Massacres sans frontière dans la zone des 3 frontières !

Une délégation officielle conduite par le Premier ministre, Christophe Dabiré s’est rendue hier lundi, 7 juin 2021 à Solhan dans le Yagha, Région du Sahel, pour adresser des condoléances aux populations et les soutenir moralement, suite à l’attaque lâche et barbare de leur village, dans la nuit du 4 au 5 juin dernier. Le bilan officiel communiqué par le gouvernement fait état de 132 morts dont des enfants et une quarantaine de blessés.  La tuerie la plus sanglante au Burkina depuis plus de six ans. Maisons et marché ont été incendiés dans ce raid meurtrier.

Cette recrudescence des attaques terroristes se déroule dans un contexte d’opération militaire d’envergure dénommée « Hounè ». Les civils payent comme les soldats un lourd tribut dans des attaques terroristes qui avaient commencé par des attentats pour ensuite viser des positions des forces de défense et de sécurité.

Malgré des avancées militaires notables, la situation sécuritaire au Sahel burkinabè est alarmante. Mais qu’est ce qui peut expliquer le carnage de Solhan et l’acharnement des groupes terroristes dans la région qui vit sous couvre-feu et sous état d’urgence ? Le nombre de déplacés à Sebba explose. Des éleveurs qui perdent leur bétail peuvent facilement rejoindre les groupes terroristes.

Solhan, est située à seulement 12 km de Sebba et à une trentaine de km de Mansila, deux localités qui abritent des détachements militaires. Le Yagha est proche du Niger, donc inclus dans la zone dite des « trois frontières », et plongé dans la spirale de violences. Mais la Commune de Solhan se situe à l’intérieur et elle n’est pas frontalière du Niger comme Titabé, Tankougounadié, ou Boundoré !

Une nouvelle étape dans l’horreur

Ce raid serait-il une sorte de représailles contre les volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des supplétifs des Forces armées que les terroristes voient d’un mauvais œil ? Les communautés de Solhan ont-elles été punies parce qu’elles refusaient de collaborer ou de payer un impôt aux terroristes ?  Les populations de Solhan ont-elles fait les frais d’un modus operandi cruel suite à une rivalité entre groupes rivaux terroristes qui tentent de prendre l’ascendant dans la région ?

Le 14 mai 2021, le ministre de la Défense, Chériff Sy, et des membres de la hiérarchie militaire s’étaient rendus à Sebba. L’attaque deSolhan est-elle une réplique aux propos du ministre qui assurait que la situation était revenue à la normale ? Le 5 avril 2021, deux civils ont été tués, dans l’explosion d’une mine sur l’axe Mansila-Solhan. Le 13 juin 2020, le 2ème adjoint du maire de Solhan, Boureima Diallo a été assassiné par des hommes armés non identifiés. Son remplaçant Boubacar Diabaté a été enlevé le 13 février 2021 par des terroristes avant de réussir à s’échapper de leurs mains, le 24 mars dernier. A Solhan, toujours, le poste de police a subi une attaque terroriste le 27 décembre 2018 et un policier y a trouvé la mort.

Du sous-sol de Solhan

Solhan est une cité aurifère qui attire de nombreux orpailleurs. La commune de solhan semble assise sur un énorme trésor. Les terroristes veulent-ils faire main basse sur l’exploitation artisanale du site minier ? Dans cette région reculée du Yagha, une structure de la société civile, l’Organisation Démocratique de la Jeunesse du Burkina (ODJ) est très active au sein de la jeunesse et des orpailleurs. Le président de la section de l’ODJ Yagha, Tindano Amadou dit Amadou Batibougou, est resté dans la dernière attaque de Solhan.

L’ODJ a perdu deux de ses responsables du Yagha, Fahadou Cissé et Hama Balima, le 31 Mai 2019 alors qu’ils se rendaient à Dori pour une réunion. Le site aurifère de Solhan a été exploité dans les années 90 par une société coréenne qui exerçait dans le semi mécanisé. La Société minière KINDO Adama (SOMlKA) s’implante à Solhan en 2006 à la faveur du boom minier des années 2000. Les orpailleurs ne sont pas favorables à accueillir SOMIKA. En 2006, au cours d’une répression sur le site aurifère, 7 orpailleurs ont été tués. Dans la nuit du 17 au 18 juin 2011, une violente manifestation des orpailleurs éclate. Les installations de SOMIKA sont saccagées.

La comptine du renard

Le Maire actuel de Solhan est Assimi Amadou Barry, un vieillard qui a été présenté par son parti sur la base de l’âge pour remporter le siège de maire devant le candidat du parti adverse. A égalité de conseillers pour le choix du maire, le candidat le plus âgé est retenu. La commune de Solhan a eu comme maire dans un passé récent, le maître de l’école de la sagesse, le docteur Boubacar Ly et son tout premier maire est le vétéran et vétérinaire Yaya Barry, ancien député du Yagha.

Les trois frontières (Burkina, Mali, Niger) ont été transformées en champ de bataille et le cycle des atrocités menace l’existence même des pays sahéliens. Les attaques s’intensifient avant l’hivernage qui est une période qui limite les accès et la mobilité des groupes terroristes. A chaque nouveau drame, des émotions improductives et le manque de sursaut collectif salvateur. Solhan, Markoye, Tin-Akoff (Burkina) Banibangou, Mangaïzé, Chinégodar (Niger) Ogossagou, Yoro, Tessit (Mali), la comptine du renard qui passe se joue dans les trois frontières. Après Solhan, à qui le tour ?

Ag Ibrahim