L’Afrique a une multitude de cultures. Le port des chaînes au pied en fait partie. Dans certaines communautés, hommes et femmes les portent sans complexe. Ces chaînes mettent en exergue les pieds et sont synonyme d’une forte charge esthétique mais aussi érotique, car relevant de la sensualité. Mais ces chaînes au pied peuvent plus ou moins, projeter une image qui génère des qualificatifs péjoratifs. Au Burkina Faso, alors que celles qui les portent voient tout simplement un plaisir que l’on se fait, certaines personnes trouvent que c’est un signe de prostitution.
A Ouagadougou, il n’est pas rare de voir des filles qui portent des chaînes au pied. Plaisir ou prostitution ? Les avis divergent sur ce sujet. En Inde par exemple, il s’agit d’une tradition. Toutes les femmes du pays sont autorisées à porter des chaînes au pied. Dans l’Égypte ancienne par contre, la signification du port de chaines au pied est peu honorable. En effet, ces bijoux au pied avaient pour objectif de catégoriser les femmes de mauvaise vie car le nombre de chaînes traduit le nombre d’amants. En plus, les lesbiennes et les bisexuelles les utilisent pour émettre un signal d’attirance ou de disponibilité. De façon plus détaillée, si on les porte au pied droit, cela représenterait l’hétérosexualité, tandis que sur le pied gauche, c’est le signe de l’homo ou de la bisexualité. Cependant, à Ouagadougou, certains voient cette pratique comme de la prostitution et d’autres pour faire plaisir.
Des hommes achètent les chaines au pied pour leurs femmes
Certaines vendeuses de ces bijoux disent ignorer leur signification et leur utilité au niveau de la cheville. C’est le cas de Mariam Nikiema qui, en plus de ces chaines pour pied, vend des boucles d’oreilles à Roodwoko, le grand marché de Ouagadougou. « Je vends des chaînes pour pied mais franchement je ne sais pas ce qu’elles signifient exactement. Beaucoup de femmes viennent tous les temps acheter. Mais j’aurais appris que les gens en portent pour faire plaisir à leurs copains ou maris. » Les femmes ne sont pas les seules clientes de Mariame Nikiéma, elle dit recevoir souvent des hommes qui viennent en acheter car ils aiment voir ces bijoux aux pieds de leurs femmes. Avec Serges Kaboré, c’est tout à fait le contraire. A son entendement, les hommes qui achètent ces bijoux pour leurs femmes sont ceux qui, de par le passé les appréciaient chez les prostituées. « Il ne suffit pas de dire que je fais ce que je veux. On voit beaucoup de filles qui n’arrivent pas à se marier à cause des attitudes pareilles. Et le plus souvent, les garçons les suivent pour des intérêts sexuels », dit-il. « Je sortais avec une fille et c’est quelques semaines plus tard que j’ai su qu’elle portait une chaîne à son pied. Honnêtement je n’en revenais pas. Je lui ai immédiatement dit d’arrêter parce que je n’aime pas », témoigne monsieur Kaboré.
« Je porte la chaîne au pied et mon copain aime…. »
Cette pratique n’est pas un signe de prostitution, soutient Edwige Rouamba, une jeune étudiante. Pour elle, chacun est libre d’interpréter les choses comme il veut. « Cela fait environ 3 ans que je porte les chaînes au pied. J’ai décidé de le faire juste pour me faire plaisir », a-t-elle indiqué. En plus, ajoute -t-elle, « mon copain aime ça et c’est ce qui compte. Souvent quand je ne les mets pas, c’est lui-même qui m’interpelle ». A la question de savoir si elle ne fait pas l’objet de critiques dans son environnement, Mademoiselle Rouamba a répondu par la négative. « Le seul problème que j’ai, c’est avec mon père. Il m’a formellement interdit de porter ces bijoux, mais comme il n’est pas toujours présent, je profite me faire plaisir », s’est-elle justifiée. Selon Edwige Rouamba, on croit connaître les gens mais en réalité, on ne les connaît vraiment pas.
Une chaîne au pied pour paraître belle !
En plus des jeunes filles, nombreuses sont ces femmes au foyer qui portent des chaînes au niveau de leur cheville pour disent-elles, se sentir belles ou faire plaisir à leurs conjoints. M. K (nom d’emprunt), est une femme au foyer qui porte des chaînes au pied « pour le design et pour paraitre belle ». « Moi j’ai fait le Mali et là bas, c’est comme une culture. Les femmes portent ces chaines et c’est très joli. Cela n’a rien à voir avec la prostitution du moment où certaines le font pour la beauté », a-t-elle laissé entendre, avant de préciser que tant que ce qu’elle fait ne nuit pas à la société, elle prend du plaisir à le faire. Selon elle, il n’y a pas de différence entre porter une chaine au pied et porter les perles (baya) autour de la taille ou les boucles d’oreilles. « Personnellement, mon mari adore ça. Alors, pourquoi vais-je écouter ce que les gens disent ? Les gens doivent arrêter de regarder celles qui en portent d’un mauvais œil », conclu-t-elle.
Des positions tranchées sur la signification du port de chaines au pied
Quels qu’en soient les justificatifs donnés par les porteuses des chaînes au pied, R.O (nom d’emprunt), tient mordicus à sa façon de voire la chose. A l’écouter, une fille qui porte de telles chaînes est automatiquement qualifiée de « petasse ». Il ajoute que : « lorsqu’on voit ces filles, on ne se pose plus de questions. Il n’y a pas d’explication à donner à ça : c’est tout simplement de la prostitution pure et il faut avoir le courage de le dire ». A en croire Serges Kaboré, porter une chaîne est une mauvaise idée parce que c’est une manière de se dévaloriser en tant que femme.
S.O (nom d’emprunt) est un vieux qui habite le quartier Sinyiri de Ouagadougou. La soixantaine bien sonné, il souligne qu’une femme qui porte une chaîne à sa cheville ne respecte pas son mari. De même, un mari qui permet à sa femme d’en porter ne se respecte pas. Aussi, il ajoute qu’une jeune fille qui porte des chaînes au pied, est sans aucun doute irrespectueuse envers ses parents. Elle vit dans du libertinage. « Depuis que je suis né, je n’ai jamais vu une telle pratique », soutient-il, tout en concluant que ce sont des attitudes pareilles qui les conduisent à l’infidélité notoire, même après s’être mariées.
Le port des chaînes au pied est une culture d’autres pays. Cependant, si les gens ont un mauvais regard sur cette pratique au Burkina Faso plus précisément à Ouagadougou, c’est qu’il y a un signe très négatif autour.
Nicolas Bazié
