Dans le cadre de la commémoration de la journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse, le 17 juin, Mamadou BATIENE Point focal national REDD+ et responsable du Secrétariat technique national REDD+ énumère les avantages liés à la mise en œuvre du processus REDD+. Au regard de l’accroissement des superficies des terres dégradées au Burkina Faso, il invite à une prise de conscience des citoyens.
FasoPiC : parlez-nous davantage de la REDD+
Mamadou BATIENE : la REDD+ est un mécanisme de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques. Le sigle REDD+ veut dire réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts incluant la gestion durable des forêts, la conservation et le renforcement des stocks de carbone forestier. Le Burkina Faso est le seul pays sahélien qui a été admis dans ce processus qui a trois phases (Phase de préparation, Phase des investissements et Phase de payements basés sur les résultats).
Le Secrétariat technique national REDD+ (STN/REDD+) que je coordonne est une structure qui a été créée en 2017 par décret. Le STN/REDD+ est chargé de la coordination du processus REDD+ qui n’est ni un projet ni un programme mais une politique de développement. Sa mise en œuvre passe par l’élaboration de plusieurs outils dont la stratégie nationale REDD+ et des projets et programmes. Le Secrétariat technique national REDD+ est logé dans les locaux du Programme d’investissement forestier (PIF) mais institutionnellement il ne dépend pas du PIF. C’est une structure encrée au sein de la Direction générale de l’économie verte et du changement climatique.
FasoPiC : Qu’est-ce que la désertification ?
Mamadou BATIENE : Selon la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, la désertification désigne « la dégradation des terres dans les zones arides, semi- arides et subarides sèches par suite de divers facteurs parmi lesquelles les variations climatiques et les activités humaines ».
FasoPiC : Avez-vous l’impression que la désertification s’est-elle accélérée ces dernières années ?
Mamadou BATIENE : oui, parce qu’aujourd’hui, nous avons des résultats d’études qui confirment cela. L’avantage que l’on a dans le processus REDD+ est le fait que l’on mène de nombreuses études. Une étude conduite par le Secrétariat Permanent du Conseil National pour le Développement Durable (SP/CNDD) dans le cadre de la définition des cibles pour atteindre la neutralité en matière de dégradation des terres, a révélé qu’on a environ 469 950 hectares de terres dégradées annuellement ; cela est énorme. Pour le cas des forêts, l’étude sur les facteurs de la déforestation et de la dégradation des forêts a fait remarquer une perte de 247 145 hectares de forêts par an. Le phénomène de la dégradation des terres est donc réel au Burkina Faso.
FasoPiC : Quelles peuvent être les causes de la désertification ?
Mamadou Batiene : on a les causes directes et les causes indirectes ou encore les causes sous-jacentes. Pour les causes directes on a les mauvaises pratiques d’exploitation des ressources naturelles, le surpâturage, l’exploitation minière, les feux de brousses, etc. Les changements climatiques contribuent aussi à la désertification. Les causes indirectes sont essentiellement l’augmentation de la population, la faiblesse de la gouvernance des ressources naturelles, la paupérisation de la population, etc.
FasoPiC : Parlez-nous des conséquences de la désertification ?
Mamadou Batiene : Le Burkina Faso est un pays sahélien où la majorité de la population soit environ 73,7% vit en milieu rural. Les moyens de subsistance de ces populations dépendent essentiellement des ressources naturelles. C’est pourquoi, une dégradation des terres aura des répercussions sur leur vie. Les principales conséquences sont : la baisse de la production agricole qui entrainera des crises alimentaires récurrentes, la malnutrition, le chômage des jeunes, le déplacement des populations vers d’autres zones où les terres sont plus fertiles, l’urbanisation croissante avec tous les problèmes connexes, etc.
FasoPiC : Le 17 juin est déclaré journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse depuis 1995 par les nations unies. Que représente cette journée pour vous ?
Mamadou BATIENE : cette journée pour nous est très importante. C’est vrai que ce n’est pas en une seule journée qu’il faut valoriser les actions mises en œuvre pour lutter contre la désertification, mais elle est importante dans la mesure où nous faisons une halte pour jeter un regard rétrospectif sur ce qui a été fait et réfléchir à des solutions pour l’avenir. Cette journée est une occasion unique de rappeler à chacun que la neutralité en termes de dégradation des terres est possible moyennant un fort engagement de la communauté et une coopération à tous les niveaux. Nous parlons de développement durable dans nos stratégies donc il faut qu’on pense aux générations futures. Cette journée est aussi un moment d’interpellation du politique et de prise de décisions par tous les acteurs.
FasoPiC : Le thème retenu par l’ONU pour l’édition 2021 est « Restauration. Terres. Reprise : des terres saines pour construire à mieux ». que vous inspire ce thème ?
Mamadou BATIENE : ce thème est en lien avec « 2021-2030, la décennie de la restauration des écosystèmes » décrété par les Nations Unies. Dans tous ses discours, le Secrétaire Général des Nations Unies Antonio Guterres, interpelle les décideurs à l’action afin de sauver la terre. Il faut donc qu’on commence à la restaurer. La Terre se porte mal du fait de nos actions donc si nous volons sauver cette Terre, donner un avenir à nos enfants, c’est le moment d’agir avant qu’il ne soit trop tard.
FasoPiC : au Burkina Faso, quel est le thème retenu pour cette Commémoration ?
Mamadou BATIENE : C’est le même thème que celui qui a été retenu au niveau international.
FasoPiC : quelles sont les activités au programme pour la commémoration de cette journée au Burkina Faso ?
Mamadou BATIENE : La commémoration de la journée est coordonnée par le SP/CNDD qui a proposé un programme dont quelques activités sont :
- la déclaration de Monsieur le Ministre de l’environnement, de l’économie verte et du changement climatique dans la presse ;
- des émissions radiophoniques à la RTB et à Radio Kakoadb-Yem Vinigré de Ziniaré ;
- des jeux radiophoniques à Radio Kakoadb-Yem Vinigré de Ziniaré,
FasoPiC : comment la REDD+ peut-elle contribuer à la lutte contre la désertification?
Mamadou BATIENE : la REDD+ contribue à la lutte contre la désertification de plusieurs manières. Les actions qui sont conduites dans le cadre de la REDD+ contribuent à la restauration des terres dégradées, à l’amélioration de la fertilité des sols. En somme, la REDD+ fait la promotion des bonnes pratiques de gestion durable des terres. En outre, la REDD+ en participant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, contribue à la lutte contre les changements climatiques, l’une des causes de la désertification.
FasoPiC : conformément au thème mondial, selon vous, quelles stratégies faut-il mettre en place pour la restauration des terres dégradées ?
Mamadou BATIENE : pour la restauration des terres, les initiatives sont multiples. Au niveau national et international, il y a ce qu’on appelle la neutralité en matière de dégradation des terres. Il y a aussi les bonnes pratiques de gestion durable des terres qui sont également promues par un certain nombre de projets et programmes. Il y a également le processus REDD+ qui accompagne les producteurs. Dans le cadre du Programme d’Investissement Forestier on a pu accompagner plus de 2500 producteurs dans les 32 communes d’intervention du programme pour promouvoir les bonnes pratiques agro-sylvo-pastorales. Ce sont des initiatives louables. En plus, il y a l’agroécologie qui est en train d’être promue par un certain nombre d’acteurs et projets. Ces initiatives, si elles sont maintenues contribueront un jour à inverser la tendance.
Propos recueillis par Mireille Bailly