Le Yagha créé en 1995 est la dernière-née des provinces de la Région du Sahel. Le Yagha est la plus vulnérable des quatre provinces du Sahel. Le peu d’écoles que compte la province a été incendié et mis à sac… C’est une province enclavée, totalement démunie en infrastructures publiques et là où le terrain facilite l’infiltration terroriste. Dans le Yagha, des agents de l’Etat se distinguaient par le racket et la spoliation des populations et ces pratiques de prédateurs ont écorné l’image de l’autorité publique. Hormis Sebba, le chef-lieu de province, les autres communes ont été dotées d’un commissariat de police après 2010.
L’on avait pu observer au cours des mois écoulés que Mansila s’isolait peu à peu. Les terroristes resserrent l’étau sur Mansila dont ils veulent en faire un sanctuaire. Le drame de Solhan pourrait être l’œuvre des hommes qui tournent autour de Mansila, le repaire des terroristes. Mansila est située à 45 km de Sebba, à une trentaine de Km de Solhan et à environ 50 km de la frontière du Niger. Mansila est la deuxième commune la plus importante du Yagha après Sebba. Mansila abrite des milliers de déplacés internes. A Sebba, les déplacés internes les plus nombreux provenaient essentiellement de Mansila avant les tueries de Solhan. Les deux députés actuels du Yagha, Barry Issa (NTD) et Barry Moctar (Agir) sont originaires de Mansila.
On se rappelle que dans la soirée du 24 janvier 2019 le poste de police de Mansila a été attaqué par des hommes armés non identifiés. Le 3 février 2019, des hommes armés avaient incendié la mairie, la préfecture et le poste de l’environnement de Mansila. En juin 2019, toujours à Mansila, un guide des agents des eaux et forêts a été égorgé en public et sa tête brandie en trophée. Le 28 novembre 2020, les populations se sont révoltées sans succès contre les règles imposées par les groupes armés.
Le 14 décembre 2020, un détachement militaire est envoyé dans la commune de Mansila. Le 15 décembre 2020, une unité militaire, engagée dans une opération de sécurisation à Mansila, est tombée dans une embuscade et 13 assaillants ont été neutralisés. Deux pauvres dames ont été victimes de l’explosion d’une mine artisanale dans la soirée du 23 février 2021.Quatre agents de santé ont été enlevés par des individus armés non identifiés le 18 mars 2021 en quittant Sebba pour rejoindre leur poste à Mansila. Une liste non exhaustive des incidents sécuritaires dans cette commune.
Mansila est une cité religieuse mystique par son Cheikh, et sa mosquée, haut lieu de pèlerinage durant les Moulouds musulmans, les fidèles venaient de l’intérieur du Burkina, du Niger, du Mali, du Nigeria…. Le Cheikh était consulté régulièrement par l’ancien régime et il se susurre que c’est l’ancien président Blaise Compaoré qui a reconstruit la grande mosquée de Mansila.
L’actuel guide spirituel a été obligé par les terroristes de déserter les lieux et le mausolée de son défunt père a été profané par les nouveaux occupants des lieux. Mansila fait frontière avec la province de la Komandjari et celle de la Gnagna dans le Région de l’Est. Mansila est un point de jonction entre l’Est et le Sahel. A l’image de Solhan, le village de Kodyel (dans la Komandjari voisine de Mansila) a été pris d’assaut le 3 mai dernier par des terroristes qui ont encerclé le village et laissant une trentaine de morts.
La situation sécuritaire reste précaire, les terroristes imposent un blocus à Mansila. Ils rendent les voies d’accès impraticables, occupent les hameaux de culture autour de Mansila et sévissent dans les localités de Bana, Banga, Lontia et Kossi. De la Région du Centre-Nord (aux environs de Yalgo), un couloir conduit les terroristes jusqu’à Solhan. A partir de Solhan, l’axe de Mansila conduit dans le couloir qui traverse l’Est du pays pour déboucher vers le Bénin. La fermeture de l’important site d’orpaillage de Solhan peut avoir pour conséquence, le repli des orpailleurs vers la zone de Mansila où des sites clandestins sont exploités par des terroristes.
Ag Ibrahim