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Drame de Yirgou : Voici le message du Collectif des OSC du Sahel à l’endroit du Président du Faso  

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Excellence Monsieur le Président du Faso, Chef de l’Etat, Chef suprême des Armées

La population de la région du Sahel, fort de sa diversité de culture et de croyances, riche de sa pluralité ethnique ; s’est mobilisée ce jour, 12 janvier 2019, autour d’une marche-meeting pour manifester sa colère, son indignation, sa réprobation suite à la douloureuse tragédie survenue dans le village de Yirgou. Pendant trois jours d’affilée, des communautés ont basculé dans une violence inouïe heurtant toute conscience humaine eu égard à l’ampleur et à la nature des dégâts.

En ce moment solennel, où parler est douloureux, se taire l’étant encore plus, des compatriotes, submergés par cette irrépressible émotion, ont décidé de s’adresser à vous. Nous ne sommes ni naturalisés, ni immigrés, nous sommes burkinabè vivant sur les terres de nos parents, de nos aïeux.

Monsieur le Président,

Avez-vous souvenance qu’en tant que Président du Faso, vous vous êtes engagés à ne pas ménager votre peine pour entretenir chez chacun de vos concitoyens l’assurance de vivre en sécurité et d’être protégé ?

Avez-vous souvenance qu’en tant que Président du Faso, vous vous êtes engagés à défendre la souveraineté de l’Etat sur l’intégralité de notre territoire d’Est à l’Ouest, du Nord au Sud ?

Avez-vous souvenance qu’en tant que Président du Faso, vous vous êtes engagés à assumer la conduite de nos aventures communes sur la voie du développement et du bien-être pour tous ?

Ce rappel fait à votre attention en toute déférence, se veut une interpellation pour nous décrypter cette obscure clarté qui nous tombe des étoiles, cette réalité étrange et pénétrante d’une maison commune lézardée qui semble précipiter tout un peuple dans l’incertitude et le désarroi.

Saisis par cet enchainement de circonstances malheureuses, nous sommes arrivés à ce triste constat qu’il est de plus en plus problématique pour certains de vos compatriotes de proclamer avec fierté et assurance leur appartenance au pays des hommes intègres, croire en ce lien indéfectible d’avec leur patrie mère est devenu vraisemblablement un vœu pieux.

 

Bien longtemps le mal communautaire se gangrenait, la plaie devenait béante, puante, les victimes se comptant par dizaines, bien longtemps l’on se fiait au bon jugement de nos autorités, espérant aujourd’hui ou demain, si près ou si loin la cicatrisation de cette plaie, la fin de ce calvaire.

C’est en référence à ce fait indéniable que nous rappelons au bon souvenir de ceux qui pensent que les attaques dites terroristes ou « djihadistes » sont un phénomène nouveau au Burkina Faso; que chez nous au Sahel et dans bien d’autres régions du Burkina abritant des communautés Peulh, des actes terroristes d’un autre genre, sont perpétrés au quotidien ou de façon saisonnière n’épargnant ni vies humaines, ni destructions ou pillages des moyens d’existences et plongeant des communautés dans une situation d’extrême vulnérabilité.

Les premiers auteurs de ces actes d’extorsions et de pillages ont un visage administratif, ils sont parmi les agents de l’Etat travaillant dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de la justice, de l’administration, de la police, de la gendarmerie, de l’armée, de la douane, des eaux et forêts, etc…Nombreux sont ceux d’entre eux qui se plaisent à la récidive profitant du silence coupable de nos autorités qui ont le pouvoir de dire le droit, de défendre la veuve et l’orphelin.

Ce premier niveau de « terrorisme » montre qu’à certains endroits du Burkina nous sommes fondés de croire à la faillite de l’Etat dans sa fonction régalienne de protéger et de servir les intérêts de ses citoyens. Serait-il excessif d’affirmer qu’au Burkina Faso, la gouvernance semble se faire en intégrant en elle la corruption, le mépris, et le non-droit ? Nous sommes réconfortés dans cet avis par cette déclaration on ne peut plus claire du président de l’ASCE/LC indiquant récemment que le lit de l’insécurité dans notre pays c’est la corruption et le refus de rendre la justice.

