Pour dynamiser l’économie de la culture et du tourisme burkinabé, l’Etat a mis en place le Fonds de Développement Culturel et Touristique (FDCT), qui vient en aide aux acteurs de ces deux secteurs. Depuis sa création, le Fond a pu financer plus de 150 projets culturels et touristiques. Une équipe de la rédaction FasoPiC est allée à la rencontre du Directeur Général du Fonds, Alphonse TOUGOUMA, pour s’enquérir de la vie de cette structure et les activités menées en cette période de la COVID-19.
FasoPiC : Présentez-nous votre structure
Directeur Général : Le fonds de développement culturel et touristique se veut être un mécanisme qui a été mis en place en 2016 enfin de dynamiser l’économie de la culture et du tourisme dans notre pays. Il s’agit à travers le Fonds d’accroître la contribution de la part de ces deux secteurs au PIB. Face à la rareté ou à l’insuffisance des financements ou la faiblesse de la prise en charge du financement de la culture et du tourisme par le système bancaire classique, l’Etat a voulu mettre cet instrument en place pour soutenir le développement socio-économique de la culture et du tourisme.
FasoPiC : Qui peut bénéficier du Fonds ?
DG : Pour bénéficier du Fonds de Développement Culturel et Touristique, il faut être une structure légalement reconnu par l’état, soit une entreprise ou soit une coopérative d’entreprises. Il faut être aussi une association ou une fédération d’associations reconnue par l’état. A cet effet, lorsqu’il y a un appel à projets, ces entités peuvent postuler et si le projet est retenu comme porteur, il bénéficie du financement.
Pour ce qui est de la sélection, après la réception des dossiers on fait le dépouillement en présence d’un huissier. Ensuite les projets sont confiés à des techniciens qui dans un premier temps font l’appréciation technique du projet. Par exemple, pour le cas d’un projet de spectacle, il y a des techniciens qui vérifient si votre scène a les dimensions normées, ainsi que les modules, les formateurs, etc. Après les techniciens il y a un autre comité technique qui regarde les aspects comme la faisabilité, la contribution du projet à la structuration de l’économie de la culture, est ce que le projet est en phase avec nos politiques nationales de la culture et du tourisme. Un jugement est aussi porté sur la capacité de ceux qui vont conduire le projet. Parlant des critères, chaque projet a trois notes. Et lorsqu’il y a une différence de 05 points entre les trois notes, vous êtes tenus de vous expliquer et de vous accorder sur cet écart. Il arrive donc qu’après explication, les notes soient revues à la baisse ou à la hausse selon les raisons. Avec ce système de trois notes, il y a une d’entre elles qui joue le rôle d’arbitre quand il y a des contradictions fortes.
Ensuite, le projet est remis à un comité de sélection qui est composé principalement de quelques membres du Conseil d’Administration. Le Directeur Général que je suis est rapporteur. C’est pour vous dire qu’en réalité lorsque nous finissons le travail technique, la décision incombe à une autre instance qui est au-dessus du Directeur Général. Et je puis vous rassurer que personne ne peut influencer le financement d’un projet, même pas le Directeur Général qui est en réalité le rapporteur dans le comité de sélection. La décision se prend donc à un niveau supérieur. La volonté avec tout ce système de sélection de projets c’est pour qu’il y ait plus de transparence et d’égalité de chance pour tout le monde
Lorsque vous n’êtes pas retenus, nous vous envoyons une notification pour vous expliquer les raisons. Aujourd’hui nous avons envoyé plus de 200 notifications aux promoteurs durant ces deux dernières années. Je puis vous rassurer qu’aucune notification n’a été contestée de quelque manière que ce soit. Cela témoigne du sérieux et de la qualité dans le processus de sélection. Il vaut mieux faire confiance à son projet que de vouloir compter sur une tierce personne pour faire financer votre projet.
FasoPiC : Quelles sont les activités déjà menées sur le terrain ?
DG : Il faut dire que nous intervenons principalement sur deux produits à savoir le prêt et la subvention. En ce qui concerne les prêts, ce sont des prêts ordinaires que nous octroyons qui vont de 1 à 50 millions. Nous faisons aussi des avances sur recettes, qui en réalité comblent des besoins de trésorerie pour régler un problème ponctuel dont le plafond est de 5 millions, remboursable en 6 mois maximum. Aussi, au besoin nous portons des projets que les promoteurs pourraient nous soumettre et nous les portons vers d’autres bailleurs ou d’autres institutions pour les aider à lever des financements. Quant aux subventions, elles sont spécialement dédiées aux associations et coopératives pour les aider à mieux se structurer, à renforcer leurs capacités et à proposer des produits de qualités aux entreprises enfin d’assurer aux entreprises, une meilleure conquête du marché.
Il y a un deuxième axe qui concerne le renforcement des capacités. Aujourd’hui, on s’est dit qu’il faut que nous soyons compétitifs. Et pour y arriver, il faut que les capacités des opérateurs culturels et touristiques soient renforcées, sur le plan de la formation ou bien de les outiller avec les outils nécessaires pour mieux conquérir le marché.
Le troisième axe de notre intervention c’est le développement d’un système d’informations. Il s’agit ici de présenter des opportunités à tout potentiel investisseur dans le secteur de la culture et du tourisme. Là, il s’agit de donner des informations et de présenter des opportunités.
