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Procès du putsch manqué : le soupçon d’une complicité de la Côte d’Ivoire et de la haute hiérarchie a plané

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Le soldat de première classe Abdoul Compaoré poursuivit pour attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres, coups et blessures a continué sa défense ce vendredi 14 septembre 2018. Poursuivit pour les mêmes chefs d’accusation, le capitaine Seydou Gaston Ouédraogo après avoir rejeté les faits, a reconnu avoir effectué une mission à la frontière du Burkina Faso et la Côte d’Ivoire où il a ramené à la présidence des gaz lacrymogènes et une valise ; avant de faire planer le soupçon d’une complicité de la hiérarchie militaire pour ce qui est du putsch.

Appelé de nouveau à la barre, soldat de première classe Abdoul Compaoré qui n’avait pas reconnu les faits qui lui sont reprochés est revenu sur les sorties qu’il a effectué durant les évènements. A l’en croire, il a effectué deux sorties dont la première à la Place de la Nation et la seconde à la cité An 3. Il explique que c’est lors de la première mission qu’il a fait usage de son arme dans les parages du jardin 2000. Avouant donc avoir fait des tirs de sommation, le prévenu explique que c’était dans l’espoir de se soustraire des manifestants qui s’en sont pris à lui. Ne partageant pas totalement les propos de l’accusé le procureur militaire va lire une déclaration qu’il a faite devant le juge d’instruction et qui est consignée à la côte I 160 du procès-verbal. Il cite : « j’ai tiré en rafale (…) également devant la petite porte du jardin j’ai encore tiré ». L’accusé va recevoir le soutien de son conseil Me Paul Kéré qui va rappeler qu’il s’agissait d’une situation qui a nécessité de la légitime défense que prévoit l’article 72 du code pénal. Cependant relativise-t-il, cette défense n’a pas créé d’incidents. Il va soutenir : « mon client a bien dit qu’il est mécanicien et qu’il est sorti pour un dépannage et non pour tuer quelqu’un ».

« J’ai juste effectué des tirs en l’air pour me sauver »

Accusé donc de complicité de meurtre, le mécanicien de l’ex-RSP qui a déclaré avoir effectué ses sorties dans le seul but de réparer son engin et non faire une patrouille, va reconnaitre avoir visionné une vidéo que le juge d’instruction lui a montrée et dans laquelle il apparait en compagnie de son binôme. Reconnaissant avoir tiré, il confie que ce n’est pas sur les manifestants et déclare : « pourquoi je vais tirer sur eux ? Ils ne m’ont rien fait. J’ai juste effectué des tirs en l’air pour me sauver ». Il soutient que les tirs en l’air ne peuvent pas tuer ni blesser un individu car la portée devient faible en retombant. Il sera pris au mot par le parquet militaire qui va lui rappeler que devant le juge il a déclaré que des tirs en l’air peuvent blesser mais ne peuvent pas tuer. Le prévenu va poursuivre sa défense en indiquant qu’il n’a pas effectué les missions de son propre initiative. Mieux soutient-il : « si j’avais la certitude qu’un incident se produirait durant notre trajet, je n’y serais pas allé ». Il y est allé et c’est un fait qu’il ne peut plus changer.

Un dépannage avec une arme qui passe mal

L’autre argument utilisé par le parquet pour le charger est le port d’une arme pour un simple dépannage. N’ayant pas réussi à convaincre le procureur militaire, ce dernier pense que pour réparer son engin, le soldat de première classe n’avait pas besoin de porter sur lui son arme. Le militaire n’étant pas de cet avis, soutient qu’il ne pouvait pas sortir sans son arme de dotation pour la simple raison qu’elle est enregistrée en son nom et que si un individu mal intentionné s’en emparait pour commettre un forfait, ce serait lui qui aura à répondre devant sa hiérarchie. N’ayant toujours pas été convaincu de l’innocence du mécanicien militaire, le procureur militaire va rappeler que de tous les garagistes du RSP à l’époque, il n’y a que Abdoul Compaoré et son binôme qui se retrouvent devant le Tribunal aujourd’hui. Il ira plus loin, en soutenant qu’ils avaient connaissance du coup d’Etat et ils ont quand même procédé à des dépannages. Au regard de ce développement, le parquet militaire estime que la complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat est avérée en ce qui concerne l’accusé. En plus souligne-t-il, le mécanicien a eu à effectuer des tirs en se basant sur l’article 67 du code pénal. De cette observation le parquet conclu que le soldat de première classe Abdoul Compaoré est aussi responsable des meurtres et des coups et blessures qui en résultent.