Le deuxième niveau de « terrorisme » est celui intentionnellement assimilé aux conflits communautaires agriculteurs/éleveurs alors que des cas plus récents à Tangaye, Perkoua, à Bouroum-bouroum, à Darkoura, à Zabré, à Mangodara sont révélateurs d’une mécanique meurtrière savamment orchestrée contre la communauté Peul dont les victimes se dénombrent par dizaines. Ces exactions ciblées ont atteint leur paroxysme aux dates du 31 décembre 2018 ainsi que les 1er et 2 janvier 2019 à Yirgou offrant un spectacle d’horreurs insoutenables avec à la clé près d’une centaine d’hommes valides et actifs issus des communautés Peul et Tamaschek égorgés ou fusillés à bout portant par des koglwéogo.

Pendant trois jours de course poursuite et d’exécutions sommaires, aucune force légale et légitime de sécurité ne s’est interposée dans le souci de limiter et d’arrêter les massacres et le nettoyage ethnique.

Monsieur le Président, à l’occasion de votre visite sur les lieux des crimes, intervenue le samedi 05 janvier 2019, des témoignages et récits très émouvants vous ont été rapportés décrivant une situation de catastrophe humanitaire avec des cas d’enfants, de femmes et de personnes âgées errant dans la nature sans abris et sans nourriture, choqués par la furie des koglwéogo.

Ces groupes dits d’auto-défense, connus de tous ne sont rien d’autre que des milices armées s’illustrant à visage découvert par des actes de tortures avilissantes infligés à leurs compatriotes de jour comme de nuit, sous le regard impuissant, complaisant sinon indifférent de nos autorités au niveau local et national.

Monsieur le Président, avons-nous eu tort de penser que suite au mouvement insurrectionnel d’Octobre 2014, plus rien ne serait comme avant et qu’il était résolument acté dans la conscience collective que le Burkina Faso est devenu un Etat de droit qui a placé ipso facto au sommet de ces normes le respect et la défense des droits humains sacralisant le droit à la vie.

Le troisième niveau de terrorisme, qui fait les choux gras des médias, a effectivement plongé depuis quelques temps notre pays tout entier dans une situation d’insécurité et même de guerre contre un ennemi qui n’est jusque-là ni identifié ni localisé, narguant notre dispositif de défense et de sécurité en se déplaçant à sa convenance pour frapper où il veut et comme il veut. Faisant un décompte rapide de ces attaques dites terroristes, nous tombons encore et toujours sur des scènes macabres vécues dans les villages de la région du Sahel touchant toutes les communautés qui y résident.

Que de délégués de villages et présidents CVD déjà tués ou portés disparus

Que de chefs religieux de toutes confessions déjà tués ou portés disparus

Que de conseillers municipaux déjà tués ou portés disparus

Que de personnes en centaines de milles déjà déplacées, dépouillées de leurs biens productifs

Que d’écoles et de collèges, des CSPS, des mairies et des postes de police et de gendarmerie déjà fermés ou désertés

Que d’économies locales complètement mises en mal limitant drastiquement les revenus et les ressources des populations et des communes affectées

Face à un tel tableau qui présente, de fort belle manière les stigmates du terrorisme au Sahel, de quelle autre façon, faudrait-il clamer que ces attaques terroristes enregistrées ça et là ne se font au bénéfice d’aucune ethnie ni d’aucune religion au Burkina Faso? Par ailleurs, là où tout un Etat, en dépit de sa logistique sécuritaire et de renseignements, n’est pas encore parvenu à mettre un visage définitif sur ceux-là qui commanditent, planifient et exécutent ces attaques, et à les mettre hors d’état de nuire, qu’en serait-il de la capacité des groupes locaux d’auto-défense, fussent-ils gardiens de la brousse (« koglwéogo »), à pouvoir identifier des suspects sérieux ?

