Et si l’Afrique décidait enfin de se construire un rêve et de le réaliser par l’école ?

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Le  sous-développement de l’Afrique, selon l’actuel président français Emmanuel MACRON, est « civilisationnel’’ ou si vous voulez, pour reprendre son frère et ancien président de la même France, Nicolas SARKOZY, le  « drame de l’Afrique » vient du fait que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire. […] Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance. […] Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine ni pour l’idée de progrès». Ces propos ne sont pas nouveaux et ne surprennent personne. Il y a une constance dans la perception de l’Afrique par l’occident et du traitement qu’il a toujours réservé au continent noir.  Ces déclarations viennent juste remuer le couteau dans la douloureuse plaie ouverte dans nos chairs depuis le 7ème siècle, avec l’esclavage pratiqué d’abord par les arabes (qui castraient les noirs), puis par les européens en particulier avec la cruelle traite atlantique. L’histoire et la littérature révèlent que l’Afrique est dans l’espace et le temps, le continent le plus maltraité  au monde à travers l’esclavage, la colonisation et la néo-colonisation. L’esclavage, la colonisation et la néo-colonisation sont les trois actes d’une pièce où se joue de façon perpétuelle la tragédie de ce continent « où tout recommence toujours» en effet, en particulier l’humiliation, l’exploitation et la douleur, par la volonté de ceux qui semblent souffrir de l’existence du noir en tant qu’être humain. La théorie de la sujétion du négro-africain nous instruit sur la volonté des autres à faire éternellement du noir un être inférieur, une créature à leur service. La première arme que les occidentaux ont utilisé contre nous était et demeure le terrorisme pendant des siècles. Ils se sont appropriés et mis en œuvre il est vrai, avec la complicité d’autres noirs,  plus que quiconque l’esclavage et la colonisation qui sont des actes terroristes ayant décimé l’Afrique sur tous les plans.   Les propos de l’actuel président français tout comme ceux de son prédécesseur Nicolas SARKOZY, ne sont donc qu’une suite logique, la continuité de la négation du continent  et de l’homme noir. Sans vouloir réinterroger toute notre histoire, rappelons néanmoins que c’est par la violence que l’occident s’est introduit en Afrique. L’esclavage et la colonisation étaient par excellence des approches terroristes auxquelles  le monde spirituel de l’Europe a été associé probablement contre son gré, tout comme certains africains qui vendaient leurs frères et sœurs pour des broutilles. Des esclavagistes partaient en effet prendre des bénédictions là où l’on sait, avant d’aller commettre leurs bassesses contre les noirs et leur continent. Rappelons-nous le rôle joué par un certain  Nicolas V (encore un autre Nicolas) en 1455 dans la traite atlantique. Plus près de nous, résonne encore dans nos esprits, le discours indécent tenu par le roi LEOPOLD II de la Belgique, discours livré  aux premiers missionnaires qui devaient ‘‘évangéliser’’ l’actuel République Démocratique du Congo (RDC). La volonté de dominer et d’exploiter l’Afrique par tous les moyens semble inscrite dans le gène de l’Europe et de quelques autres.  Les africains doivent enfin se convaincre de cette réalité immuable et prendre leur responsabilité pour se libérer en recourant à l’arme la plus redoutable utilisée contre eux pour les anéantir : l’école.

