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Extradition de François Compaoré : « l’abolition de la peine de mort au Burkina a beaucoup pesé dans la balance » Urbain K. Yaméogo

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Le 05 décembre dernier, la justice française a émis un avis favorable pour l’extradition de l’ancien conseiller économique et frère cadet de Blaise Compaoré, François Compaoré. Ce qui ne veut pas dire que François Compaoré qui est suspecté d’être impliqué dans l’affaire Norbert Zongo et de ses compagnons sera immédiatement extradé au Burkina. En effet ses conseils ont encore un certain nombre de leviers pour retarder autant que possible cette extradition. Dans le but d’être mieux situé quant à ces péripéties juridiques, Fasopic a interrogé Urbain Yaméogo qui est le directeur exécutif du Centre d’Information et de Formation en matière de droits Humains en Afrique (CIFDHA) qui revient sur les dessous de cette affaire.

Depuis le 05 décembre, la justice française a donné un avis favorable pour l’extradition de Françcois Compaoré, s’agit-il d’un dossier que vous suivez particulièrement au niveau du CIFDHA ?

Bien entendu ! En tant qu’organisme de promotion de défense des droits humains, la question de lutte contre l’impunité est au centre de nos préoccupations. Nous sommes très impliqués dans les mécanismes internationaux que ce soit les revues du Burkina Faso devant les organes et traités comme le comité des droits de l’homme de l’ONU, que ce soit dans le cadre de l’examen périodique universel, les problématiques liées aux crimes de sang et aux crimes économiques ont toujours figuré dans les rapports alternatifs que nous avons élaborés. A ce titre, nous n’avons jamais manqué d’appeler l’Etat à prendre ses responsabilités à rendre justice. La Cour africaine des droits de l’homme avait instruit le Burkina Faso de rouvrir le dossier Norbert Zongo en 2014 mais rien n’avait été fait. Nous le suivons aussi à travers des avocats que nous avons à l’interne même si nous n’avons pas d’avocats commis pour suivre le dossier particulièrement.

Vous devez donc être satisfait de cette décision de la justice française…

Nous nous réjouissons de la nouvelle parce qu’il s’agit d’un grand pas en avant même si nous savons que la procédure va être encore longue. Nous estimons que tous les justiciables doivent se mettre à la disposition de la justice pour répondre des faits qui lui sont reprochés. Et comme les autres, nous lui reconnaissons la présomption d’innocence. François Compaoré n’est donc pas à priori coupable. Il reste que si l’on se réfère le rapport des Sages qui désignait un certain nombre de suspects sérieux, tout conduisait à la personne de François Compaoré. S’aurait en son honneur de se mettre volontairement à la disposition de la justice burkinabé. Maintenant qu’il y est contraint, nous pouvons que nous en réjouir.Ca sera aussi bien pour l’Etat burkinabé que celui français, la preuve d’une volonté de combattre l’impunité mais aussi du respect de leurs engagements aussi bien au niveau national qu’international que ces deux pays ont adopté en la matière. Ces dispositions stipulent que tout Etat se doit de lutter contre l’impunité en jugeant ou en extradant les suspects. La France n’a aucune raison d’avoir peur du système judiciaire burkinabé et il est mieux que monsieur François Compaoré vienne répondre de ses actes au Burkina Faso.

Vous faites allusion à la peine de mort qui a été abolie au Burkina Faso?

En effet et c’était l’un de nos combats depuis des années. Il va sans dire que l’abolition de la peine de mort a lourdement pesé dans le dossier parce qu’il est interdit aux pays abolitionnistes d’extrader quelqu’un vers un pays ou cette peine de mort est en vigueur si tant est que les chefs d’accusation portés contre la personne sont susceptibles de faire appliquer la peine mort.
Il reste que ses avocats de François Compaoré ont en leurs mains un certain nombre d’instruments juridiques pour éviter l’extradition.

De quoi s’agit-t-il ?

Vous savez que la justice a ses règles. Lorsque qu’en première instance la Cour d’Appel de Paris a donné un avis favorable à l’extradition, cela implique aussi que Monsieur François Compaoré a le droit d’attaquer cette décision devant la cour de cassation qui est la juridiction suprême. Si la Cour de cassation venait donc à confirmer la décision de la Cour d’appel de Paris, François Compaoré a encore une chance puisque pour extrader, il faut que le gouvernement français prenne un décret. Le décret qui est un acte administratif, peut aussi être attaqué devant le Conseil d’Etat français. Il y a donc une foultitude de procédures et il y a lieu de gagner chaque étape pour espérer le voir un jour au Burkina Faso pour être jugé. Nous sommes convaincus que quelle que soit la durée et les procédures, il arrivera un jour ou il devra se résigner à répondre devant la loi.

Vous êtes donc sur le qui-vive pour les différentes étapes…

Tout à fait et nous félicitons d’ailleurs les acteurs de la justice burkinabé qui a su envoyer un dossier suffisamment solide et crédible. Nous sommes aux aguets auprès de toutes personnes éprises de justice et qui pensent que la meilleure manière pour le Burkina Faso d’être un Etat de droit, c’est de lutter contre l’impunité des crimes économiques et de sang.

Ne craignez-vous pas que le dossier ne se bloque pas au niveau politique ?

Je pense bien que non ? Rappelez-vous que lors de sa venue à Ouagadougou, le président français avait été interpellé sur la question .Il avait pris des engagements pour faciliter l’extradition de François Compaoré. Nous n’imaginons que pas que la France qui se réclame patrie des droits de l’homme fasse obstruction à ce que la justice puisse se faire. Dans le cas échéant, elle devrait s’engager à le juger. Ce qui est loin d’être une mince affaire.

Propos recueillis par Soumana LOURA

Annick KABORE

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