Monsieur le Président, accepteriez-vous que se réalise sous votre magistère le début de la fin de la forme républicaine de notre pays ? Nous espérons que non. Pourtant, de toute évidence une communauté se sentant empêtrée dans une spirale de violences, pourrait tomber dans la tentation de prendre les devants, en se jetant dans le malheur bien avant qu’il ne survînt.

En tous les cas pour le collectif des OSC du Sahel, la vigilance restera de mise et la veille citoyenne permanente car nous n’entendrons plus nous faire obnubiler par un quelconque rituel qui prétend nous libérer miraculeusement des forces du mal là où l’esprit républicain nous ordonne une application stricte de la loi pour régler le litige.

Monsieur le Président, ce que nous attendons de vous de façon pressante, eu égard à la gravité de la situation n’est pas de bouleverser le ciel et la terre pour contenter nos peines et nos souffrances mais de porter des actions fortes pouvant contenir tout risque d’embrasement et préserver le mieux vivre ensemble.

Les populations du Sahel considèrent que vous n’avez d’autres choix que de vous mouvoir à la vitesse de l’éclair pour donner force à la loi. L’Etat doit s’assumer en tant que garant de la sécurité intérieure, de la défense territoriale et de la justice.

De telles responsabilités souveraines ne sauraient être cogérées avec un quelconque groupe local d’auto-défense. Dès lors il faut impérativement procéder à l’identification, au désarmement et à la dissolution pure et simple de tout groupe d’auto-défense sur tout le territoire national

Tout en saluant les condamnations et les engagements timidement annoncés pour mettre en branle des actions de justice contre les auteurs des massacres perpétrés à Yirgou, nous exigeons dans les meilleurs délais l’opérationnalisation de cette procédure judiciaire par l’ouverture d’une enquête judiciaire, l’interpellation et la mise aux arrêts de tous ces criminels en attendant leur jugement en bonne et due forme.

Pour le cas spécifique du Sahel, nous recommandons que des orientations stratégiques soient données aux plus hautes autorités de la région en vue de prioriser la supervision des actions de sécurisation et d’impulser une fructueuse et dynamique collaboration civilo-militaire, dans le cadre de cette lutte anti terroriste.

Nous recommandons la tenue des rencontres périodiques à Dori entre les collectivités locales du Sahel et une délégation du gouvernement principalement d’avec les ministres en charge des collectivités territoriales, de la sécurité intérieure et de la défense nationale.

Nous proposons que ces rencontres d’échanges et d’interpellation par les élus locaux soient envisagés aussi pour l’ensemble des projets et programmes d’urgence et de développement qui sont exécutés au Sahel souvent à coût de milliards et dont la maigreur des résultats laisse voir des cas de mauvaise gestion et de détournements de fonds.

Nous recommandons aussi la mise en place d’un haut conseil national pour la sécurité et la cohésion sociale. Ce haut conseil national doit inscrire au nombre de ses attributions le suivi des recrutements et des nominations au sein de l’appareil d’Etat pour veiller à une meilleure représentativité de tous les ensembles régionaux y compris ceux dits minoritaires. L’existence de ce haut conseil suppose à terme la dissolution des institutions comme le médiateur du Faso, le conseil économique et social (CES) et le haut conseil pour la réconciliation et l’unité nationale (HCRUN) qui ne servent que de vestibule pour des amis politiques d’un autre âge.

Vérité et justice pour les victimes de Yirgou!

Non à la stigmatisation !

Oui à la cohésion sociale !

Tous mobilisés contre toutes les formes de terrorisme.

 

La patrie ou la mort, nous vaincrons.

 

Pour le Représentant du collectif des OSC du Sahel.

 

Dicko Abdoulaye Hoeffi

Bernard HIEN

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