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Agro-industrie : l’État sénégalais face au défi de l’arachide

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L’arachide constitue une filière essentielle à l’économie sénégalaise. Pourtant, le modèle actuel présente des faiblesses importantes pour les industriels locaux. Quelles solutions pour y remédier ?
Pour cette campagne agricole 2017-2018, d’après les chiffres du gouvernement rendus publics à l’issue du Conseil interministériel du 9 mai, le pays a enregistré une production record en céréales, mil, riz, fruits et légumes, etc.

Bien entendu, les graines d’arachide figurent en bonne place dans ces résultats, avec une production jamais atteinte de 1,4 million de tonnes (des chiffres contestés par certains acteurs de la filière qui estiment que la production dépasse de peu 800 000 t). Mais à quelques jours de la clôture, le 25 mai, de la campagne de commercialisation, officiellement lancée le 1er décembre 2017, il était fréquent d’entendre des paysans dispersés dans les principales zones de production du pays déplorer la difficulté d’écouler leurs graines.

Tel est le cas dans la région de Fatick, dans le centre-ouest du pays, l’un des cœurs du bassin arachidier avec Kaolack, Kaffrine, Diourbel, Louga, Tambacounda, Ziguinchor et Kolda. Cela tient à divers facteurs. D’abord, aux difficultés rencontrées par la Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal (Sonacos, ex-Suneor), le plus gros client des paysans, pour mobiliser les fonds nécessaires à l’achat de graines, mais également du deuxième transformateur, Copeol (ex-Novasen, coentreprise française entre Avril et Castel) confronté, lui aussi, à d’importantes difficultés.
Bonne récolte en Chine

Ensuite, à l’entrée tardive du Collectif des producteurs et exportateurs de graines d’arachide (Copega), qui négociait avec l’État la levée de la taxe de 40 F CFA instituée sur le kilogramme d’arachide destinée à l’export. Et même si l’organisation a finalement obtenu gain de cause, la taxe ayant été provisoirement suspendue, la mesure n’a pu doper les exportations de graines. « Sur une production de 1,411 million de t, nous n’avons pu exporter qu’un peu plus de 200 000 t contre des prévisions de 450 000 t », explique Habib Thiam, le président du Copega.

Enfin, les négociants chinois qui ces dernières années achetaient à tour de bras et bien au-dessus du prix plancher officiel (fixé à 210 F CFA le kilo depuis deux ans, quand le prix du marché est estimé à 160 F CFA) une bonne partie des graines disponibles ont cette année boudé la production sénégalaise.

Grande réexportatrice de graines d’arachide, la Chine a enregistré lors de la dernière campagne une bonne récolte (18 millions de t contre des besoins estimés à 16 millions de t), après plusieurs années de sécheresse. Résultat, la production record tellement vantée par le gouvernement s’est vite transformée en casse-tête, tant l’arachide constitue une culture stratégique dans le pays. De fait, elle occupe près de 70 % des actifs dans le monde rural, leur procure l’essentiel de leurs revenus annuels – d’après des chiffres de la Banque mondiale datant de 2016, environ 480 000 ménages ruraux cultivaient l’arachide au Sénégal.
Injonction présidentielle

Devant l’absence des Chinois, c’est Macky Sall lui-même qui est monté au créneau en février, lors de sa tournée économique dans la région de Kaolack, pour demander aux partenaires – surtout aux Turcs – de « venir acheter l’arachide sénégalaise ». Il a réitéré son appel quelques jours plus tard lors d’un forum d’affaires sénégalo-turc auquel participait son homologue Recep Tayyip Erdogan, en visite officielle de trois jours au Sénégal.

Non sans presser dans le même temps son ministre du Commerce d’organiser dans les meilleurs délais des concertations avec les différents acteurs de la filière (huiliers, transformateurs artisanaux, opérateurs privés, producteurs, etc.), pour accroître la part d’arachide transformée localement. À la suite de cette injonction présidentielle, une dizaine de mesures ont été arrêtées en mars.

Les industriels et producteurs d’huile brute d’arachide (Sonacos, Copeol, West African Oils, Complexe agro-industriel de Touba, Oleosen, etc.) se sont notamment engagés à produire 197 000 t d’huile par an (équivalant à 600 000 t d’arachides transformées), tandis que des producteurs d’huile brute réunis au sein du Regroupement des acteurs du secteur de l’industrie et de l’agroalimentaire de Touba (Rasiat), devront transformer 1 000 t d’arachides par jour (soit 360 000 t de graines par an).
Capacité de transformation

Ou encore, la détermination par les autorités du volume des importations d’huile en fonction des capacités de transformation et de commercialisation de l’huile d’arachide produite et l’accompagnement par le gouvernement des artisans producteurs d’huile brute vers une industrialisation.

Ahmed OUEDRAOGO

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