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« Aucun pays au monde ne s’est développé sans sa recherche scientifique », SIDIBE Hamadou

Au Burkina Faso, l’agriculture qui occupe environ 86%  de la population active est confrontée ces dernières années aux effets du changement climatique. Pour faire face à ces contraintes, les chercheurs burkinabè développent des variétés améliorées qui s’adaptent à chaque difficulté (la sécheresse, le ravage des plantes parasites, les chenilles légionnaires). Dans cet entretien, Hamadou SIDIBE, sélectionneur et améliorateur des plantes à l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agronomiques (INERA) et Coordonnateur du programme protéagineux à la station de recherche de Saria explique les avantages des  différentes variétés  améliorées du niébé développées de 2012 à 2020. 

FasoPiC :  Quelles sont les variétés du Niébé développées par l’INERA ?

SIDIBE Hamadou : On a toute une gamme de variétés de niébé développées par l’INERA. Il y a environ 23 variétés du niébé inscrites au catalogue national. Nous pouvons catégoriser ces variétés par rapport aux années de vulgarisation. Avant 2012, un certain nombre de variétés ont été vulgarisées. Ce sont par exemple la variété KVX 745 11P à double usage, la variété KVX 61-1 à goût sucré et bien d’autres variétés.

En 2012, il y a eu d’autres variétés qui ont été inscrites au catalogue national. Il s’agit des variétés Tiligré, Komcallé et Nafi. Avec ces trois variétés, la grosseur des grains et le rendement ont été améliorés. Elles résistent aussi à un certain nombre de contraintes, notamment les plantes parasites qui causent d’énormes dégâts sur le niébé. Les cycles de ces variétés ont été réduits de 68 à 70 jours avec un potentiel de rendement de 2 tonnes à l’hectare.

Huit (8) ans après soit en 2020, le programme de sélection sur le niébé, a inscrit au catalogue national six nouvelles variétés de niébé que sont ISSA-SOSSO, Makoyin, Yipoussi, Neerwaya, Teeksongo et Gourgou. L’équipe de sélection sur le niébé a travaillé à améliorer la grosseur des graines à plus de 27% par rapport aux variétés vulgarisées en 2012. Elle a également travaillé sur le cycle, ce qui a permis d’avoir des variétés de 60 jours. Dans cette gamme de variété, nous avons rendu hommage à un premier sélectionneur du niébé à savoir le regretté Dr DRABO Issa en donnant son nom à une variété appelée « Issa Sôssô »

FasoPiC :  Quelles différences fondamentales y a-t-il entre les variétés améliorées et les variétés traditionnelles ?

SIDIBE Hamadou : Qui parle d’amélioration, parle de l’apport d’un caractère d’intérêt à une variété. Il faut retenir qu’une variété améliorée est une variété dont au moins une ou plusieurs caractéristiques présentent des performances supérieures à celles des variétés dont elle est issue. Elle répond mieux aux exigences du producteur basé essentiellement sur les critères de qualité et de quantité. Par contre, la variété traditionnelle est une variété qui existe dans son milieu sans aucune intervention humaine, autre que la sélection massale. Ces variétés traditionnelles sont résilientes. Elles peuvent être purifiées par la recherche puis mises à la disposition des producteurs ou utilisées dans des croisements pour l’amélioration d’autres variétés pour résoudre d’autres contraintes de production du niébé. C’est le cas des variétés locales comme Moussa local et Gorom local.

FasoPiC :  Les variétés améliorées du niébé sont-elles utilisées par les producteurs ?

SIDIBE Hamadou : Le taux d’adoption est estimé à environ12%. La consommation urbaine intérieure du niébé est estimée à 90% de la production nationale tandis que la demande du marché potentiel sous régional est de 500.000 tonnes/an (Communication du Socio économiste de l’unité de l’unité de sélection du niébé). Les efforts de communication entrepris par le ministère autour des activités de la recherche, l’organisation de la foire de semence par l’INERA chaque année, l’organisation des journées promotionnelles et les activités réalisées dans le cadre des plateformes d’innovation sur le niébé par notre équipe pluridisciplinaire de l’INERA ont contribué énormément à améliorer le taux d’adoption des variétés améliorées de niébé. Cependant, il y a toujours un effort à faire.

FasoPiC :  Est-ce que ces variétés améliorées peuvent contribuer à lutter contre la pauvreté et la faim ?

SIDIBE Hamadou : Le niébé est adapté et cultivé dans les trois zones agro écologiques du Burkina Faso. La demande en consommation nationale et sous régionale est également très importante. Ce flux d’échange du niébé est source de devises et de création d’emplois. En matière de production du niébé, le Burkina vient en troisième position après le Nigéria et le Niger. Il faut noter qu’une semence de bonne de qualité contribue à 40% au rendement. Ce qui signifie qu’une semence de bonne qualité est gage d’un bon rendement.

