Notre jeunesse estudiantine doit revoir sa copie
Un peu partout à travers le pays, la presse renseigne régulièrement sur des manifestations de populations contestant à tort ou à raison, des décisions de justice condamnant des citoyens. Des routes barrées, des déclarations dans les organes de presse, …Des koglwéogos qui font certes très souvent un bon travail dans des zones jadis mises sous coupe par des voleurs mais qui se prennent, hélas par moment, au mépris des lois de la république, pour des officiers de police judiciaire, des gardes de sécurité pénitentiaire ou des magistrats. Ces comportements illustrent éloquemment la crise de confiance qui existe entre les burkinabè et leur justice. Cette crise de confiance tire ses sources des dossiers de crimes de sang et de crimes économiques qui attendent d’être jugés depuis plusieurs décennies ou années. Et personne ne peut dire pour combien de temps encore il faut patienter. Tous ces comportements et toutes ces situations sont inadmissibles et alimentent l’impunité. Mais le pire visiblement reste à venir avec ce que nous observons ces derniers temps chez certains de nos enfants parmi ceux sur qui nous comptons le plus. Il s’agit de nos fils qui sont aujourd’hui étudiants dans nos universités. Alors même que nous n’avons pas fini de ruminer l’historique humiliation qu’ils nous ont infligée avec l’arrivée du président français Emmanuel MACRON, à travers des questions sur lesquelles il est préférable de ne revenir ni sur le fond, ni sur la forme, ils présentent au monde entier l’image d’un Burkina Faso jusque-là inimaginable et dégradante. Et pour une raison surtout inimaginable et ahurissante. Pendant qu’eux-mêmes et tous les burkinabè dénoncent l’impunité dans leurs discours au quotidien, ils lancent une série de mots d’ordre de grève pour refuser que leurs éducateurs sanctionnent un des leurs, coupable d’une faute. Nos enfants et tous les burkinabè veulent la justice pour DABO Boukary, pour Thomas SANKARA, Norbert ZONGO…mais ils ne sont, ces enfants surtout, pas d’accord qu’un des leurs ayant posé un acte répréhensible s’explique à plus forte raison soit sanctionné. On ne peut pas mettre un terme à l’impunité en faisant sa promotion. Nous devons avoir peur car ce sont ces étudiants qui seront demain des commissaires de polices, des gendarmes, des magistrats, des ministres, des enseignants, des médecins, des directeurs généraux…Nous sommes prévenus que le pire reste à venir si la dynamique actuelle ne change pas dans le sens que nous souhaitons tous pour notre pays. Ces jeunes mesurent-ils réellement la portée de leurs actes ? Il y a beaucoup de choses qui se sont passées et qui se passent dans cette situation et qui inquiètent. Que cet étudiant sanctionné ait été accusé à tort ou à raison, qu’est-ce qu’il avait de mieux à faire que de s’expliquer comme ses encadreurs le lui ont demandé ? Est-il étudiant oui ou non ? Si oui, son entourage devait l’encourager voire l’obliger à s’expliquer pour tirer les choses au clair et se conformer à la règlementation de l’université à laquelle il appartient. Après, lui-même, ses amis ou son délégué de classe ou son syndicat ou même celui qu’il aurait violenter pourraient envisager de négocier l’allègement voire l’annulation de sa sanction. Peut-être même que s’il s’était expliqué, il ne serait même pas sanctionné. Avec cet évènement, ce qu’on retient, c’est que les étudiants burkinabè crient qu’il faut mettre un terme à l’impunité, mais eux-mêmes sont prêts à tout pour que la justice ne leur soit pas appliquée. Et ce qui est dommage, c’est que c’est la structure syndicale des étudiants la plus connue qui joue ce mauvais rôle dans cette situation. Tout le monde entier a vu des étudiants faisant écran entre des professeurs, leurs éducateurs, et des étudiants désireux de faire cours. Avec un mégaphone en plus. Si des étudiants ne s’étaient pas interposés dans des amphis entre des professeurs venus pour donner des cours et d’autres étudiants venus pour suivre les cours, si des étudiants