La représentation nationale en sa séance plénière du 6 juillet dernier a adopté une résolution par 105 députés votants pour proroger le mandat législatif en raison de la situation sécuritaire qui demeure tendue particulièrement dans 5 régions du pays. Ainsi, le parlement burkinabè envisage de découpler les élections législatives avec la présidentielle du 22 novembre 2020 et si cela devait advenir, le projet doit revenir à l’hémicycle sous forme de proposition de loi.
L’ article 81 de la Constitution autorise ce report des législatives qui ne saurait dépasser la durée d’un an, par contre l’article 165 ne permet pas la prolongation de la durée du mandat présidentiel. Bala Sakandé, président de l’Assemblée Nationale joue gros. Le 8 juillet dernier, à la tête d’une honorable délégation, le PAN remettait le rapport au Chef de l’Etat, Roch Marc Christian Kaboré. Le Président du Faso avait déjà engagé son honneur depuis 2019 à matérialiser les recommandations issues du dialogue politique. Un rapport parlementaire qui fait autant de vagues a-t-il une chance d’aboutir ? Allons nous inventer une crise pré électorale ?
Zéphirin Diabré du parti du lion, principal challenger de Roch Kaboré, fulminant de rage a martelé ‘’qu’il est hors de question…cette recommandation ne sera pas agréée au niveau du CFOP’’. Le rapport a troublé la tranquillité de Simon Compaoré, le président du parti au pouvoir. Très remonté contre les députés, il a levé l’équivoque en soulignant que des élections couplées, présidentielle et législatives se tiendront à bonne date.
Les deux ténors du dialogue politique sont donc alignés sur le sujet et on imagine mal comment ‘’Bala et ses baladins’’ pourront accorder les symphonies dans ce bal masqué. Eddie Komboigo du parti de la daba et de l’épi, dépité par les évènements de 2014 passe des conseils avisés aux députés tentés par les prolongations. Me Sankara du parti de l’œuf et 1er vice-président de l’Assemblée Nationale est sorti de sa coquille de l’APMP et s’est fendu d’une déclaration pour se démarquer de la démarche de ses collègues. Ironie du sort, l’éléphanteau de l’ADF/RDA qui avait perdu sa trompe dans l’insurrection est monté au micro pour s’insurger contre le ‘’lenga’’ des députés.
Une partie du Burkina Faso est aujourd’hui sous état d’urgence et le pays compte près d’un million de déplacés. Il ressort du rapport que 52 députés ont leur fief impacté par l’insécurité et battre campagne dans ces conditions serait suicidaire. Voilà pourquoi pour Bala Sakandé et ses frondeurs, le contexte prime sur les textes. Bala avait annoncé le son depuis Koudougou en 2019 où il clarifiait devant une assistance ‘’qu’il n’y aura pas d’élection si l’insécurité persiste’’. Bala réussira-t-il l’exploit de découpler l’organisation des deux scrutins ou recevra-t-il une déculottée dans cette aventure ? La bataille politique est lancée.
La première chose frappante dans ce projet de report qui interloque beaucoup de burkinabè est le déficit de communication entre d’une part le législatif et l’exécutif et d’autre part entre les représentants du peuple et leurs états-majors politiques ! La classe politique est divisée et le sera encore plus avec cette rupture de confiance entre les députés et leurs partis d’origine. Des lézardes qu’il faut colmater à 4 mois du scrutin…
Les prochaines échéances électorales déterminantes pour l’avenir du pays, doivent se dérouler sans véritables fausses notes. La CENI dont l’agenda a été virussé par la Covid-19 fournit des efforts pour enrôler la grande majorité des électeurs sur l’ensemble du pays. Une éventuelle perturbation des élections n’est pas à exclure mais le plus grand défi pour les burkinabè est de réussir ces consultations à la date indiquée contre la volonté des forces du mal! Les artisans du chaos et les charlatans de la transition observent !
Ag Ibrahim