Me too » ou « Moi aussi », cette campagne contre le harcèlement sexuel qui a vu le jour dans le sillage de l’affaire Weinstein déferle partout dans le monde. En Chine aussi, et dans un premier temps, les autorités ont laissé faire. Mais plus le sujet prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux, plus les censeurs s’en méfient. Les femmes ont donc décidé de s’organiser pour contourner la censure et #Metoo est devenu « riz et lapin ».
« Les femmes portent la moitié du ciel », disait Mao. Mais revendiquer cette moitié du ciel n’est pas une mince affaire pour les femmes, dans une culture chinoise et un parti communiste qui favorisent les hommes. Il faut donc du courage pour dénoncer les agressions sexuelles, d’autant qu’aucun dispositif légal ne protège les victimes. La campagne « Me too » a mis du temps à décoller ici et depuis, elle a beaucoup de mal à faire des émules, car la censure s’en est rapidement emparée.
La censure contrôle le mouvement « Me too »
Des milliers de témoignages sous le hashtag #MeToo ont été effacés par la police du web. Mais les Chinoises font preuve de créativité : pour contourner la censure, elles ont rebaptisé leur campagne. « MeToo » s’appelle maintenant « riz et lapin » : en mandarin, « Mi » est le mot pour « riz » et « Tu » symbolise le « lapin ». Tous les moyens sont bons pour briser le silence.
L’informaticienne Luo Xixi qui vit aujourd’hui aux Etats-Unis a raconté sur Weibo comment son ancien professeur d’université l’avait enfermée dans une pièce et comment elle a souffert par la suite puisque elle avait refusé ses avances. Son témoignage a été vu plus de cinq millions de fois. D’autres femmes sont du coup sorties de leur silence pour dénoncer les abus de ce même professeur qui a été rapidement démis de ses fonctions. Dans un premier temps, les autorités ont laissé émerger le débat sur les réseaux sociaux. Le ministre de l’Education a même promis une politique « tolérance zéro ». Mais comme à chaque fois en Chine, plus un sujet devient populaire, plus la censure tente de l’étouffercar tout mouvement social, même virtuel, est un cauchemar pour les autorités. Et puis, dans ce cas précis, les autorités doivent craindre que la campagne « MeToo » ne se limitera pas aux professeurs, mais pourrait aussi toucher les plus hautes sphères du parti.
La prison pour troubles à l’ordre public
En 2015, cinq féministes avaient déjà été emprisonnées pour avoir fait campagne contre le harcèlement sexuel. Ces femmes s’apprêtaient à distribuer des tracts pour dénoncer le harcèlement dans les transports publics. Mais elles ont été arrêtées et emprisonnées pendant plus d’un mois pour avoir provoqué des « troubles à l’ordre public ». Ces arrestations en disent long sur les difficultés des femmes chinoises à conquérir la moitié du ciel.
http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20180212-chine-femmes-denonciation-censure-internet-me-too-harcelement-sexuel