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La dernière production Marvel-Disney, Black Panther, est une épopée inventée de toutes pièces dans les studios numériques hollywoodiens. Son extraordinaire succès n’était pas prévisible. Il en dit long sur la soif de reconnaissance des Noirs du monde entier. Enquête.
L’une est camerounaise, l’autre ivoirienne. En deux semaines, elles ont vu Black Panther quatre fois chacune. Installée à Chicago depuis une vingtaine d’années, la première, Nadia Hapi, une mère de famille de 44 ans, est retournée tous les jeudis à l’AMC Theatre de Lake in the Hills (Illinois). La seconde, Karine Mensah, 32 ans, s’est calée dans les fauteuils du Majestic Cinéma d’Abidjan chaque fois qu’elle en a eu l’occasion. À des milliers de kilomètres de distance, les deux amies sont tombées sous le charme du blockbuster narrant les aventures du premier super-héros africain. Sorti à la mi-février, celui-ci a déjà dépassé le milliard de dollars de recettes.
Tous ceux qui ont aimé le film ont la même explication : « Enfin ! Les Africains sont valorisés ! » L’intrigue se déroule dans un pays imaginaire du continent, le Wakanda, jamais colonisé, surpuissant et possédant d’inépuisables réserves de vibranium, un minerai permettant d’élaborer les armes les plus redoutables et les technologies les plus sophistiquées. Un combat va s’engager entre deux protagonistes.
Le mythe du sauveur africain libérant son peuple du néocolonialisme
L’un (Black Panther) s’efforce de protéger le secret du pays ; l’autre, impérialiste, entreprend de quitter son univers protégé pour dominer les autres. Pour Hapi comme pour Mensah, Black Panther est un film exaltant un héroïsme noir. Une réécriture de l’histoire des Noirs d’Afrique, sans les sempiternels accents misérabilistes. L’illustration d’une Afrique conquérante.
Pour le Français d’origine congolaise Michel Bampély, sociologue de l’art et de la culture, « le super-héros de Ryan Coogler semble faire l’unanimité parce qu’il est le défenseur des cultures opprimées. Son royaume révèle une Afrique qui aurait retrouvé le capital symbolique qui était le sien dans l’Antiquité. Dans un décor afrofuturiste, Black Panther évoque ainsi une Afrique pharaonique glorieuse, telle que l’ont reconstituée des intellectuels comme Anténor Firmin, Duse Mohamed Ali et surtout Cheikh Anta Diop. Les spectateurs sont flattés à l’idée qu’une Afrique nègre ait pu apporter sa contribution à toutes les civilisations, même si son épopée a été censurée par les puissances occidentales, qui l’ont asservie par l’esclavage, la colonisation et la négation de son humanité ».