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S’assumer sans complaisance à Pau. Le 13 janvier 2020, les chefs d’Etats du G5 Sahel ont rendez-vous avec l’histoire et devant Emmanuel Macron à Pau en France. Après la salve de condamnations et d’indignations que sa convocation discourtoise et cavalière a entrainées, ce dernier a pris prétexte de l’attaque terroriste ayant coûté la vie à 71 soldats au Niger pour repousser la date de la « rencontre de clarification » du 16 décembre au 13 janvier. Quoi qu’il en soit, le Président Roch Kaboré et ses homologues doivent saisir l’opportunité de ce sommet pour rebattre les cartes par rapport au partenariat entre le G5 Sahel et la France en matière de lutte contre le terrorisme.
Le 20 décembre à Abidjan, Emmanuel Macron déclarait vouloir donner une « nouvelle force » à Barkhane. Il y annoncait aussi la création d’une académie internationale de lutte contre le terrorisme. Les intentions sont bien nobles. Les fruits tiendront-ils la promesse des fleurs ? Rien n’est moins sûr. Ce qui l’est cependant pour le Sahel, c’est que la solution miracle ne viendra pas de Pau. Mais Pau doit être le point de départ d’une responsabilité plus assumée de part et d’autre par rapport aux engagements pris. Les dirigeants du G5 Sahel ne peuvent en aucun moment être traités comme de simples faire valoir. Ceux-ci doivent le faire comprendre en toute franchise à Emmanuel Macron.
Poursuivre le maillage sécuritaire du pays : Les opérations Otapuanu et N’dofu ont fait leurs preuves. Elles ont été suivies par d’autres opérations moins médiatisées comme Kaoural. Les différentes opérations sont conçues pour se dérouler en 03 phases : reconnaissance offensive, stabilisation de la zone et consolidation. Au regard des effectifs et des moyens que nécessitent les différentes opérations, le véritable défi est celui de la consolidation. Pour 2020, il faudra donc travailler à renforcer le maillage sécuritaire du pays tout en consolidant les zones partiellement ou totalement libérées de l’emprise terroriste. Il faut aussi poursuivre l’équipement, la formation des FDS ainsi que la gestion transparente des ressources mobilisées pour la lutte anti-terroriste.
En la matière, l’Assemblée Nationale envisage effectuer une mission d’information sur l’utilisation faite des crédits alloués aux départements de la défense nationale et de la sécurité dans le cadre des acquisitions des équipements, des biens et services, de la prise en charge sanitaire des femmes et hommes engagés au front, de la prise en charge des orphelins et veuves de guerre. La mission évaluera l’état de mise en œuvre de la loi n°055-2017/AN du 14 décembre 2017 portant loi de programmation militaire quinquennale 2018-2022. Les conclusions de cette mission sont vivement attendues car il y a trop de supputations sur le budget de la défense nationale. Le maillage sécuritaire est un vaste chantier qui doit reposer sur une véritable stratégie de défense et de sécurité qui se fait toujours attendre en dépit de l’ampleur de la menace.
Déployer les volontaires pour la défense de la patrie. Dans le contexte sécuritaire qui est celui du Burkina Faso, la nécessité des volontaires pour la défense de la patrie n’est plus à démontrer. Le conseil des ministres du 16 décembre 2019 a adopté un projet de loi portant institution de ces auxiliaires de sécurité. Il donne un cadre légal à l’appel lancé par le Président du Faso le 07 novembre 2019 afin que tout Burkinabè puisse contribuer au renforcement de la lutte contre le terrorisme à l’échelle du village ou du secteur. Ledit projet de loi doit être examiné par l’Assemblée nationale avant sa promulgation. 2020 doit permettre de matérialiser la résistance populaire dans le strict respect des textes et des conventions internationales que le Burkina Faso a dûment ratifiées. Il est vrai que la France arme ses drones au Sahel. Mais la solution durable à l’insécurité est avant tout endogène. A l’intérieur comme à l’extérieur du pays, de nombreux volontaire sont déjà dans les starting blocks ; prêts à répondre à l’appel sous les drapeaux.
Définir clairement les contours de la réconciliation nationale : « Réconciliation nationale ». Le concept est sur toutes les lèvres. Pour un pays qui revient de si loin comme le Burkina Faso, qui a subit et qui continue de subir tant d’affres parfois par l’inconséquence de ces fils et filles, la réconciliation nationale est plus qu’une nécessité. Seulement, chacun y va de son appréciation personnelle à telle enseigne que le concept est dévoyé. Le dialogue politique de juillet 2019 avait recommandé « la poursuite de la démarche de réconciliation nationale fondée sur le triptyque Vérité-Justice-Réconciliation ». Dans son adresse à la Nation du 10 décembre 2019, Roch Kaboré a réitéré son appel pour le « renforcement de la paix, et de la réconciliation nationale ». En ce sens, des remises de peines ont été accordées.
Des décorations sans considération d’appartenance politique ont également été faites. Mais le schéma opérationnel de mise en œuvre de la réconciliation nationale fait encore quelque peu défaut. En matière de réconciliation nationale, l’une des grosses questions à laquelle il faut une réponse sans équivoque est celle du retour de Blaise Compaoré au bercail. Faut-il, dans le cadre de la justice transitionnelle, aménager des conditions particulières pour favoriser son retour ? La réconciliation nationale est encore un important sujet sur lequel la classe politique et le HCRUN sont particulièrement attendus en 2020.
Tenir les élections à bonne date : Le landerneau politique est en ébullition depuis que certaines rumeurs font état d’un hypothétique report des élections du fait de la situation sécuritaire. L’opposition et la majorité se livrent à leur jeu favori : les procès en sorcellerie. Pourtant, la CENI, organe chargé de l’organisation des élections, n’ a jamais dit qu’elle était dans l’impossibilité de les organiser. Les acteurs politiques doivent faire preuve de retenue pour éviter de créer des crises pré ou post-électorales inutiles qui aggraveront davantage la situation du pays. Toutes les conditions doivent être réunies pour la tenue d’élections démocratiques, transparentes et apaisées en 2020.
En ces périodes festives, la vigilance doit être maximale en tout temps et en tout lieu. L’ennemi n’est jamais loin. Un autre funeste 15 janvier ne doit pas surprendre. Infine, l’année 2020 sera ce que chaque Burkinabè voudrait qu’elle soit. Après la sueur, le sang, les larmes, un soleil radieux brillera sur ce pays. Il faut y croire.
Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur
Ouagadougou
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