Almamy KJ, encore appelé l’artiste du peuple est reconnu pour son engagement dans ses prises de positions. Cette posture lui a valu d’être le Secrétaire général du Syndicat National des Artistes Musiciens du Burkina (SYNAMUB). Reçu à l’émission « LE PIC DE LA CULTURE », Abdoul Kader Traoré à l’état civil, parle de sa carrière musicale, et des actions du SYNAMUB, notamment les dénonciations sur la gestion du BBDA.
FasoPiC : comment est née en vous la passion pour la musique ?
Almamy KJ : Il faut dire que je suis né dans une famille où il y a un style musical appelé yagba, qui est chanté lors des évènement joyeux et malheureux. C’est de là donc qu’est nuée ma passion pour la musique. Par la suite, je me suis lancé dans le rap avec un groupe dénommé la « Razia », dans les années 1990. Après cet épisode, j’ai décidé de faire carrière seul en rentrant à Bamako au Mali, pour l’apprentissage du live. Plus tard, je suis revenu à Ouagadougou, où je me suis inscrit à l’INAFAC, dans l’optique de bien m’outiller. C’est après cette transition que je me suis intéressé totalement à la musique reggae.
FasoPiC : pourquoi du rap au reggae ?
Almamy KJ : c’est vrai qu’on faisait du rap, mais personnellement, j’étais en même temps intéressé par la musique reggae. J’écoutais beaucoup Bob Marley et Alpha Blondi, ce qui m’a emmené à poursuivre ma carrière dans ce genre musical. Mais naturellement, je suis une personne éprise de la liberté et de la justice, chose qui rime avec le reggae. C’est ainsi que mon premier album reggae intitulé « Dieu merci » est sorti en 2011, avec 10 titres pour dépeindre les réalités africaines.
FasoPiC : actuellement quelle est l’actualité musicale d’Almamy KJ ?
Almamy KJ : après quelques prestations locales, il était prévu depuis l’an passé, une série de tournées en Europe. Cependant, la pandémie de la covid-19 a tout bouleversé. Si tout va bien les tournées auront lieu en cette année 2021. Côté carrière, on ne se plaint pas, j’ai 3 albums, des singles, et des maxi. Mais le plus important pour moi ce n’est pas la question pécuniaire, c’est plutôt de savoir que ce que je fais comme travail est bien apprécié.
FasoPiC : dans votre titre « covid-19, covid business », vous avez fait un featuring avec le web activiste Naïm Touré, qu’est ce qui justifie cette collaboration ?
Almamy KJ : ce qui a motivé notre collaboration c’est le fait que nous avons voulu jumeler deux types d’engagement : Naïm Touré qui est un lanceur d’alerte et moi artiste engagé. C’est un constat sur une situation claire qui a été décrite en chanson, et l’objectif recherché a été atteint. Jusqu’à présent, des gens continuent de commander les CD « covid-19, covid business ».
FasoPiC : ces deux dernières années, Almamy KJ sur scène s’habille comme un avocat, c’est quoi le message ?
Almamy KJ : Ce nouveau style d’habillement répond à l’appellation que mes fans m’ont donnée depuis quelques années. Il m’appelle affectueusement l’artiste défenseur du peuple au regard de ce que j’aborde comme thématiques. Aussi, tout artiste doit avoir sa particularité. Donc il fallait avoir un style vestimentaire qui rime avec mon genre musical, d’où l’idée de la toge.
FasoPiC : quelles sont les missions et les attributions du SYNAMUB que vous dirigez ?
Almamy KJ : le SYNAMUB, est né en juillet 2016 et défend les intérêts matériels et moraux des artistes musiciens du Burkina Faso. Tout artiste musicien vivant au Burkina Faso, quelle que soit sa nationalité peut militer au sein de notre structure. Par ailleurs, le syndicat mène un combat pour assainir le milieu parce qu’il y a beaucoup de liquidations. Pendant longtemps, des individus se sont enrichis dans ce domaine au détriment des pauvres artistes musiciens.
