[responsivevoice_button voice= »French Female » buttontext= »Ecouter l’article »]
FasoPiC : Présentez-vous à nos lecteurs
Je me nomme Sylvain YAMEOGO, secrétaire général du Mouvement des Etudiants du Faso (MEFA), une structure qui milite pour le respect des droits et des intérêts des étudiants au plan national.
FasoPiC : le 13 janvier dernier au sommet de Pau, les présidents du G5 Sahel ont souhaité le maintien et le renforcement de la force Barkhane. Quel commentaire faites-vous des conclusions de ce sommet?
Sylvain YAMEOGO : d’abord il faut dire que nous dénonçons la forme même de l’invitation. On se souvient encore qu’elle avait fait couler beaucoup d’encre dans la plupart des pays concernés. Pour nous, cinq présidents réunis, même si nous avons certes ce respect colonial nous pensons que la forme d’invitation ne tient pas sa route. Ensuite les attentes des populations de ces différents pays du G5 Sahel, vis-à-vis des conclusions du sommet de Pau, nous laisse sur notre soif. En effet, bien avant même le départ des chefs d’Etat à Pau, les aspirations des peuples étaient assez claires. On ne voulait plus la présence des forces armées étrangères dans nos pays. Malheureusement on a constaté que nos dirigeants ont pris part au sommet comme s’ils n’avaient pas eu la température réelle de la situation concernant la question de ces armées étrangères. C’est déplorable en ce sens où ils ont encore réaffirmé le maintien de la force Barkhane, tout en sachant que cette force fait l’objet d’intenses critiques concernant l’instabilité que les populations subissent au quotidien. Pour nous, réellement les conclusions de Pau présentent un goût amer parce que personne ne s’attendait à ça.
FasoPiC: lors de la conférence le président français Emmanuel Macron, a signifié que la France ne poursuit aucun intérêt au Sahel. La seule préoccupation était le maintien de la paix et la sécurité. Partagez-vous cette position ?
Sylvain YAMEOGO : Il faut dire que selon plusieurs sources il semblerait que la France serait complice avec les terroristes. Il parait que des avions atterrissent sur nos sols pour ravitailler les cellules djihadistes. Donc ce que Macron dit n’est rien d’autre qu’un discours politique mais la réalité est tout autre sur le terrain. Nous en tant que structure estudiantine, ce discours de Macron est révolu, c’est pour encore endormir la conscience de nos chefs d’Etats tout en continuant dans ses sales manœuvres. Tout le monde sait que ces attaques ne sont pas vaines. La cause réelle, c’est pour piller davantage ce que nous possédons comme ressources naturelles. Quand vous prenez le Sahel du Burkina Faso, tout le monde sait que le sous-sol regorge d’énormes potentialités.
FasoPiC : Pensez-vous que les différentes armées du G5 Sahel peuvent à elles seule faire plier le terrorisme ?
Sylvain YAMEOGO : Quand je prends le Burkina Faso que je connais très bien, nos frontières sont poreuses. Ce n’est pas la France qui viendra sécuriser nos Etats pour nous. Après plusieurs années d’indépendance, je pense que nous devrions être en mesure d’assurer notre propre sécurité. On ne doit pas toujours tendre la main à la France. Aujourd’hui nous connaissons notre problème réel et c’est à nous d’identifier de meilleures solutions. Je pense que le problème que nous vivons nécessite que nos Etats fédèrent les frontières.
Quand les terroristes viennent attaquer par exemple le Sahel de notre pays, ils repartent se loger où ? C’est bien sûre de l’autre côté de la frontière. Là, ils prennent tout leur temps à préparer encore des opérations pour revenir nous attaquer. Est-ce que c’est la France qui viendra nous dire de lever ces barrières frontalières ? Je pense que la réponse est non. On a les solutions à nos pieds et on se fatigue. Pour nous le sommet de Pau ne devrait même pas exister. Pour mieux lutter contre le terrorisme, nos chefs d’Etat doivent d’abord lutter contre les frontières coloniales. Nos forces de défense et de sécurité doivent être en mesure de traquer les terroristes jusqu’à leur dernier retranchement même si c’est au Mali et vice versa de façon coordonnée.
FasoPiC: dans le cadre de la lutte contre le terrorisme le président du Faso a lancé le recrutement des volontaires, quel commentaire faites-vous ?
Sylvain YAMEOGO : il faut dire qu’en période de crise tous les citoyens peuvent contribuer. Ce qui fait qu’on ne peut pas encore mieux se prononcer sur l’offre du président c’est qu’il n’a pas encore décrit ce qui sera le rôle réel de ces volontaires. Je pense que nos soldats qui sont au front sont suffisamment prêts. Mais peut -être que les volontaires seront utilisés à d’autres fins. Pour nous en temps de crise tout citoyen est utile et peut contribuer, ça c’était la vision de feu président Thomas Sankara. Pour cela nous ne remettons pas l’appel du président du Faso en cause, mais il reste maintenant les détails. C’est-à-dire comment cela sera opérationnel et comment cela sera coordonné. Il ne faudrait pas qu’on recrute des volontaires pour les envoyer à l’abattoir parce qu’ils seront consommés par les terroristes. Si c’est ça nous disons non. Mais s’ils doivent être utilisés au service du renseignement, c’est vraiment salutaire.
FasoPiC: Dans ce contexte d’insécurité, quel appel avez-vous à l’endroit des fils et filles du Burkina ?
Sylvain YAMEOGO : Nous souhaitons qu’il ait un discours politique sincère au plan national. Tout ce qui nous arrive c’est d’abord nous-mêmes .Si au niveau de la classe politique il y a un discours sincère nous verrons que le problème de la sécurité sera réglé. Il faut que les politiciens arrêtent de s’accuser parce que quand les terroristes attaquent ils ne demandent pas ton appartenance politique ou OSC. A l’heure actuelle, il nous faut une synergie d’actions de toutes les filles et fils du pays.
Interview réalisée par MICHEL CABORE