Si Manchester est assurément la ville du rock anglais, Paris et Marseille se disputent l’hégémonie du rap français, comme un écho à la rivalité PSG-OM. Une lutte moins fiévreuse que sur les terrains de foot, à base de « punchlines » et « chambrages » derrière les micros.
« Paname, c’est la Champions League » chante MHD. Vrai aussi dans le hip-hop ? De NTM à Booba, en passant donc par la nouvelle vague MHD, Niska ou Sofiane, la région parisienne est bien représentée dans le paysage du rap hexagonal. Mais si l’on se réfère aux chiffres de ventes d’albums ou d’écoutes sur les plateformes de streaming, ce sont bien les Marseillais Soprano et Jul qui dominent largement.
Comme un miroir inversé de la domination sportive du PSG dans les « clasico » contre l’OM depuis 2011 et l’arrivée des richissimes propriétaires qataris? Le dernier volet de la saga n’a pas échappé à la règle, avec un 3-0 infligé par les Parisiens avant un match-revanche programmé mercredi en Coupe de France.
Comme pour le foot, la rivalité entre les deux scènes hip-hop, les plus prolifiques de France, reste d’actualité. Le rappeur Vald, originaire de la banlieue parisienne, a ainsi rallumé les braises en profitant de sa présence dans un festival organisé dans la cité phocéenne pour poser avec le maillot du PSG dans le stade Vélodrome. Sacrilège absolu dénoncé même par Arema, le gestionnaire du stade !
Mais là aussi, comme dans le foot, on est loin aujourd’hui des ambiances incendiaires des années 1990.
– ‘Chambrage’ plutôt que rivalité –
« C’est fini tout ça. C’était peut-être vrai à l’époque mais depuis que je suis arrivé dans la musique, je n’ai pas vraiment vu ça. On a su ramener un état d’esprit de partage, qui fait qu’aujourd’hui tout le monde est pratiquement pote avec tout le monde, il y a plus de connexion facile! », a expliqué à l’AFP le rappeur pro-parisien Gradur samedi, en marge du tournoi de foot urbain Tango League.
Tous les artistes interrogés l’assurent, c’est davantage le chambrage qui prime entre eux que la rivalité sur le terrain jadis, « montée avec Canal + », le diffuseur historique du championnat de France et ancien propriétaire du PSG.
« Pour nous cette rivalité n’a jamais dépassé le cadre de la rigolade », confirme à l’AFP Akhenaton, l’un des membres du mythique groupe marseillais IAM. On a de bons amis qui sont fans du PSG. On a créé un groupe sur les réseaux sociaux, et avec eux c’est la +battle+. Même avec leur équipe de monstres, en +battle+ on arrive à leur mettre la misère. On a regardé la +débranlada+ la saison passée (6-1 à Barcelone, ndlr), on a vu des morts-vivants, après (rires) ».
« Sur Snapchat, on va s’appeler, on s’envoyer des messages par exemple avec Alonzo (rappeur marseillais, ndlr). On va se dire +Si l’OM gagne, ceci, cela…+ », se marre encore Gradur, qui avait assisté à la terrible « remontada » barcelonaise dans les tribunes du Camp Nou en compagnie du parisien MHD.
. Dédicaces et ‘featuring’
Reste que les rappeurs, forts d’une relation presqu’aussi privilégiée que les joueurs avec les fans du PSG et de l’OM sur les réseaux sociaux, jouent à fond le rôle d’ambassadeur de leur ville en portant souvent la tunique de leur équipe en concert ou dans leurs clips.
Sans parler des dédicaces réciproques. Pour célébrer l’arrivée de la superstar brésilienne Neymar au PSG, le rappeur Niska n’a pas hésité à « remixer » son célèbre « Matuidi Charo » en « Neymar Charo », tandis que le milieu Rémy Cabella avait célébré un but avec l’OM en mimant le signe des doigts dessinant les trois lettres de Jul, le rappeur phocéen.
Même le Brésilien « Brandao », pourtant pas le joueur le plus légendaire du club olympien, a eu droit à sa chanson !
Les sons des rappeurs, très prisés des joueurs avant un match, ne se limitent pas au vestiaire. A Marseille, le Vélodrome peut se transformer en scène artistique de premier plan à l’image du clip du « Halla halla » de Soprano tourné en 2007 avec l’accord complice du président de l’époque Pape Diouf.
La connexion est telle que certains poussent même la chansonnette comme l’ancien marseillais Benjamin Mendy et son « mercééé » sur le morceau « Qu’est-ce qui se passe ? » de Jul.
Faut-il croire que même au foot, la musique adoucit les moeurs? « Chacun a son style », confie le rappeur marseillais à propos de la différence entre les deux scènes. « Mais on parle tous à peu près de la même chose ».