[responsivevoice_button voice= »French Female » buttontext= »Ecouter l’article »]
Docteur Abdalla Dao est chercheur en génétique et amélioration des plantes. Dans l’interview qu’il nous a accordée dans son bureau à l’Institut de l’Environnement et Recherches Agricoles(INERA) de Farakoba, il nous explique dans un langage simple la notion de biotechnologie et ses avantages dans la lutte pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle.
FasoPiC: Qu’est-ce qu’on entend par biotechnologie ?
Dr Abdalla Dao : La biotechnologie est une notion qui est utilisée depuis des millénaires. Donc chaque pays essaie de donner une fonction à la biotechnologie mais quand on essaie de recouper les définitions. La substance qui y sort c’est que la biotechnologie, c’est l’utilisation du vivant pour produire des biens et services au profit de l’homme. (E.g : le Yaourt).Donc chaque fois qu’on va utiliser un organisme vivant ou une partie qui va produire quelque chose qui va profiter à l’homme en biens et services on parle de biotechnologie dans la définition fondamentale.
FasoPiC : Pouvons-nous parler de types de biotechnologie ?
Dr Abdalla Dao: Dans la définition, il y a ce qu’on appelle la biotechnologie classique ou biotechnologie traditionnelle et il y a la biotechnologie moderne. Dans la biotechnologie traditionnelle ou classique, il y a des produits issus de cette biotechnologie que nous tous consommons. Quand on prend l’exemple du Yaourt, c’est un produit de la biotechnologie car on utilise des bactéries lactiques des micro-organismes vivants qui fermentent le lait pour donner un produit qui est utilisé par l’homme. Mais de nos jours quand on parle de la biotechnologie, on a beaucoup plus tendance à parler de la biotechnologie moderne qui va au-delà de certaines frontières. Pour illustrer mes propos, on prend un élément d’un animal ou d’un insecte et le mettre sur une plante, cela c’est de la biotechnologie moderne.
FasoPiC : Quelle est la différence fondamentale qui existe entre ces deux types de biotechnologie?
Dr Abdalla Dao: La différence entre ces deux types de biotechnologie, c’est qu’avec l’avancée de la science on est capable d’aller au fond de ce qui détermine les caractéristiques d’un être vivant ce qu’on appelle ADN, car tout ce qui nous détermine de façon visible et morphologique sont déterminés par ce code génétique appelé ADN. C’est comme un livre dans lequel est écrit tout ce qui doit se faire dans l’organisme. A partir du moment où on a accès à ce livre (code), on est donc capable d’ouvrir le livre d’un individu copié l’information désirée et l’insérée dans le livre d’un autre individu qui ne contient pas cette information. Alors que dans le cas de la biotechnologie classique ou traditionnelle, elle va utiliser les choses de façon macroscopique sans aller trop en détail de la manipulation génétique contrairement à la biotechnologie moderne qui va en profondeur et avoir accès au code génétique.
FasoPiC : Dans quelle mesure ces biotechnologies peuvent-elles constituer un avantage pour la sécurité alimentaire ?
Dr Abdallah Dao: Prenons le cas de certaines de nos cultures qui sont sensibles à certaines attaques d’insectes. Quand on prend le cas du coton dont certains insectes attaquent les capsules et affectent la production de cette plante-là, la plante elle-même ne possède pas tellement de mécanismes efficaces pour lutter contre ces insectes. Dans ce cas, on utilise les produits chimiques. Mais l’homme dans l’observation de la nature a constaté qu’il y a un autre organisme vivant (Bacillus thuringiensis) qui secrète une protéine, un produit qui, consommé par l’insecte cause la mort de l’insecte. Dans ce cas, on copie l’information génétique qui permet à la bactérie de fabriquer la protéine et le mettre chez la plante qui aura maintenant la possibilité de la produire. Et lorsque l’insecte va manger les parties de la plante il va mourir. Conséquence, les plantes vont bien se développer et en résultat le rendement (production) va augmenter. La sécheresse est une contrainte majeure qui fait baisser le rendement de nos cultures mais il existe dans la nature des plantes qui ont un mécanisme très puissant de pouvoir économiser l’eau et dans ce cas la biotechnologie va aller ouvrir le livre génétique de ces plantes et identifier la séquence du code génétique qui leur permet de bien conserver l’eau de façon efficace. On prend donc cette séquence et on met chez la plante qui ne l’a pas. (E.g: le maïs).Une fois que la plante a obtenu cette séquence, elle résiste quand il y a une poche de sécheresse pendant la saison. En faisant cela elle va améliorer sa production.