En résumé, on peut dire que d’une part nous apportons des financements à ceux qui ont des projets et qui n’ont pas les moyens, et d’autre part nous présentons des projets à ceux qui ont des ressources financières enfin qu’ils puissent investir dans le domaine de la culture et du tourisme.
FasoPiC : Combien de projets ont-ils été financés ?
DG : Aujourd’hui nous sommes à 156 projets financés par le FDCT d’un montant total de 1 096 000 000 de francs CFA d’investissement de prêt et de subvention. Nous avons financé des constructions d’hôtel, de restaurants, des équipements de studio, des formations des troupes. Nous avons renforcé les capacités de plusieurs promoteurs culturels et touristiques En termes de subventions, le nombre d’associations financé dépasse celui des entreprises mais en termes d’investissements ce sont les entreprises qui sont en tête avec plus de 700 000 000 de francs CFA de projets financés contre 300 000 000 de francs CFA pour les associations.
FasoPiC : Est-ce qu’on peut dire que les objectifs recherchés en mettant en place ce Fonds sont atteints ?
DG : Pour trois ans de fonctionnement, il faut avoir une démarche prudentielle parce qu’on ne peut pas pour l’instant capter les impacts. Mais en termes d’effet, nous pouvons vous rassurer que beaucoup de ceux qui ont reçu nos formations arrivent à s’en sortir et certains sont devenus des références dans le paysage culturel. Par exemple, depuis 15 ans on n’avait plus fait de formation d’humoristes au Burkina Faso et grâce au FDCT, on a pu donc former en 2018 une quinzaine d’humoristes. Parmi ces 15, je vois aujourd’hui 05 qui arrivent à organiser des prestations personnelles et cela est louable. Nous avons aussi formé des restauratrices qui, après la formation ont amélioré leur cadre. Nous avons également pu monter un groupe musical des enfants qui ont moins de 14 ans à Bobo-Dioulasso. Ils étaient les finalistes de Fitini show et aujourd’hui ils font des merveilles. En matière de construction d’hôtels et restaurants, les résultats sont bien visibles. Mais on se donne rendez-vous dans deux ans pour faire un bilan solide et exhaustif. Cependant nous pouvons nous réjouir déjà de l’effet qui est là. On peut dire que le Fonds est en train d’évoluer en droite ligne vers l’atteinte de ses objectifs.
FasoPiC : Quel est le budget du FDCT ?
Le Fonds, sur la période de 2019-2023, a un budget de plus de 29 000 000 000 FCFA. Mais la dotation de l’Etat pour le moment s’élève à plus d’un milliard et le reste provient de nos partenaires dont la Coopération Suisse et l’Union Européenne avec qui nous sommes sur le point de signer une convention. Mais le budget du FDCT de cette année est de 1 600 000 000 FCFA.
FasoPiC : la pandémie est venue paralyser tous les secteurs. Quelle est la stratégie mise en place par le Fonds, pour redresser le secteur culturel et touristique ?
DG : Comme vous l’avez si bien dit, tout le monde est touché par cette pandémie mais on a envie de dire que les secteurs culturels et touristique sont les plus touchés. En ce qui concerne le tourisme, bien avant la pandémie, ce secteur était déjà frappé par le terrorisme et avec la COVID-19, il est à plat. Comme si cela ne suffisait pas, le secteur culturel qui semblait être le relais de résilience contre le terrorisme que nous vivons, avec la COVID-19, l’activité culturelle a été frappée de plein fouet. Nous traduisons toute notre solidarité aux acteurs culturels et touristiques.
A notre niveau, dès que le problème est survenu nous avons adressé des correspondances aux bénéficiaires de prêts et de subventions pour nous enquérir de leurs nouvelles. Après évaluation de la situation, nous sommes dans la logique de faire une trêve sur les remboursements. Aussi, nous pensons à l’après COVID-19 et nous sommes en train de voir dans quelle mesure on pourrait les aider à se relever. Bientôt nous allons soumettre nos propositions au Conseil d’Administration.
Nous avons aussi soutenu des initiatives dans cette période de la pandémie. Nous avons soutenu des acteurs qui ont fait des capsules de sensibilisation sur la Covid-19, et aussi l’initiative Covid-live qui est un concert retransmis sur les réseaux sociaux et bientôt par certaines chaînes de télévision. Nous avons aussi soutenu une structure qui a voulu faire l’apprentissage de la couture des masques à ses apprenants et elle a pu coudre environ 3 000 masques qui seront destinés aux acteurs du monde culturel et touristique.
FasoPiC : Un message à l’endroit des acteurs culturels et touristiques en cette période ?
DG : Nous traduisons toute notre solidarité à l’endroit de ces acteurs qui sont durement touchés et nous pouvons les rassurer qu’en tant que Fonds de développement culturel et touristique nous ne ménageront aucun effort pour qu’à la reprise nous soyons plus forts et que nous allions plus loin ensemble. Quant aux burkinabés, il faut reconnaître que le monde est en évolution et cela devra nous donner des leçons et des ressorts pour rebondir.
Propos recueillis par Aubin OUEDRAOGO
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Très bel article Aubin, bravo!