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À cette question insolemment conflictuelle, la réponse est invariable, que l’on soit Algérien ou Tunisien, Berbère de Fez ou Arabe de Casablanca : « Dans la cuisine de ma mère ! ».
Tribune. Plus qu’un plat succulent, la dune de blé concassé servie sous une cascade de bouillon ocre – les légumes que la saison a donnés au potager et son ragoût, de viande si l’on est de la terre ou de poisson si l’on est de la mer – est une communion, souvent pratiquée le jour sacré du vendredi. Pour le gastronome international, le couscous est le symbole culinaire du Grand Maghreb, jusqu’à ses franges de l’Est libyen, où la cuisine du riz supplante celle de la semoule, et du Sud mauritanien, où la culture du blé s’efface devant celle du mil et du sorgho.
Culture et rituels
En janvier 2017, le cyberespace maghrébin bouillonne. « Le dossier du classement du couscous au patrimoine universel est un projet commun aux pays du Maghreb », déclare l’Algérien Slimane Hachi, directeur du Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH). Plus précisément, il s’agit de présenter une candidature à l’inscription sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. L’idée de classer la graine a germé à Bali, en 2011, lors d’une réunion du comité du patrimoine immatériel de l’Unesco.
Dans la galaxie couscous, la graine est un microcosme où se marient histoire et géographie, héritages familial et social
En 2017, la presse avait parlé d’un dossier commun aux trois pays du Maghreb central, Tunisie, Algérie et Maroc, mais Hachi confirme qu’il fédère aussi la Libye et la Mauritanie. Les cinq États de l’introuvable Union du Maghreb arabe (UMA) rassemblés autour du plat du partage.
« Il ne s’agit pas de faire reconnaître une simple recette, détaille-t il, mais un facteur essentiel de commensalité, une véritable culture aussi ancienne que vivante, les formes de rituels qui s’y rattachent et se transmettent dans le secret des cuisines familiales, sa place au cœur des célébrations, tout ce qui définit le patrimoine immatériel. »
« Dans la galaxie couscous, la graine est un microcosme où se marient histoire et géographie, héritages familial et social. Un ADN étonnant composé de désirs et ratés, d’actes manqués ou achevés, de sentiments et de morales qui se perpétuent de génération en génération », écrit Nadia Hamam dans Les Mondes du couscous (Encre d’Orient, 2010).