Au Burkina Faso, le renseignement contribue énormément à la lutte contre le terrorisme. Sous l’égide de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR), de nombreux attentats sont déjoués à Ouagadougou et dans bien d’autres localités. Les actions de l’Agence et des FDS permettent ainsi aux populations de vaquer sereinement à leurs occupations. Mais au-delà des aspects sécuritaires, le renseignement doit être intégré dans toutes les sphères de décisions du pays. Le contexte actuel en fait une nécessité vitale pour optimiser les investissements et tendre vers des projets structurants et à fort potentiel de croissance.
Le renseignement est une pratique aussi ancienne que la guerre. Il y a plus de 2500 ans, en Chine, Sun Tzu écrivait l’Art de la guerre, premier traité de stratégie militaire qui reste un classique encore aujourd’hui. Sun Tzu reconnaissait l’importance de posséder du renseignement précis et correct sur les intentions et les capacités de l’ennemi pour remporter la victoire. Durant l’Antiquité, puis au Moyen-Âge et à la Renaissance, l’importance de l’espionnage et du secret ne se fait pas démentir. Au fil du temps, l’activité des services de renseignement s’est affirmée comme support des exigences politiques et militaires, chaque État voyant la nécessité de recueillir des renseignements sur les activités des autres États. Les objectifs sont multiples : défendre la sécurité intérieure et extérieure de l’État, mais aussi influencer subrepticement la politique et les relations des autres pays. Pour cela, les services doivent contrecarrer les menaces de plus en plus diffuses, souterraines et disséminées que constituent non seulement l’espionnage traditionnel (renseignement militaire, politique ou économique) mais également des activités plus subtiles telles que la désinformation ou l’ingérence dans les affaires politiques, économiques et culturelles.
L’intervention des services de renseignement au niveau économique se justifie par des questions de sécurité nationale. Les impératifs de sécurité nationale s’étendent non seulement à la défense du territoire, de la population et des ressources nationales, mais aussi à la préservation des capacités économiques de la nation. Le concept de sécurité nationale prend en compte la sécurité des entreprises, puisqu’une entreprise qui prospère et qui innove est source de richesse pour l’économie dans son ensemble. À ce titre, l’État peut donc être amené à mobiliser tous les moyens à sa disposition pour protéger ses intérêts (dans une optique défensive) ou asseoir sa puissance (dans une optique offensive). C’est en ce sens que les services de renseignement peuvent être sollicités. L’action des services de renseignement comporte une orientation de plus en plus économique, dans le but de fournir à l’État les informations nécessaires pour choisir ses politiques économiques. Dans le contexte économique fortement concurrentiel actuel, il est de plus en plus question de guerre économique. Le renseignement doit y jouer un rôle déterminant.
Des ressources gaspillées, faute de renseignement
Au Burkina Faso et un peu partout en Afrique, certains ministères et certaines institutions adoptent des solutions à des coûts exorbitants qui ne rendent pas service. Un même partenaire peut par exemple financer des projets concurrents créant ainsi un désordre indescriptible sur le marché. Ce gaspillage de ressources et cette inefficience sont la résultante d’un manque de renseignements. Il serait donc souhaitable, pour certaines institutions, de soumettre les contrats aux services de renseignement pour examen minutieux avant une quelconque signature. Il y va de la protection du pays et de la sûreté des investissements. Le mythe de Sisyphe doit prendre fin.
Le Burkina Faso a pendant longtemps négligé l’importance stratégique du renseignement économique. Les choses sont fort heureusement entrain de changer avec l’ANR dont la mission peut se résumer en quatre mots clés : surveiller, analyser, protéger, influencer. Les efforts doivent se poursuivre pour aider les décideurs et les entreprises à relever 04 principaux défis :
-acquérir une culture large de l’environnement géoéconomique et de sa complexité ;
-connaître l’ensemble des menaces pesant dorénavant sur une entreprise moderne et savoir y faire face ;
-maîtriser les techniques et outils d’acquisition et de traitement de l’information stratégique ;
-développer une réelle capacité d’anticipation.
Depuis toujours, obtenir une information stratégique fiable est la condition sine qua none pour développer son entreprise, protéger ses intérêts ou développer des partenariats. La situation économique mondiale actuelle ne fait qu’accentuer la tendance. Mais les entreprises burkinabè demeurent très vulnérables en termes de sécurité informatique, de gestion administrative, financière et comptable, de fiscalité, de recherche-développement,… Pour renforcer leur compétitivité et pour des investissements sûrs et durables, le renseignement s’avère donc incontournable. Il faut dès maintenant prendre les dispositions idoines avec l’ANR pour éviter des déconvenues qui pourraient porter un coup fatal à l’économie nationale.
Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant Chercheur
Ouagadougou