Celui qui quitte le pouvoir presque par la petite porte, a pourtant été une gloire de son parti qui le vomit aujourd’hui. Comment est-on arrivé là ? Zuma, au sommet de la gloire en 2007. Jacob Zuma est au sommet de sa popularité. Les militants de l’Anc le trouvent très proche d’eux, contrairement au président ThaboMbeki, qualifié d’intello. En Afrique du Sud, les combattants de l’apartheid sont classés en deux groupes. Celui des intellectuels (dont ThaboMbeki), qui ont combattu de l’extérieur, et ceux qui ont mené le combat sur le terrain. Jacob Zuma a le profil parfait.
En effet, reconnu coupable de ‘’conspiration en vue de renverser le gouvernement’’, (un honneur à l’Anc en pleine lutte), il a été condamné en 1963 à dix années de prison et envoyé purger sa peine au pénitencier de Robben Island, aux côtés notamment de Nelson Mandela condamné lui à perpétuité dans une autre affaire similaire. C’est durant son incarcération à Robben Island que, grâce aux cours dispensés par ses codétenus comme GovanMbeki (père de ThaboMbeki), Jacob Zuma apprend à lire, à écrire et se familiarise avec les débats d’idées.
A ce Cv, il faut ajouter que Jacob Zuma, Zoulou, a l’avantage d’être né dans le KwaZulu-Natal, une région très difficile pour l’Anc à cause des rivaux de l’Inkatha. D’ailleurs, il sera le principal artisan de la paix au Natal, en mettant fin aux affrontements ethniques et fratricides entre l’Anc et les Zoulous de l’InkathaFreedom Party de Mangosuthu Buthelezi (Ifp).
Autre fait important, il est proche des puissants syndicats qui font, avec l’aile gauche, la force de l’Anc. En décembre 1994, il est élu chef de la direction nationale de l’Anc, devenant le 3e personnage du parti derrière Nelson Mandela et ThaboMbeki. C’est donc tout logiquement qu’il succède à ThaboMbeki. Une fois au pouvoir, Jacob verra sa popularité plombée par de sales affaires. 783 chefs d’inculpations pour ‘’fraude, racket et corruption’’.
La plus vieille affaire qui a hanté le chef de l’Etat, ce sont les 783 chefs d’inculpations pour ‘’fraude, racket et corruption’’. Il traîne la plupart depuis son poste de vice-Président. A la fin des années 90, Jacob Zuma est vice-président du parti au pouvoir et il est accusé d’avoir accepté des pots-de-vin dans le cadre d’un contrat d’armement public avec la société française, Thalès. En 2008, les charges sont abandonnées pour vice de procédure, ouvrant la voie à son élection à la présidence. Pour l’opinion, Zuma a fait pression sur les juges. Accusé de viol sur une jeune femme séropositive, Zuma va donner des réponses maladroites. Il y a également un scandale privé qui a beaucoup choqué les Sud-Africains, c’est une ancienne affaire de viol. En 2005, Jacob Zuma est accusé d’avoir violé une jeune femme de 31 ans, une amie de la famille.
Lui a toujours nié les accusations, disant que la relation était consentante alors que la jeune femme a porté plainte. Ce qui a profondément choqué les Sud-Africains, c’est que la jeune femme était séropositive. Elle est d’ailleurs décédée depuis. Et Jacob Zuma avait admis ne pas avoir utilisé de préservatif, mais s’était justifié indiquant avoir pris une douche après, pensant que c’était suffisant pour se protéger.
Dans un pays touché de plein fouet par l’épidémie de VIH-sida, cette réponse désinvolte du chef de l’Etat a fait scandale. Et lui a valu une caricature célèbre, où on le voit avec un pommeau de douche au-dessus de la tête. Mais la plus grosse erreur de Jacob Zuma, ce sera l’affaire Nkandla qui éclate pendant son second mandat. Le président est accusé d’avoir puisé près de 14 milliards de Fcfa dans les caisses de l’Etat pour rénover sa résidence privée. Après des années de procédures judiciaires, il a été reconnu coupable par la plus haute Cour du pays d’avoir enfreint la loi et doit rembourser une partie de l’argent.
L’affaire Gupta
Finalement, la goutte d’eau qui fait déborder le vase, ce sont ses liens avec la famille Gupta. Il s’agit d’un autre rapport de la Médiatrice de la République sorti en 2016, et qui révèle l’étroite collusion entre le chef de l’Etat et une richissime famille d’hommes d’affaires indiens.
Les Gupta sont accusés d’utiliser leur relation avec Jacob Zuma pour lui imposer la nomination de certains ministres leur étant proches ou pour d’obtenir des contrats publics. Le chef de l’Etat a avoué être un ami des Gupta, mais a toujours nié leur accorder des faveurs.
Et pourtant en 2013, les Gupta font atterrir sur une base militaire sud-africaine un avion privé transportant leurs invités à un mariage. L’affaire fait scandale et suscite de nombreuses questions sur les privilèges qui leur sont accordés. Le rapport de la Médiatrice va révéler l’ampleur de l’ingérence de cette famille dans les affaires de l’Etat. Près de 355 pages détaillant les contacts, des rencontres, des conversations entre différents membres du gouvernement et la famille Gupta. Ces scandales réveillant d’anciens soupçons ont fini par couler Jacob Zuma. L’Anc qui l’a adulé, l’a honni aujourd’hui.
Mp