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Nous voilà partis de Marrakech pour 30 km en voiture vers le sud. Au fur et à mesure que l’on approche de l’entrée du village de Tahannaout, le Haut Atlas se dessine, quoique encore dissimulé par une légère couche de brume. La température chute de quelques degrés. Le long de l’ultime tronçon de route bitumée qu’il reste à parcourir, des œuvres d’art sont disposées sur de larges panneaux. Il y a là des peintures de Mohamed Mourabiti et de son complice Mahi Binebine, entre autres. « On voulait apposer un cachet artistique sur Tahannaout », nous confiera Binebine plus tard. Enfin, on emprunte le chemin de terre qui mène à Al Maqam, l’atelier de Mourabiti, que ce dernier a choisi de transformer en 2004 en lieu de villégiature artistique afin de « promouvoir la création contemporaine, d’où qu’elle vienne ».
Deux édifices, camouflés par des arbres touffus et un lourd portail en bois, se font face. L’un est la résidence Al Maqam, l’autre la demeure de Mourabiti. Ce n’est pas lui qui accueille, mais un cheval qui s’ébroue. Nous sommes en pleine nature, bien loin de l’agitation urbaine et des briques ocre de Marrakech. L’un des treize employés de la résidence ouvre le portail en bois. Qui que vous soyez, vous serez d’emblée invité à visiter l’endroit et à rencontrer le maître des lieux, où qu’il se cache dans ce dédale de pièces lumineuses et bigarrées où l’art foisonne.
Garder contact avec la terre est un besoin essentiel. Cela nourrit le corps et l’esprit, affirme Mourabiti
Ce jour-là, Mourabiti est chez lui, installé dans le salon attenant à son atelier. Ses fameux seins sculptés couvrent les murs, au côté de mains de Fatma et d’autres objets de culte. Il y a aussi quelques-uns de ses tableaux et ses plateaux circulaires renfermant chacun une plaque de la forme du continent africain, en papier mâché peint.
« Quand j’ai du travail, je peux rester enfermé ici pendant une bonne dizaine de jours », confie Mourabiti, qui n’a besoin de rien de plus que de calme, de ses cinq chevaux et de la vue sur l’Atlas. « Pour nourrir mon esprit, je tiens à la nature, dit-il. Garder contact avec la terre est un besoin essentiel. Cela nourrit le corps et l’esprit. »
Ainsi, l’artiste quitte rarement les lieux, si ce n’est pour quelques heures de randonnée en montagne, un aller-retour à Marrakech ou un voyage à l’étranger. Non loin de son domicile, la résidence a une dimension spirituelle, presque mystique. « Cette dimension existe en chacun de nous, explique Mourabiti. C’est comme la sensibilité. La question est de savoir comment la révéler. »
« Les ingrédients nécessaires à la créativité »
Passé l’accueil, une pièce fait office de bibliothèque et de librairie, où s’organisent de temps à autre des cafés littéraires. Il y a aussi une spacieuse salle à manger dont les murs sont tapissés d’œuvres, un musée dédié à l’artiste plasticien Khalil El Ghrib et une salle de projection aux murs recouverts de citations de l’écrivain marocain Edmond Amran El Maleh, ancien résident d’Al Maqam, décédé en 2010. Dans le jardin, où les cactus foisonnent, se trouve une stèle à sa mémoire, installée à la verticale, avec des inscriptions en hébreu. « Elle provient de sa première pierre tombale. Il y a trois ans, cette stèle a été remplacée et j’ai tenu à la récupérer », indique Mourabiti.
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