[responsivevoice_button voice= »French Female » buttontext= »Ecouter l’article »]
La tension est montée d’un cran, ce samedi 7 juillet à Korhogo (nord), entre les ex-rebelles fidèles à Guillaume Soro et le Rassemblement des Républicains (RDR, parti d’Alassane Ouattara). Kognon Soro, un jeune militant du Rassemblement pour la Côte d’Ivoire (Raci), a été tué à la machette par des assaillants. La victime participait à une assemblée générale de ce mouvement politique, qui milite pour une candidature de Guillaume Soro à la présidentielle de 2020, lorsque le rassemblement a été violemment attaqué par des individus non identifiés, opérant à visage découvert.
Quarante-huit heures après les faits, Guillaume Soro a fini par réagir. Dans un bref communiqué publié depuis le Canada, où il est en mission officielle, il s’est « incliné respectueusement sur la dépouille de ce jeune homme assassiné dans le plein exercice de ses droits constitutionnels ».
Amadou Gon Coulibaly cité dans une vidéo
Bien qu’il soit resté d’abord silencieux après cette attaque qui a touché le Raci, dont le président du mouvement, le député Kanigui Soro, est l’un de ses proches, Guillaume Soro n’est pas resté inactif. La blogosphère qui lui est fidèle a ainsi été mise à contribution pour dénoncer le meurtre. Une vidéo diffusée sur la page officielle de Soro et un live Facebook de Kanigui Soro, publié sur le même média, ont été vus des dizaines de milliers de fois.
La vidéo de cinq minutes, produite rapidement par des professionnels, plante un décor plutôt accusateur : « En Côte d’Ivoire, le sang a coulé ce samedi 7 juillet 2018, pour des motifs politiques », peut-on ainsi entendre. Et le nom du Premier ministre est avancé, même si l’intéressé n’est pas directement mis en cause : « Avant l’assassinat de Kognon Soro, plusieurs cadres du Raci ont été victimes de persécutions de la part de proches du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly », rival de Soro dans la course à la succession de Alassane Ouattara.
Tensions politiques
L’attaque mortelle de Korhogo intervient dans un contexte politique tendu entre les alliés de la mouvance présidentielle du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP). De fait, le fossé se creuse entre Henri Konan Bédié, patron du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), et le président Alassane Ouattara, à propos de la présidentielle de 2020.
Cette crise a été transportée au sein du PDCI, où une dissidence favorable à Ouattara a lancé récemment le mouvement « Sur les traces d’Houphouët-Boigny ». Pendant ce temps, au RDR, la tension est de plus en plus vive entre d’un côté les anciens rebelles des Forces nouvelles (FN) intégrés au parti et, de l’autre, la direction de la « première heure ».
Kanigui Soro, un ancien délégué des Forces nouvelles à Korhogo, est souvent entré en conflit avec Amadou Gon Coulibaly, lequel règne politiquement sur la ville depuis deux décennies. « J’ai mis fin à mes études pour votre pouvoir, perdu une jambe pour vous, en retour vous tentez d’empêcher mon élection et vous tuez », s’indigne Kanigui Soro.
Ses allusions à peine voilées s’adressent au RDR, mais surtout à des proches du Premier ministre, qu’il cite nommément. En réponse, le bureau départemental de la jeunesse du RDR de Korhogo s’est immédiatement insurgé « contre ces raccourcis politiques qui n’honorent pas l’honorable Kanigui » et décidé de porter plainte contre ce dernier.
Des proches de Guillaume Soro menacés ?
Les rivalités au sein du parti présidentiel, dans l’éventualité d’une succession à Alassane Ouattara (qui n’a pas renoncé, de son côté, à se présenter en 2020), empoisonnent l’atmosphère entre ex-rebelles fidèles de Guillaume Soro et responsables du RDR, loyaux à Amadou Gon Coulibaly. Fin juin, dans une interview à Jeune Afrique, Kandia Camara, secrétaire générale du RDR, avait rappelé à Soro que « ce qu’il est aujourd’hui, il le doit au président Ouattara et au RDR. Et il le sait », insistant qu’elle pouvait « le dire avec un mégaphone ».
En retour, elle avait essuyé de vives remontrances de la part de proches collaborateurs de Soro. Ces dernières semaines, la presse proche du patron de l’ex-rébellion a souvent fait état de menaces d’atteinte à la sécurité – voire à la vie – de ce dernier, sans cependant avancer d’éléments de preuve.
Des rumeurs à prendre au sérieux, selon Alain Lobognon, ancien ministre issu de l’ex-rébellion et député pour le compte du RDR. « À l’approche des futures élections, la police et la gendarmerie doivent prendre au sérieux les menaces de toute nature proférées contre les élus qualifiés de proches de Guillaume Soro », a-t-il plaidé après l’attaque.