Le capitaine Seydou Gaston Ouédraogo à la barre

A la suite du soldat de 1ère classe Abdoul Compaoré, c’est le capitane Seydou Gaston Ouédraogo qui a été appelé à la barre pour répondre des mêmes chefs d’accusation. Il a aussi déclaré non coupable avant de dérouler son emploi du temps lors des évènements. Ce qu’il faut retenir de son passage à la barre, c’est la mission que le responsable des ressources humaines de la logistique et des finances au niveau de l’Etat major particulier de la Présidence du Faso au moment des faits a effectué. A l’en croire en effet, c’est le 20 septembre qu’il a effectué une mission à Niangologo sur ordre du colonel major Boureima Kéré. Cette mission selon ses explications était destinée à ramener du matériel de maintien d’ordre. Après avoir décollé de la base aérienne, il a confié que l’hélicoptère qui l’a amené a atterri sur un terrain sécurisé par des éléments de la gendarmerie. Sur place, le capitaine a confié avoir rencontré un certain lieutenant Touré qui lui a livré le matériel composé d’une valise dont il dit ne pas connaitre le contenu et des caisses remplies de gaz lacrymogènes ; le tout transporté par un véhicule d’immatriculation ivoirienne. De retour à Ouagadougou où l’hélicoptère s’est posé à l’aéroport de la présidence, il confirme avoir remis plus tard la valise à un individu non identifié qui faisait partie du cortège du général Gilbert Diendéré. Le quartier étant consigné, le prévenu indique être resté au camp jusqu’au 28 date à laquelle il a appris son affectation au bataillon de l’intendance. Après donc avoir rejoint son nouveau corps, il va revenir sur les faits qui se sont succédés jusqu’à son interpellation et son incarcération à la MACA.

Quand le capitaine se balade avec le coffre de la présidence

L’autre fait marquant de son interrogatoire, c’est bien sûr la perquisition faite où la somme de 126 millions 977 mille francs CFA a été retrouvée dans son véhicule. A en croire le prévenu, il s’agit du coffre de l’Etat major particulier de la présidence du Faso qu’il a ramené au bataillon de l’intendance pour rendre compte à sa hiérarchie du moment que le RSP a été dissout. Le parquet militaire après avoir écouté la narration de l’accusé va tenter de faire un lien entre la somme retrouvée dans le véhicule du capitaine et une somme de 160 millions de francs CFA que le colonel major Kéré a déclaré devant le juge d’instruction avoir reçu de la part du Général Diendéré et qui était destinée à encourager les éléments. Selon le procureur militaire, le colonel major a remis 75 millions au capitaine ; une déclaration qui sera réfutée par l’accusé. A l’en croire c’est plutôt à sa comptable que cet argent a été remis et cette dernière l’a confirmé lors de son audition a-t-il souligné. Il dit alors ne pas savoir si elle l’a reversé dans le coffre qu’elle détenait ou pas.

La hiérarchie militaire complice du coup d’Etat ?

Une question mérite d’être posée à la suite d’une observation faite par le capitane Seydou Gaston Ouédraogo ; c’est de savoir si la hiérarchie militaire a cautionné le putsch avant de se rétracter. En effet face aux tentatives du parquet de montrer qu’en effectuant la mission à Niangologo, le capitaine a soutenu le coup d’Etat ; ce dernier va relever qu’il était dans son bureau quand il a été appelé pour la mission. Mais avant, il va rappeler que le général Diendéré a déclaré aux premières heures des évènements qu’il avait le soutien de la hiérarchie militaire ; une déclaration que personne n’a démenti a-t-il soutenu. Il poursuit en indiquant que de la présidence, il a été envoyé à la base aérienne, qui n’est pas son corps où il a trouvé que tout était coordonné. A Niangologo, il a atterri sur un terrain sécurisé par la gendarmerie burkinabè ; ce qui lui fait douter de l’innocence des hauts gradés. Il se pose alors la question de savoir : « c’est parce qu’ils sont forts qu’ils ne sont pas inquiétés et que ce sont les subordonnés qui sont jugés ? ».

L’on espère avoir une réponse à cette interrogation à la fin de l’interrogatoire du capitaine qui va se poursuivre le lundi 17 septembre.

Thierry KABORE (Collaborateur)

Bernard HIEN

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