENI de conduire une refonte du fichier électoral au moins tous les dix ans, de conférer des pouvoirs réglementaires élargis à la CENI, pour lui permettre tant de préciser le droit que de détailler les procédures en place, à travers de mesures d’applications permettant de se fonder sur un document unique et cohérent pour décrire les opérations de révision des listes électorales. Il convient aussi selon le comité, d’envisager de recourir à la carte nationale d’identité comme pièce valant carte d’électeur, la gratuité des pièces d’identité essentielles et, en particulier, de la CNIB et d’introduire la possibilité, pour les comités villageois de développement, de faciliter la délivrance de certificats de résidence, en vue de pallier les difficultés observées dans le contentieux des listes.
Pour ce qui est de la CENI, les membres du comité ont jugé nécessaire de renforcer ses capacités logistiques et opérationnelles, en privilégiant de moderniser la gestion des stocks et des opérations ; de supprimer les stocks de cartes d’électeur de tous les exercices de révision antérieures, et effectuer un état des cartes d’électeur délivrées et restituées pour la révision 2020. La formalisation, dans les textes ou au travers d’une décision de la CENI, des sanctions et motifs applicables pour les personnels d’enrôlement qui ne rempliraient pas leurs obligations contractuelles, le renforcement budgétaire et structurel de certains services de la CENI, en particulier la direction de l’informatique et du fichier électoral, le service juridique, la direction en charge de l’éducation citoyenne et la direction de la communication sont à prendre en compte. Il faut ajouter la vérification, dans le fichier de l’ONI (Office national de l’indentification) des 222 cartes d’électeurs enregistrées avec des numéros par défaut pour leur affecter.
L’APMP et le CFOP saluent la qualité du rapport
Alors que le représentant de l’Alliance des partis de la majorité présidentielle (APMP) Simon Compaoré a salué la qualité des résultats du rapport, le Chef de file de l’opposition politique (CFOP) par la voix de Victorien Tougouma, dit vouloir donner sa lecture au cours d’une conférence de presse, qui va se tenir dans les prochains jours. La ministre déléguée auprès du ministère de l’administration territoriale Madiara sagnon et le président de la CENI Ahmed Newton Barry quant à eux, trouvent qu’il faut féliciter les experts, pour le travail abattu.
Nicolas BAZIÉ