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Le président malien Ibrahim Boubakar Kéita (IBK) a fini par mettre fin au suspens. Bamako qui rejetait en bloc toute idée de négociation avec les terroristes est désormais disposé à dialoguer avec les chefs terroristes Iyad Ag Ghaly et Amadou Koufa. Ce revirement spectaculaire s’opère alors que, sur le plan militaire, le G5 Sahel et la communauté internationale dans son ensemble sont encore incapables d’enrayer le terrorisme au Sahel. Si Bamako peut se targuer d’une certaine avancée dans la recherche d’une solution de sortie de crise, la question qui se pose est de savoir ce que vaudrait cette initiative solitaire sans une démarche globale devant aboutir à un accord pour pacifier l’ensemble du Sahel ?
Pendant longtemps, Bamako a soufflé le chaud et le froid par rapport à la négociation avec les terroristes. Rien qu’en 2019, le président malien déclarait dans de nombreuses interviews qu’il n’était pas question de négocier avec des terroristes ! Les choses ont commencé à changer à dose homéopathique. Ainsi, le 23 janvier 2020, au détour d’une conférence de presse, Dioncounda Traoré, ex président de la transition malienne, et haut représentant du chef de l’Etat au Centre Mali annonce avoir envoyé, au nom de l’Etat malien, des émissaires auprès de Iyad Ag Ghaly, chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans et d’ Amadou Koufa, chef de la katiba du Macina afin de trouver une issue à la crise que traverse le Mali depuis 2012. Cette annonce de Dioncounda Traoré crée un tôlé chez le ministre des Affaires Etrangères, Tiéblé Dramé. Le 28 janvier 2020 celui-ci déclare que les négociations du haut représentant du chef de l’Etat pour le centre, n’engagent que lui même ! Comment sortir de ce méli-mélo ?
La réponse viendra d’IBK lui même : les négociations avec les groupes terroristes sont une des recommandations du dialogue national inclusif. Elles sont donc tout à fait logiques et justifiées. Diacounda Traoré est dans son rôle. Pour le président malien, appeler à la mobilisation contre le terrorisme tout en se disant prêt à parler avec les terroristes n’est pas antinomique. « Quel que soit l’âpreté d’un combat, j’ai un devoir aujourd’hui et la mission de créer tous les espaces possibles et de tout faire pour que, par un biais ou un autre, on puisse parvenir à quelque apaisement que ce soit. » Comment cela se constate, le Mali opte clairement pour la négociation. Quelles peuvent en être les répercussions sur la dynamique d’ensemble au Sahel ? Il est évident que si les négociations avec Bamako aboutissent, les terroristes vont se retrancher dans les autres pays où ils vont accentuer la pression et les attaques. Le dialogue unilatéral pourrait aussi avoir pour conséquence de porter atteinte aux alliances sous-régionales en matière de lutte contre le terrorisme. Des pays comme le Burkina Faso, le Sénégal, le Tchad, la Guinée et le Niger fournissent des contingents pour les opérations de maintien de la paix. Une initiative individuelle venant du Mali risquerait de les mécontenter.
Un pied de nez au G5 Sahel ?
Au regard de la configuration actuelle du Sahel, bien que chaque Etat soit souverain, il est indispensable que la négociation soit envisagée dans un cadre plus global. Le faire uniquement à l’échelle de chaque Etat pris individuellement reviendrait à déplacer de façon conjoncturelle le problème. Les différents accords signés depuis 1990 entre différents belligérants au Mali et l’accord d’Alger signé le 15 mai et le 20 juin 2015 à Bamako après des négociations menées à Alger entre la République du Mali et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) entrent dans ce registre. A ce jour, les résultats escomptés sont loin d’avoir été atteints. Le Mali est toujours sous l’emprise de nombreux groupes terroristes.
Maintenant que le pays décide de négocier, il met les autres Etats dans l’embarras. Quelle sera la réaction du Burkina Faso et du Niger particulièrement ? Vont-ils aussi s’engouffrer dans la négociation ? Avec qui ? Comment ? Sur quelles bases ? Pour quels résultats ?
Après la rencontre de Pau, les chefs d’Etat du G5 Sahel ont appelé à la mise en place d’une coalition pour le Sahel. Si des négociations doivent avoir lieu avec les groupes terroristes, celles-ci doivent donc être pensées et exécutées dans un cadre multilatéral. Il y a véritablement lieu de bien baliser le terrain pour éviter les déconvenues. Un échec des négociations au Mali compliquerait davantage la situation pour l’ensemble des pays du sahel. Aujourd’hui, il est plus que nécessaire d’agir dans un cadre communautaire. Avec des initiatives solidaires et non coordonnées, le serpent continuera à se mordre la queue.
Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur ,Ouagadougou
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