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Les principales forces politiques de l’opposition et d’importantes personnalités se sont retrouvées samedi pour mettre en place une coalition destinée à « défendre la démocratie au Bénin ». Une machine de guerre contre le régime de Patrice Talon, laquelle n’effraie guère les partisans de ce dernier.
La bataille pour les prochaines élections législatives de 2019 semble être lancée. À Djeffa (à quelques kilomètres de Cotonou), considéré comme le quartier général de l’homme d’affaires Sébastien Ajavon, plusieurs figures de l’opposition et personnalités politiques se sont donné rendez-vous, samedi 14 avril, pour faire le procès de la gouvernance du président béninois, Patrice Talon, et appeler à une mobilisation générale contre son gouvernement. Étaient présents autour de Sébastien Ajavon d’anciens présidents de la République, comme Nicéphore Soglo et Thomas Boni Yayi, des personnalités comme Albert Tévoèdjrè, des ténors des Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE) et du Parti des communistes du Bénin, ainsi qu’une foule de militants.
« Ce casting avec des gens qui se sont farouchement combattus ces dix dernières années est pathétique », lance Yonnantché Boya, ténor des mouvements de jeunesse soutenant l’action du président Talon (il préside la Coalition des mouvements du Nouveau départ). Pour Joseph Adihou, homme d’affaires proche du camp de la majorité présidentielle, même son de cloche : « Il n’y a aucun fond idéologique qui justifie leur opposition au président Talon. Ils ne font qu’exploiter le mécontentement d’une minorité de Béninois par rapport à des difficultés qu’ils ont contribué à créer de par leur gestion du pays ces dernières années ».
La « grave crise » du Bénin et la gouvernance Talon
Dans la déclaration finale que les nouveaux alliés ont rendu publique, ceux-ci dénoncent la « grave crise » que traverse le pays, laquelle serait engendrée par la gouvernance du président Patrice Talon. Une gouvernance caractérisée, selon eux, par « de graves conflits d’intérêts », « une opacité totale », « des privatisations sauvages », « des licenciements massifs », « le refus d’un dialogue franc avec les travailleurs », « l’attaque frontale contre la justice » et les « libertés fondamentales ». « Des accusations sans fondement », rétorque Yonnantché Boya, qui estime que le président Talon « s’efforce au mieux de régler les problèmes que leur mauvaise gestion du pays a laissés comme ardoise ».
Pour les opposants, l’engagement du gouvernement contre la corruption n’est qu’une chasse à l’homme ouverte contre eux
Quand l’opposition coalisée traite l’engagement du gouvernement contre la corruption de « véritable chasse à l’homme ouverte contre les opposants à la politique actuelle », les partisans de Talon n’y voient qu’une « affirmation désespérée de gens qui cherchent à se soustraire à la justice et à échapper aux poursuites lancées contre eux par le gouvernement dans le cadre de sa lutte acharnée contre l’impunité ». Trois députés de l’opposition, Valentin Djènontin, Idrissou Bako et Mohamed Atao Hinnouho (en cavale), font de fait actuellement objet d’une procédure de levée de leur immunité parlementaire dans le cadre de diverses affaires de corruption. La session parlementaire ouverte le 4 avril est appelée à se prononcer sur ladite procédure.
Appels à la désobéissance civile
Estimant que « tout le peuple est en rébellion contre la politique actuelle », la nouvelle coalition demande par ailleurs au gouvernement de « convoquer d’urgence une assise nationale… en vue de redéfinir de nouvelles bases consensuelles de gouvernance du pays ». Elle demande également de faire procéder à un audit préalable de la liste électorale, en vue des prochaines élections.
« Ce qui les inquiète surtout, c’est la main mise que peut avoir le président Talon sur les prochaines joutes électorales. Malgré les injonctions de la Cour constitutionnelle, celui-ci n’a pas encore installé le conseil d’orientation et de supervision de la liste électorale permanente informatisée (COS-LEPI) dans un contexte où on le soupçonne de vouloir confectionner sa propre liste électorale. Une violation de fait de la Constitution alors que les décisions de la Cour sont sans recours … », fait observer Alan Tokpo, journaliste spécialiste de la politique béninoise.
En cas de non-satisfaction de ces exigences, le peuple béninois sera invité à prendre ses responsabilités, affirme la coalition
Les mesures proposées par la coalition de l’opposition sont assorties d’une menace à peine voilée : « En cas de non-satisfaction de ces exigences, le peuple béninois, maître unique de sa souveraineté, sera invité à prendre ses responsabilités, conformément à la Constitution ». Une allusion à l’article 66 de la Constitution du Bénin, dont cet extrait est de plus en plus cité à Cotonou : « (…) pour tout Béninois, désobéir et s’organiser pour faire échec à l’autorité illégitime constituent le plus sacré des droits et le plus impératif des devoirs ».
« La référence me fait sourire, souligne Joseph Adihou.
C’est à la limite du machiavélique quand on sait que la disposition constitutionnelle en question indexe très clairement les circonstances de coup de force, de putsch ou d’agression de mercenaires… Tout cela montre à suffisance à quel genre d’acteurs politiques nous avons affaire ».
À Cotonou, la création de cette coalition anti-Talon est accueillie dans une certaine indifférence. « Personne ici n’est dupe… L’enjeu est essentiellement électoral », insiste Alan Tokpo. Et de renchérir : « Les positionnements pour les prochaines législatives ont commencé et si elle ne resserre pas ses rangs, l’opposition n’a aucune chance de l’emporter devant Talon qui garde une certaine popularité, notamment chez les jeunes, qui saluent son engagement contre la corruption et la mauvaise gestion ».