Avec le contexte de changement climatique, les variétés de niébé que la recherche vous propose sont des variétés à haut rendement, à grosses graines, à cycle court, tolérantes à la sécheresse et résistantes à certaines plantes parasites comme le Striga gesnerioïdes et bien d’autres contraintes. Au regard de la performance agronomique de ces variétés améliorées de niébé, nous pouvons dire que les variétés du niébé peuvent contribuer à lutter contre l’insécurité alimentaire au Burkina Faso.

FasoPiC :  Malgré les avantages certains producteurs sont réticents quant à l’utilisation des variétés améliorées. Selon vous qu’est ce qui explique cela ?

SIDIBE Hamadou : Je vais plutôt parler de méconnaissance. La différence entre les variétés locales et les variétés améliorées est nette sur le terrain. Ceux qui utilisent les variétés améliorées du niébé font la part belle entre les deux. Pour nous, il faut une sensibilisation auprès des utilisateurs et plus de communication autour des variétés améliorées afin que les producteurs sachent qu’il y a des variétés améliorées qui peuvent les permettre de sortir de la pauvreté et de la faim.

Hamadou SIDIBE , sélectionneur et améliorateur des plantes à l’INERA

FasoPiC :  Ces derniers temps la question des biotechnologies suscitent des débats. Quelle est votre position sur cette question notamment dans le secteur des biotechnologies agricoles en général et particulièrement la variété du niébé ?

SIDIBE Hamadou : La biotechnologie est un domaine qui recouvre l’ensemble des technologies et applications ayant recours à l’utilisation ou à la modification de matériaux vivants dans un objectif de recherche scientifique pour accroître les connaissances humaines, ou dans un objectif commercial afin de créer un produit ou service. Toutefois, la définition de la biotechnologie est si large qu’elle englobe les techniques ancestrales utilisées par l’homme depuis des siècles pour la fermentation ou la domestication des plantes et animaux. C’est pourquoi on identifie séparément les « biotechnologies modernes », issues du génie génétique après la découverte de l’ADN en 1953 et aux innombrables recherches ultérieures qui en ont découlé.

Il faut comprendre que ce sont des outils de travail. Si vous prenez le cas du niébé, nous utilisons les marqueurs moléculaires. Les marqueurs moléculaires sont des fragments d’ADN qui servent de repères pour suivre la transmission d’un segment de chromosome d’une génération à l’autre. Il peut être lié à un gène d’intérêt. Ces marqueurs permettent de réduire le temps de sélection. La mise au point d’une variété pouvait prendre sept à huit ans avec la sélection conventionnelle.  Mais avec les outils de la biotechnologie, le temps de mise au point est au maximum de quatre ans pour ce qui est du niébé. Donc le temps de sélection est réduit ainsi que le volume du travail et c’est le consommateur burkinabè qui gagne.

FasoPiC :  Tout ce travail est suivi de près par l’Agence Nationale de Biosécurité. Comment se fait le suivi ?

SIDIBE Hamadou : Actuellement, le travail de l’Agence Nationale de Biosécurité est beaucoup plus focalisé sur les Organisme Génétiquement Modifiés. Notre équipe travaille également sur le niébé Bt résistant à la foreuse de gousse (Maruca vitrata). Je ne vais pas me substituer à l’Agence Nationale de biosécurité, mais ce que je sais c’est qu’elle joue un rôle de veille et de conseils. Donc, elle a un œil sur ce que le chercheur fait en matière d’expérimentation sur les Organismes Génétiquement Modifiés de telle sorte qu’au sortir du produit que le consommateur ne doute pas de la qualité du produit.

FasoPiC :  Quels conseils avez-vous à l’endroit des producteurs qui ont peur d’utiliser les variétés améliorées sous prétexte qu’elles sont issues de la biotechnologie ?

SIDIBE Hamadou : Je les invite à s’orienter vers l’utilisation des variétés améliorées et tout produit issus de notre recherche. Compte tenu de la rareté des pluies, de leur mauvaise répartition et des contraintes de production du niébé, les variétés améliorées constituent une solution à ces différentes contraintes. Je ne doute pas de la capacité de notre recherche et de nos chercheurs à relever les défis du moment car aucun pays au monde ne s’est développé sans sa recherche scientifique. De ce faite, les producteurs doivent adopter les variétés améliorées et surtout les variétés améliorées du niébé qui les feront sortir de la pauvreté et permettre d’atteindre l’autosuffisance alimentaire.

Je saisi l’occasion pour féliciter et remercier les ainés de l’équipe de sélection du niébé, l’équipe pluridisplinaire de la sélection sur le niébé, les producteurs, la direction du CNRST et de l’INERA, le Ministère en charge de la Recherche et les partenaires financiers.

Propos recueillis par M’pempé Bernard HIEN

nicolas bazie

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