MONTEE INQUIETANTE DU MERCURE A L’OREE DU PROCES DIENDERE

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Le 27 février prochain la nation burkinabè retiendra son souffle au moment où s’ouvrira à Ouagadougu le procès de la tentative de coup d’état de septembre 2015. C’est pourtant l’occasion pur les burkinabè d’écrire une autre belle page de leur histoire rien qu’en dominant leurs pulsions nonobstant la charge émotive du procès. Que les juges statuent dans la sérénité et disent le droit sans pression aucune et que les éventuels contestataires du verdict rendu le fasse selon les voies légales et la crédibilité du Burkina s’en trouvera renforcée au plan international. Or, le climat général est anxiogène à l’orée de ce procès qui n’est pas le plus important dans l’histoire récente si l’évaluation devait se faire à l’aune de la stature des accusés.  

 

L’ouverture mardi 27 février 2018 dans la salle de spectacle de Ouaga 2000 du procès de la tentative de coup d’état de septembre 2015 est le sujet qui passionne les débats dans tous les grands centres urbains du pays tant de nombreux acteurs de la scène politique aussi bien que de la société civile en on fait un fonds de commerce au point de faire montée inutilement la tension. Même si comparaison n’est pas raison, il faut rappeler que le pays a déjà jugé dans son histoire trois (3) chefs d’état sans que cela fasse autant de vagues. Maurice YAMEOGO, Sangoulé LAMIZANA et Saye ZERBO ont été jugés par des juridictions dont la légitimité et la légalité sont certainement discutables. Mais après cela, ils ont eu également droit même avant leur décès, au jugement implacable de l’histoire. On nous rétorquera que les contextes ne sont pas les mêmes et que les enjeux que recèle le procès du 27 février sont beaucoup plus importants. Mais de quels enjeux parle-t-on ? Le seul enjeu qui vaille, est le droit des burkinabè à la vérité et à la justice dans cette affaire. Pas celui de tous ces margoulins qui grenouillent pour faire du jugement un tremplin destiné à assouvir des ambitions personnelles ou groupusculaires.

Le Directeur de la justice militaire a invité avec raison, les uns et les autres à la sérénité et il faut souhaiter que cet appel par ceux qui prétendent parler et agir au nom du peuple sans aucun mandat.

Contre vents et marées et au prix de nombreuses vilénies injustifiées, les magistrats du tribunal militaire ont conduit le dossier jusqu’à sa phase jugement. Pour l’instant, ils ont été les seuls à avoir soutenu dans le secret de leurs bureaux les regards d’hommes aussi puissants il n’y a pas longtemps comme les généraux Gilbert DIENDERE et Djibril BASSOLE. Avec un peu d’humilité et de bonne foi, nombreux parmi ceux qui leur jette l’opprobre sans la moindre preuve, devraient admettre leur incapacité à tenir le coup. Or ce sont les mêmes qui œuvrent à faire du Burkina Faso un chaudron en ébullition pour des raisons jamais avouées.

Avec un peu d’attention, on peut identifier parmi les pêcheurs en eau trouble, les adeptes d’une insurrection additive devant aboutir à l’avènement d’une révolution nationale, démocratique et populaire qu’ils appellent de tous leurs vœux depuis des décennies. A leurs sens toute la classe politique officielle actuelle mérite d’être dégagée pour avoir failli. Certains de leurs partisans l’ont clairement soutenu à Paris lors d’un colloque organisé en mai 2014 à l’amphithéâtre Dupuis du Centre MALHER dans le 4e arrondissement par la section France du MBDHP. En tout cas, c’était l’avis partagé des représentants du MBDHP/France, de la CGTB et de l’ODJ. A la lumière du rôle que jouent leurs organisations dans l’animation de la fronde sociale actuelle, il est fort à parier qu’ils ont le sentiment d’avoir été floués et que leurs convictions n’ont pas varié d’un iota. Alors, ils travaillent toujours à l’avènement du régime de leur rêve. C’est tout à leur honneur dans un Burkina Faso où de plus en plus d’hommes n’ont de conviction que la facilité d’acquisition du gain cultivée et entretenue à dessein par le régime COMPAORE. Nous disons simplement qu’en dépit des limites actuelles de notre démocratie, ils n’ont plus besoin d’avancer masqués.