n’étaient pas armés de gourdins et de bâtons pour en découdre avec leurs camarades, allait-on connaitre cette situation regrettable ? Le droit de grève est reconnu. Celui d’obliger l’autre à aller en grève l’est-il ? Ou doit-on comprendre que le droit à la liberté n’est que virtuel dans ce temple du savoir qu’est l’université ? Si les grévistes étaient restés dans leur piquet y aurait-il affrontement ? Tout le monde a vu des étudiants armés de gourdins et de bâtons en train de s’en prendre à leurs camarades étudiants. Tout aussi sidérants, les propos de ce responsable de syndicat d’étudiants qualifiant le Pr SAWADOGO Mamadou de zélé et justifiant son droit d’obliger ceux qui ne le souhaitent pas à observer un mot d’ordre de grève. Ce qui fait peur avec certains de nos enfants aujourd’hui, c’est qu’ils parlent à leurs aînés et à des gens ayant l’âge de leurs parents ou de les mettre au monde comme ils parlent à un vulgaire voleur. Ce jeune homme doit des excuses au Pr SAWADOGO qui est avant tout son éducateur. Monsieur Alexis ZABRE, allez présenter vos excuses au Pr SAWADOGO et choisissez désormais bien les mots quand vous vous adressez à vos éducateurs et à vos aînés. Ne les traitez jamais de menteurs ou de zélés. Menez vos luttes sans violence et sans propos désobligeants. Nous sommes en Afrique et cela est très important. Dans ce continent, l’âge est un diplôme et ne pas en tenir compte ne présage rien de bon pour un jeune. Et sachez que l’ANEB joue sa crédibilité avec cette affaire BAHAN Yénilo. Si vous n’y croyez pas, continuez avec cette voie empruntée dans cette affaire et l’histoire nous situera.
En attendant, la question que les burkinabè se posent est de savoir si l’on peut espérer mettre un terme à l’impunité avec ces futurs responsables du pays dont la conception du droit, de la liberté et de la justice est porteuse de tous les risques comme ceux qu’ils nous ont donné à observer ce 06 Décembre 2017 ? Fort heureusement, il existe encore dans leurs rangs, certainement les plus nombreux, des étudiants qui ont intériorisé le droit à la différence, à la liberté et qui en font la promotion, des étudiants dont l’unique arme est la force de l’argument et non pas l’argument de la force.
Pour terminer et en terminant, relevons qu’il est utile que tous les parents, que tous ceux qui ont leurs enfants, leurs frères ou neveux ou amis dans nos universités prennent langue avec eux pour limiter les dégâts. Il faut espérer que chacun de ces enfants ait quelqu’un qui peut lui parler pour que la situation qui est déjà peu reluisante de nos universités publiques n’atteigne pas un point de non-retour. Même s’il faut que chaque parent rappelle son enfant au village pour lui dire deux mots, il faut l’envisager. Il ne faut pas aussi exclure que les étudiants se parlent entre eux pour que de telles scènes ne se reproduisent plus sur aucun campus dans notre pays. Mieux, il est souhaitable que les étudiants créent une instance qu’ils pourraient nommer ‘‘conseil des étudiants’’ regroupant des représentants de chaque filière, de tous les niveaux et de toutes les structures estudiantines. Ce conseil pourra, à travers un programme d’activités, s’intéresser aux questions relatives au civisme, aux conflits entre étudiants, aux rapports entre étudiants, entre étudiants et personnel de l’université, à la salubrité sur le campus. Les autorités en charge de l’éducation doivent veiller à la création de ce conseil déjà dans les lycées et collège où il peut porter la dénomination ‘‘conseil des élèves’’. On peut organiser mille semaines de la citoyenneté dans les établissements d’enseignements, les résultats resteront ceux que les étudiants nous ont montré ce 06 Décembre 2017. Le folklore a rarement produit des résultats probants. Aidons plutôt les élèves et les étudiants à s’organiser dans leurs établissements et nous verrons certains comportements disparaître dans ces structures et dans notre société. Dieu sauve le Burkina Faso.
BOUBACAR Elhahji
Inspecteur de l’Enseignement du 1er Degré
70 10 05 50