FasoPiC : Au vu de toutes ces explications, pouvons-nous dire donc que les biotechnologies jouent un rôle capital dans la sécurité alimentaire ?
Dr Abdalla Dao: Oui, puisque quand on regarde la population du Burkina Faso qui est en croissance et qui frôle les 20 millions d’habitants actuellement, et cette tendance est appeler à augmenter ; ce qui veut dire qu’il y a beaucoup de bouches à nourrir. Et en même temps de l’autre côté, il y a des contraintes majeures, telles que les ravageurs (E.g: chenilles légionnaires). A cela s’ajoute d’autres maladies et la sécheresse qui affectent le développement normal des plantes contribuant ainsi à une baisse significative des productions. La biotechnologie peut permettre d’apporter une solution à ces préoccupations en permettant la création des variétés qui résistent à ces contraintes et permet aussi le temps de la création de nouvelles variétés.
FasoPiC : Y-a-t-il des exemples concrets d’utilisation des biotechnologies qui puissent convaincre les opinions encore réticentes sur l’aspect plus positif des biotechnologies étant donné que les chercheurs mêmes sont divisés ?
Dr Abdalla Dao: A ce niveau, il y a un problème dû au manque d’information et de sensibilisation et il y a beaucoup de tintamarres sur quelque chose qui n’est pas totalement la réalité. Il y a ce qu’on appelle le fait scientifique, c’est-à-dire la réalité. Quand on prend le couteau, on l’utilise pour découper nos aliments et préparer mais ce même couteau peut être utilisé pour tuer. Donc en claire c’est la mauvaise utilisation que certaines personnes font de la chose qui conduit à certaines interprétations et qui poussent les gens à être réticents. Pour moi, d’abord il faut faire comprendre ce que c’est que la biotechnologie car au départ nous tous utilisions la biotechnologie mais sans le savoir. Maintenant si les gens comprennent la biotechnologie, on essaie de regarder quelle biotechnologie nous convient actuellement. Il y a également un autre aspect qui s’explique par le fait que nous soyons en retard sur la connaissance de cet outil. Et ceux qui ont la maitrise de la technologie, en développant cet outil vont nous imposer certaines choses ce qui ne sera pas un avantage pour nous. Donc si les gens sont contre l’utilisation perverse de la biotechnologie, cela ne peut pas poser de problème mais il ne faudra pas faire l’amalgame entre l’outil et son utilisation. Parce que si nous arrivons à cerner l’outil, à le maîtriser comme on le veut, il n’y pas de problème et cela sera un grand avantage pour nous.
FasoPiC : Dans ce cas cela veut-il dire que la biotechnologie a des impacts négatifs ?
Dr Abdalla Dao: L’outil en lui-même n’a pas d’impacts négatifs mais le mode d’utilisation de l’outil peut avoir des impacts négatifs. En termes de pays, les Etats-Unis et certains pays européens sont bien avancés dans les biotechnologies. Les gens parlent plus d’organisme génétiquement modifiés (OGM) alors que ça, ce n’est qu’une composante de la biotechnologie. La biotechnologie n’est pas égale à OGM.
FasoPiC : Comment l’utilisation des biotechnologies peut être bénéfique sur le plan nutritionnel?
Dr Abdalla Dao: A ce sujet, la biotechnologie est un outil pour introduire ce qu’on veut mettre. Dans les exemples que j’ai précédemment cités, ça n’apporte pas un aspect particulier à la plante ou au produit qu’on va recueillir. Mais cette biotechnologie peut permettre aussi d’augmenter la production de certaines vitamines et de certains éléments minéraux. En Afrique on a constaté que les gens consomment moins les produits riches en vitamines (fruits, légumes etc.) et l’idée dans le cas est d’augmenter la production en éléments nutritifs (Zinc, Vitamine A, etc.) dans les plantes que les gens consomment beaucoup. C’est le cas par exemple du projet sorgho bio-fortifié en Afrique. Dans les pays occidentaux on utilise les biotechnologies pour augmenter la production en chair de certains produits de l’élevage.
FasoPiC: Quelles sont les armes que vous les chercheurs utilisez pour convaincre ceux qui sont contre la biotechnologie?
Dr Abdalla Dao : C’est d’abord l’information, la sensibilisation et l’explication claire de ce qui est technique à simple. C’est vrai que les gens ont peur, mais il ne faudrait pas que la peur nous empêche de nous lancer. Si on ne cherche pas tous les mécanismes nécessaires pour produire et subvenir aux besoins alimentaires et nutritionnels de nos populations en toutes situations, les autres décideront à notre place ce que nous voulons. Il faudrait que nous nous mettions dans la danse pour décider ce que nous voulons pour nous.
Koné Yaya(Correspondant)