L’autre catégorie d’agitateurs regroupe les fidèles de l’ancien Premier ministre de la transition Yacouba Isaac ZIDA, privés à leurs corps défendant des possibilités d’une prolongation du régime de transition qui a été pour certains d’entre eux une véritable vache à lait. De nombreux observateurs soutiennent qu’en une année de gestion du pouvoir d’état, des bonzes de ce régime ont énormément amassé d’argent et de biens. De plus en plus, on admet que des responsables d’organisations de la société civile ont également bénéficié des prodigalités de ce régime et c’est ce qui explique leur promptitude à allumer des contre-feux en prétendant défendre les acquis de la transition. Une sorte de fabrication policière de tabous intellectuels antinomiques de la liberté d’opiner indispensable à la gouvernance démocratique.

Si l’activisme de ce groupe s’est amoindri, il n’est pas superflu de rappeler que pendant longtemps, il s’évertuait à conquérir des positions importantes au sein de la grande muette. L’idée était de scalper toute l’ancienne hiérarchie (en instrumentalisant la justice militaire si possible) pour la remplacer par des officiers à sa dévotion. La tenue de ce procès devrait situer les responsabilités de l’équipe du général Pingrénoma ZAGRE dans le putsch manqué de 2015. A-t-elle soutenu la conspiration ou juste ruser pour le déjouer tout en épargnant à la capitale burkinabè des torrents de sang prévisibles en cas d’affrontements armés ? En attendant que la vérité éclate sur cette question, il faut remercier le Tout Puissant de nous avoir épargné la catastrophe pendant ces moments de braise. Pour autant, il importe de ne pas baisser la garde quand on sait que l’insurrection si elle a dynamité le régime COMPAORE, elle a également secrété de nombreux héros à la petite semaine tous rêvant d’un destin national ou jouant les GUEVARA des temps nouveaux en exportant leur expertise dans des pays du continent. L’affaire Auguste Denise BARRY est symptomatique de ces ambitions bâties sur des légendes artificiellement façonnées et qui ont réussi à faire croire à certains acteurs politiques ou de la société civile qu’ils sont bien les messies dont le peuple a besoin, de la même manière que des courtisans avaient mis dans la tête de Blaise COMPAORE qu’il était le troisième prophète après Jésus et MAHOMET.

Reconnaissance du ventre ou dépit ?

Naturellement, dans l’agitation autour de la tenue du procès, on ne saurait occulter celles des proches et partisans des accusés notamment les plus emblématiques que sont les généraux Gilbert DIENDERE et Djibril BASSOLE. A ce niveau, certains n’ont pas craint d’agiter la dangereuse fibre régionaliste et même ethnique. Parmi ces derniers, d’autres le font par reconnaissance du ventre ou par dépit après avoir parié sur le mauvais cheval. L’ouverture du procès marquera donc la fin de cette sorte de délirium- trémens à la quelle l’on assiste aussi bien du côté de l’opposition que de certains partisans du pouvoir qui, pour prouver leur engagement, font exactement le jeu des pécheurs en eau trouble.

D’après Diderot, ce qu’il y a de pire que l’esclavage, c’est avoir des esclaves et les appeler citoyens. Au Burkina Faso, beaucoup de personnes clament à hue et à dia leur engagement dans la défense des aspirations profondes des burkinabè ou leur lutte en faveur de la vérité et de la justice. Or derrière ces professions de foi vertueuses, se cache un activisme marchand sans vergogne, une exploitation cynique de la misère des plus défavorisés qui n’est pas loin du vampirisme.

Face au procès qui s’ouvre le 27 février 2018, la bonne attitude que devraient observée les femmes et les hommes véritablement épris de justice et de paix, c’est éviter de perturber la sérénité des juges par une quelconque agitation visant à leur mettre la pression. A moins que l’objectif n’est pas rechercher le déroulement de l’audience à huis-clos ou des reports itératifs, voire un blocage définitif de l’action pénale. Un tel scénario n’est pas dans l’intérêt des accusés qui doivent être pressés d’en finir, ni dans celui du public burkinabè et encore moins des victimes et de leurs familles.

Partis politiques et organisations de la société civile devraient donc travailler impérativement à l’apaisement des esprits au nom de l’amour de la patrie plutôt que de faire monter inutilement l’adrénaline .C’est là notre humble opinion.

Pascal BOGNOUNOU

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