FasoPiC : l’une de vos revendications au niveau du BBDA porte sur le coefficient dans la répartition des droits d’auteurs. Avez-vous eu gain de cause ?
Almamy KJ : En ce qui concerne la question du coefficient, il faut dire que nous avons eu gain de cause. A l’époque, les musiques, rap et reggae étaient qualifiées de musiques légères par le législateur, donc pas possible de les traiter au même titre que les autres musiques. Mais avec la lutte, le ministre de la culture et le directeur général du BBDA, ont fini par nous donner raison. Aujourd’hui les coefficients des musiques reggae et rap sont passés de 1 à 5. Celui qui percevait 100 000 FCFA au BBDA, aujourd’hui il touchera 500 000 FCFA.
FasoPiC : quand en est –t-il du logiciel unique de compilation que vous réclamez ?
Almamy KJ : cette revendication reste encore sans suite favorable, mais nous maintenons la lutte. Nous réclamons ce logiciel pour que le paiement des droits télé et radio, ne se fasse plus de façon aléatoire. Il faut qu’on arrête de payer l’artiste à sa tête.
FasoPiC : vous dénoncer également le processus de répartition des fonds alloués aux acteurs culturels dans le cadre de la lutte contre la covid-19, qu’est- ce que vous reprochez au BBDA ?
Almamy KJ : au mois d’avril 2020, le SYNAMUB a adressé une lettre au BBDA, lui demandant de prendre des mesures d’accompagnement en faveur des créateurs à cause de la covid-19. En son temps, 150 millions avaient été débloqués pour être répartis entre 4092 créateurs, avec l’exclusion des artistes fonctionnaires soit disant que ces derniers perçoivent des salaires. Chose que nous avons contesté en tant que syndicat. Parmi les 4092, plus de 2000 personnes n’ont rien perçu. Comme prétexte, l’on nous a fait croire qu’il y a eu des problèmes de distribution avec les opérateurs de téléphonie mobile. C’est là que nous avons exigé la publication de la liste exhaustive et nominative de ceux qui ont reçu l’argent, mais rien n’a été fait. Il y a eu également un fonds de solidarité au mois d’octobre, et là encore, la gestion a une fois de plus été opaque. En effet, sur un milliard deux cent cinquante millions, seulement 250 millions sont revenus aux créateurs. Chacun a perçu 15000 FCFA et nous avons demandé à savoir pourquoi la somme de 15000FCFA. Le BBDA nous a fait savoir que c’est parce que le nombre de créateurs est passé de 4092 à 9000. Est-ce à- dire qu’entre avril et octobre, des gens sont nés, grandis et devenus des créateurs ? Il n’y a jamais eu d’explication convaincante. Si le BBDA est crédible, il doit donner la liste de chaque fonds de solidarité. Pire, au mois de décembre, le BBDA a transféré la somme de 28 000 FCFA à chaque artiste avec pour justification que c’est le reste du fonds d’octobre, sans dire clairement la totalité de l’argent qui restait. On ne vient pas diriger une institution comme on gère son propre champ.
FasoPiC : en plus du BBDA, vous en voulez aussi au directeur général, qu’est-ce-que vous reprochez à Walib Bara ?
Almamy KJ : le problème qui se pose est que monsieur Bara dirige de façon illégale. L’article 26 du BBDA est claire « en aucun cas, un créateur ne peut être employé, ni mandataire, à fortiori diriger le BBDA ». Mais Walib Bara, est créateur, écrivain, producteur, éditeur, et est déclaré au BBDA à trois titres. Il y a forcément conflit d’intérêts. Un comité ADHOC a été mis en place pour modifier cet article afin de permettre à Bara continuer à diriger. En dehors du manque de transparence, l’individu lui-même est illégalement assis.
FasoPiC : que retenez-vous d’Abdoul Karim Sango, ex ministre de la culture ?
Almamy KJ : je retiens que sous le règne d’Abdoul Karim Sango, les choses n’ont pas bougé dans leur état. Aucune politique n’a été mise en place pour faire bouger le secteur. Nous espérons qu’avec le nouveau ministre tout ira bien.
Retranscrit par MICHEL CABORE