Généralement la construction d’habitats sur certains espaces occupés en périphérie des villes, sont très souvent à l’origine de tensions entre ses habitants et les autorités communales. Ce sont des quartiers fortement peuplés, communément appelés ‘’sozonibougou’’ ou non lotis. Ces bidonvilles existent dans la plupart des secteurs de la ville de Bobo-Dioulasso. Quelles sont les réalités qui se cachent derrière l’existence de ces quartiers ? Le constat est pitoyable.
Manque d’infrastructures routières adéquates, manque d’eau, manque d’électricité, c’est le sombre visage des quartiers zones non-loties, communément appelés ‘’sozonibougou’’ à Bobo-Dioulasso. Dans ces zones habitées sans aucun plan d’aménagement urbain, l’on rencontre une nombreuse population venue s’installer dans l’espoir d’obtenir une parcelle d’habitation à la faveur des opérations de lotissements.
La raison généralement avancée par les habitants de ces lieux est le manque de moyens financiers pour s’acheter une parcelle dans un quartier déjà loti, répondant aux normes. Mais la durée de se voir attribuer un terrain d’habitation à l’issue d’une opération de lotissement peut s’étendre sur des années, durant lesquelles ces populations attendent que la chance leur sourisse.
La procédure d’obtention d’une portion de terre habitable dans ces endroits dits non lotis est une autre raison car elle est très simple. Il suffit de se rendre dans la plupart des cas, chez les chefs de terre ou les propriétaires terriens et leurs verser un montant d’argent. Le prix à payer s’élève souvent à des centaines de billet de mille. Une fois le versement fait, l’acheteur a le droit de construire une habitation où il pourrait temporairement ou définitivement vivre avec sa famille, le mettant ainsi à l’abri de toutes dépenses liées à la location. Même étant là-bas, il reste toujours dans l’espoir d’une probable opération de lotissement qui pourrait leur donner définitivement le Permis urbain d’habiter(PUH).
L’indépendance en matière d’habitation est un autre motif qui explique cette forte présence. Mais quand commencent les opérations de recensement pour l’obtention d’une parcelle, durant lesquelles il y a des heureux et des frustrés, tous les espoirs et regards sont tournés vers le ciel et les autorités compétentes qui, elles aussi s’en remettent à la procédure légale d’occupation d’un terrain pour habitation. Les plus chanceux, à l’issue des opérations de lotissement, se frottent les mains et s’attèlent aux dernières démarches administratives pour l’obtention du document final.
Les plus malheureux crient souvent à la trahison avançant des prétextes comme le favoritisme avec tous ses champs lexicaux pour traduire leur désarroi : « On ne peut pas comprendre ça ! Ces politiciens sont comme ça. Ils viennent souvent nous berner avec des promesses mielleuses d’obtention de terrain à habiter, mais une fois leur besoins satisfaits, ils font ce qu’ils veulent…op !», déplorent les habitants de zones non loties.
Toutefois, les habitants des zones non loties, dans leur espoir d’obtenir définitivement une parcelle, ne sont pas épargnés par plusieurs autres soucis qui troublent leur sommeil. Les saisons pluvieuses qui provoquent très souvent des écroulements de maisons construites en banco ou en briques de circonstances, en sont un. « C’est ça qui est mon souci majeur. Souvent la nuit quand il y a la pluie, je ne dors pas car je ne sais pas si la maison va tomber ou pas. Et la journée même si tu dois aller au travail et que tu vois une pluie qui se prépare, tu es obligé de rester à la maison », avance Souleymane Konaté, un père de cinq enfants avec ses deux femmes vivant dans une zone non lotie au secteur 29 de Bobo-Dioulasso.
A cela s’ajoute le problème de l’eau qui est un calvaire pour les habitants qui font la queue devant la fontaine, parfois la seule à proximité de la zone. Des charges d’eau (jerricanes de 20 litres, des barriques d’eau posées sur un pousse-pousse ou brouette, etc.) transportées ou tirées par des femmes souvent enceintes et des enfants, suivant les sentiers en méandres, à travers des habitations ne respectant aucune normes topographiques d’aménagement.
Tellement dépassés par la situation, certains ne tardent pas à tirer à boulet rouge sur les politiciens. « Je n’accorderai plus jamais aucune crédibilité aux propos qui nous sont tenus par les politiques. Ils nous prennent pour des ânes et pourtant c’est grâce à l’âne que son propriétaire se nourrit », a martelé Hamidou Zangré, un habitant de la zone non lotie du secteur 18 de Bobo-Dioulasso. D’année en année, la morphologie de la ville de Bobo évolue suite à l’arrivée massive de nouvelles personnes venues d’horizons divers.
Soura Ibrahima de la zone non lotie du secteur 29 de Bobo, lui, a décidé de rester chez lui avec sa famille, au lieu d’aller encore voter pour quelqu’un qui ne tient pas sa parole. « Je resterai chez moi avec mes enfants et je ne voterai pour personne même si c’est un devoir citoyen. J’ai l’impression que la phrase « chacun a droit à un logement » chez nous ici est une illusion » a-t-il dit. « C’est vraiment déplorable de voir qu’on peut vendre des habitants et leurs terrains. Les autorités ne pensent qu’à remplir leurs poches, sur le dos des honnêtes citoyens. Combien cela leur coûte-t-il de faire un lotissement où tout le monde pourrait avoir un toit ? Ma famille et moi, on ne vote pas et c’est tout », ajoute aussi Moulé alias »Rasta ».
Si la volonté de vivre sous un toit et le manque de moyens financiers pour se procurer une parcelle d’habitation sont les raisons qui expliquent l’afflux massif de certains Burkinabè vers les périphéries, pour Konaté Karidjatou, diplômée en gestion des entreprises, « la cupidité et la gourmandise de certains dirigeants politiques et magnats financiers » sont aussi en grande partie les causes de cet exode.
Entre souffrance pour avoir de l’eau, soucis de perdre sa maison en saison pluvieuse, routes complètement dégradées avec des ruissellements d’eau à couper le souffle, ils sont nombreux ces habitants de Zones non loties de Bobo Dioulasso qui pointent du doigt les autorités locales, à commencer par le Conseiller du quartier, ensuite le Maire, avant d’attaquer les plus hautes autorités. La question des zones non loties est une bombe à retardement. Et pour ce faire, il serait mieux de prendre à temps, le problème à bras le corps, afin d’éviter d’éventuelles surprises.
K.Y.M(Correspondant)