Déchets électroniques : Khalil Mohamed, le chercheur égyptien qui veut « sauver la planète »

« Je sais que je suis là pour accomplir quelque chose de grand qui changera le monde et qui aura un impact sur la vie des gens. » Si ce leitmotiv semble présomptueux, l’étudiant qui l’énonce assume complètement les objectifs de sa jeune entreprise Pyrocycle.

Débit rapide de la voix, Mohamed Khalil nous décrit comme un bon élève sa découverte, qu’il a amorcé il y a deux ans au sein de son laboratoire de recherche de Polytechnique Montréal. « Les déchets électroniques sont un problème mondial. Les centres de collecte les envoient en Afrique ou passent par les fonderies qui les réduisent à haute température mais en générant des émissions toxiques. Ils utilisent la même technologie depuis 90 ans ! »

100% valorisation

Sans dévoiler l’aspect technique de son processus, actuellement en cours de brevet par l’Université de Montréal qui lui réservera l’exclusivité de la licence, le jeune trentenaire s’enthousiasme. « C’est sans enfouissement, zéro déchet, zéro résidu et 100% de valorisation. Actuellement les fonderies brûlent le tout alors qu’on peut en récupérer des produits à valeur ajoutée.»

Je ne veux pas être simplement la personne qui récupère l’or, je veux être le héros qui sauve la planète

Quand le chimiste a dévoilé ses recherches, tout le monde l’a découragé. « On peut récupérer l’or, l’argent, le platine mais on me disait qu’il n’y avait là aucun avantage concurrentiel. On peut recycler entièrement les déchets électroniques sans émissions toxiques. » Un procédé rentable et écologique selon l’universitaire.

Avec l’appui de son directeur de recherche, également homme d’affaires d’expérience dans le domaine de recyclage, la détermination et la confiance du génie chimique se sont renforcées. « Je ne veux pas être simplement la personne qui récupère l’or, je veux être le héros qui sauve la planète. »

Passer au stade industriel

Sa solution a déjà fait ses preuves sur quelques kilogrammes. « Le but est de l’amener à un niveau industriel avec des tonnes de déchets électroniques. Ça demande encore beaucoup de travail et d’argent, avoue ce travailleur acharné en quête de financement. »

Mohamed ne vit pour le moment que de sa bourse d’étudiant. « Ce n’est pas grand-chose, mais ça me permet de vivre. » Pendant toute sa recherche, l’étudiant arrivait à son laboratoire aux aurores pour ne quitter que tard dans la nuit. Il fallait ensuite se pencher sur l’analyse économique et prouver la rentabilité écologique du projet.

Il est difficile de changer les mentalités. C’est pour cela qu’il faut le faire le plus rapidement possible

Mais le plus dur restait à faire : sortir du labo et affronter le monde des affaires. « Pour le premier concours d’entrepreneuriat, je n’avais que 225 dollars en poche et je n’étais jamais sorti de Montréal. Je ne savais pas que ça se déroulait à Drummondville, à 100km, j’ai donc pris tout mon argent pour la chambre d’hôtel. »

Il a terminé deuxième et est reparti avec 1000 dollars. Inscrit à 16 concours en 2017, le chercheur qui s’avoue sans gêne avoir un esprit compétitif, a eu le temps de parfaire son discours. Il a remporté, entre autres, le 2e prix du concours «L’ascenseur payant» de l’Association des clubs entrepreneurs étudiants du Québec, la 3e place à un concours d’étude de cas sur le recyclage des avions tout en faisant partie du top 25 des entrepreneurs émergents de la Belle Province.

Au fil des mois, certains le découragent car l’industrie du recyclage « n’aime pas le changement », d’autres lui conseillent de vulgariser davantage son procédé afin de le rendre plus tangible aux investisseurs potentiels. Une attitude payante que le jeune homme a adoptée, puisque il a maintenant un partenaire d’affaires issu de l’aéronautique.

Déjouer les pronostics

Depuis très jeune Mohamed dit avoir cette volonté d’apprendre et de déjouer les pronostics. « Vers 13 ans, j’ai voulu faire du ping-pong. Alors que tous les membres du club avaient 6 ou 7 ans, beaucoup se moquaient de moi. Mais je suis resté, j’ai observé les autres, j’ai appris et je voulais être comme eux. C’est de là que je tire ma motivation.»

Après seulement six mois, l’adolescent était déjà 16ème – sur près de 600 joueurs – du championnat égyptien des moins de 16 ans. « Ma mère a toujours su que je pouvais apprendre n’importe quoi. Le foot, le volley, le basket, le dessin, le théâtre. J’ai tout fait. Si je travaille je serai au même niveau que les meilleurs. »

C’est en 2015 que l’universitaire est arrivé à Polytechnique Montréal, après une année de doctorat en génie mécanique à l’Université du Caire. Son groupe d’une trentaine d’étudiants « de différentes cultures » l’a alors aidé à s’adapter rapidement. « Je me suis senti accepté à Montréal, je ne me sentais pas étranger.»

Outre un environnement accueillant, le chercheur bénéficiait d’un laboratoire ultra équipé. « J’ai alors changé de spécialité pour le génie chimique. Il y avait un aspect plus expérimental que j’aimais mais il fallait que je trouve un sujet original. » Et Pyrocycle a vu le jour deux ans plus tard.

« Mon but est de sortir du labo pour entrer dans l’entrepreneuriat. Je me donne deux à trois ans pour atteindre le niveau industriel. » Mais le jeune entrepreneur n’est pas dupe. « Il est difficile de changer les mentalités. C’est pour cela qu’il faut le faire le plus rapidement possible. Je suis optimiste. Je rends les choses impossibles possibles. »

 

 

Bernard HIEN

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