La Chine prévoit de rompre l’étranglement du pétrodollar
Pékin va mettre en place le commerce futur du pétrole en yuan entièrement convertible en or sur les bourses de Shanghai et Hong Kong
Les pétrodollars dominent les marchés mondiaux de l’énergie depuis plus de 40 ans. Mais maintenant, la Chine cherche à changer cela en remplaçant le mot dollar par yuan.
Les nations, bien sûr, ont déjà essayé un tel changement depuis la mise en place du système par l’ancien secrétaire d’État US Henry Kissinger, en collaboration avec la Maison des Saoud, en 1974.
De vastes populations à travers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ont rapidement ressenti les conséquences lorsque Saddam Hussein a décidé de vendre du pétrole en euro. Ensuite, il y a eu le plan panafricain de Muammar Kadhafi du dinar or de la Libye, qui n’a pas réussi à l’appliquer à un seul baril de pétrole.
Vingt-cinq ans plus tard, la Chine prend des mesures pour briser l’étau pétrodollar étatsunien. L’objectif est de mettre en place des contrats à terme sur pétrole en yuan, qui seront entièrement convertibles en or sur les marchés des changes de Shanghai et Hong Kong.
La Shanghai Futures Exchange et sa filiale, la Shanghai International Energy Exchange (INE), ont déjà effectué quatre simulations pour les contrats à terme sur pétrole brut.
On s’attendait à ce qu’il soit mis en œuvre d’ici la fin de l’année, mais il est peu probable que cela se produise. Mais lorsque cela décollera en 2018, les fondamentaux seront clairs – cette triple route pétrole-yuan-or contournera le dollar.
L’ère du petroyuan sera proche.
Néanmoins, des questions se posent sur la manière dont Pékin mettra techniquement en place un marché à terme rivalisant avec le Brent et le WTI pour le pétrole brut, et sur la manière dont les contrôles des capitaux chinois l’influenceront.
Bejing a été assez discret à ce sujet. Le petroyuan n’a même pas été mentionné dans les documents de la Commission nationale de développement et de réforme à la suite du 19e Congrès national du Parti communiste en octobre dernier.
Ce qui est certain, c’est que les BRICS, l’acronyme pour le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, a soutenu le mouvement pétroyuan lors de leur sommet de Xiamen au début de cette année. Les diplomates l’ont confirmé au Asia Times.
Le Venezuela est également à bord. Il est crucial de se rappeler que la Russie est le numéro deux et le Venezuela le numéro sept parmi les dix plus grands producteurs mondiaux de pétrole. Pékin a déjà des liens économiques étroits avec Moscou, mais il est tout à fait possible que d’autres producteurs rejoignent le club.
« Ce contrat a le potentiel d’aider la Chine à promouvoir l’internationalisation du yuan. » a déclaré Yao Wei, économiste en chef de la Chine à la Société Générale à Paris.
Un rapport détaillé de la DBS à Singapour a également frappé fort, liant l’internationalisation du yuan à l’expansion de la grandiose initiative Belt and Road.
L’an prochain, six grands projets de la BRI (Belt Road Initiative) seront sur la table.
Parmi les grands projets de développement de l’infrastructure, citons le train à grande vitesse Jakarta-Bandung, le chemin de fer Chine-Laos et le chemin de fer Addis-Abeba-Djibouti. Les autres projets clés seront le chemin de fer Hongrie-Serbie, le projet Melaka Gateway en Malaisie et la modernisation du port de Gwadar au Pakistan.
HSBC a estimé que le vaste programme Belt and Road Initiative (BRI) générera pas moins de 2,5 billions $US de nouveaux échanges commerciaux par an.
Il est important de se rappeler que la « ceinture » de la BRI est une série de couloirs reliant la Chine orientale aux régions riches en gaz pétrolier d’Asie centrale et du Moyen-Orient. Les réseaux ferroviaires à grande vitesse, ou les nouvelles « routes de la soie », traverseront simplement des régions remplies d’or non extrait.
Mais une clé de l’avenir du petroyuan tournera autour de la Maison des Saoud, et de ce qu’elle fera. Le prince héritier Mohammad bin Salman bin Abdulaziz Al Saud, également connu sous le nom de MBS, devrait-il suivre l’exemple russe ? Si c’était le cas, ce serait un des changements de paradigme du siècle.
Pourtant, il y a des signes de ce qui pourrait arriver. Les contrats d’or libellés en yuan seront négociés non seulement à Shanghai et Hong Kong, mais aussi à Dubaï. L’Arabie saoudite envisage également d’émettre des obligations dites panda, avec un allié proche, les Émirats arabes unis, en prenant la tête au Moyen-Orient pour les obligations interbancaires chinoises.
Bien sûr, le prélude au jour J sera lorsque la Maison des Saoud annoncera officiellement qu’elle accepte le yuan pour au moins une partie de ses exportations vers la Chine. Mais il est clair que l’Arabie saoudite ne peut tout simplement pas se permettre de s’aliéner Pékin comme l’un de ses principaux clients.
En fin de compte, ce sera la Chine qui dictera les conditions futures. Cela pourrait inclure une pression supplémentaire pour la participation de Pékin à l’introduction en bourse d’Aramco. En parallèle, Washington verrait Riyad adopter le petroyuan comme ligne rouge ultime.
Un rapport européen indépendant a souligné ce qui pourrait être l’atout de Pékin – « une autorisation d’émettre des bons du Trésor en yuan par l’Arabie Saoudite » ainsi que la création d’un fonds d’investissement saoudien et une part de 5% d’Aramco.
Les pays durement frappés par les sanctions étatsuniennes, comme la Russie, l’Iran et le Venezuela, seront parmi les premiers à adopter le petroyuan. Les petits producteurs, comme l’Angola et le Nigéria, vendent déjà du pétrole et du gaz à la deuxième économie mondiale en monnaie chinoise.
Quant aux pays impliqués dans le nouveau programme « Routes de la Soie » qui ne sont pas exportateurs de pétrole comme le Pakistan, le moins qu’ils puissent faire est de remplacer le dollar dans le commerce bilatéral. C’est ce que le ministre pakistanais de l’Intérieur, Ahsan Iqbal, est en train de réfléchir.
Bien sûr, il y aura un « recul » de la part des États-Unis. Le dollar est toujours la monnaie mondiale, même s’il a peut-être perdu un peu de son éclat au cours de la dernière décennie.
Mais les BRICS, ainsi que l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui comprend des membres potentiels, l’Iran et la Turquie, règlent de plus en plus le commerce bilatéral et multilatéral en contournant le dollar.
En fin de compte, ce ne sera pas fini jusqu’à ce que la grosse dame (or) chante. Si le début de la fin du système pétrodollar venait à devenir un fait, attention au contrepoids étatsunien.
Article originel : China Plans to Break Petrodollar Stranglehold
Par Pepe Escobar
Asia Times
Traduction SLT
*Pepe Escobar est un analyste géopolitique indépendant.