Eh oui ! L’école est de toutes les armes utilisées contre l’Afrique, la  plus efficace et la plus destructrice. Par essence et par vocation, l’institution scolaire est un cadre d’appropriation de la culture quelle que soit ce qu’il faut en entendre. L’esclavage a arraché au continent noir des dizaines de millions de bras-valides, l’école coloniale a arraché à l’Afrique son âme. Les limites objectives du canon et du fouet utilisés comme moyen d’assujettissement du noir ont suggéré aux européens le recours à l’école  qui, plus que toute autre approche, a coupé les africains de leurs cultures. Or, il n’y a pas de progrès véritable qui ne parte de la culture et qui n’aboutisse à la culture. Cheik Hamidou KANE l’a si bien dit : « On commença, dans le continent noir, à comprendre que leur puissance véritable résidait, non pas dans les canons du premier matin, mais dans ce qui suivait ces canons.» Et que : «L’école nouvelle participait de la nature du canon et de l’aimant à la fois. Du canon, elle tient son efficacité d’arme combattante. Mieux que le canon, elle pérennise la conquête.» Ces vérités venant de cet autre grand de l’Afrique, dans L’aventure ambiguë, portent en elles-mêmes les réponses au drame du continent. Il s’agit de l’école, mais pas de cette école qui creuse chaque jour davantage le fossé entre l’Afrique et le reste du monde, qui pérennise la conquête. Il ne s’agit pas de cette école qui oblige le petit BOBO, DAGARA, GOIN, GOURMATCHE, GOUROUNSI, MOSSI, PEULH, SAMO…à abandonner dans les périphéries du domaine scolaire tout ce qui fait de lui BOBO, DAGARA, GOIN, GOURMATCHE, GOUROUNSI, MOSSI, PEULH, SAMO…et qui devait pourtant servir à/pour son éducation. Il s’agit de cette école dont nos cultures seront le socle, de cette école dont nos réalités culturelles et économiques seront la sève nourricière. Il s’agit de cette école née du rêve africain et qui réservera au français, à l’anglais, à l’allemand, à l’arabe…ce que le français réserve à nos langues et aux autres langues dans nos systèmes éducatifs actuels. C’est notre seul salut. C’est, il nous semble, pour l’Afrique, l’unique ou presque voie de libération et de prospérité. Le japonais n’est parlé qu’au Japon, l’islandais seulement en Islande (moins de 400.000 habitants), le chinois en Chine, pour ne pas dire uniquement dans les deux Chines, l’allemand en Allemagne, en Autriche, en Suisse et au Luxembourg (aussi quelque peu en Belgique, au Pays-Bas, en République Tchèque). Les pays africains trouveront les voies de l’espérance et du progrès quand ils feront de même, c’est-à-dire, en construisant un rêve africain, en reprenant leurs langues et leurs cultures tout en restant ouverts aux autres. L’on nous rétorquera qu’il y a par exemple au Burkina Faso une soixantaine de langues. Et que, de ce fait, de cette absence d’unité linguistique que l’on brandit sans cesse, pour ne pas mettre dit-on  à mal l’unité nationale, mieux vaut continuer avec la langue de ceux qui perçoivent mal notre admission dans l’humanité, de ceux qui peinent à reconnaitre notre humanité. Les langues de ceux qui n’ont de cesse de nous dominer apparaissent ainsi comme un facteur d’unité et nos langues, un facteur de division. Dramatique perception. Ainsi, pour l’Afrique, il n’y aura effectivement jamais: «de place ni pour l’aventure humaine ni pour l’idée de progrès.» comme l’a dit le controversé Nicolas SARKOZY.  Les africains, par leur entêtement à promouvoir les langues de leurs dominateurs au détriment de leurs langues, favorisent la tenue de tels propos et maintiennent consciemment les liens qui les tiennent depuis des siècles.

Le moment est venu d’engager l’ultime combat pour la liberté et le progrès par une éducation inspirée et portée par le rêve africain. Tant que l’Afrique n’aura pas un rêve, elle n’aura pas son école, c’est-à-dire une école construite sur et autour de ses valeurs. Et elle ne fera que perpétuer et renforcer notre aliénation et notre domination. Pour paraphraser la grande royale de la famille des diallobés, dans L’aventure ambiguë,   «l’école où je pousse nos enfants»  tuera en eux tout ce que les autres ont semé/inoculé en nous et qui leur permet de nous maintenir dans des chaines plus subtiles certes, mais non moins destructrices, inhumaines et compromettantes de notre promotion individuelle et collective. Nous rêvons alors d’un Burkina Faso et d’une Afrique où, dans vingt (20) ans, il y aura les premières soutenances en moore, dioula, fulfulde, dagara, tcherma…. D’un Burkina Faso où dans trente (30) ans, il y aura les premières thèses dans ces mêmes langues produites par de petits burkinabè. Osons et nous verrons de petits français, anglais, espagnols… faire de même avec nos langues dans quelques décennies. Ils n’ont pas le choix, car l’Afrique a toujours été essentielle à leur existence et elle le sera davantage au 21ème siècle. Il nous suffit de le désirer, de le croire et de le vouloir pour que les générations à venir réhabilitent l’Afrique par l’éducation, la vraie éducation, celle qui part de nous, de nos réalités économiques et culturelles. De toutes les façons, cette perspective s’imposera tôt ou tard aux africains. Espérons que l’histoire retiendra un jour, que c’est notre génération qui aura osé engager cette longue et titanesque certes, mais noble lutte pour la liberté et le progrès par la réhabilitation de nos langues et cultures que l’école que nous aurons construite se chargera de promouvoir. La Suisse-ce petit pays de sept millions (7.000.000) d’habitants- nous a indiqué la voie. Dans ce pays, cohabitent officiellement le français, l’allemand, l’italien et le romanche. Faut-il d’autres preuves pour nous décider ?

 

BOUBACAR Elhadji

IEPD à Dori

mail : boubacar.elhadji@yahoo.fr

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