Oui, la renaissance de l’Afrique au 22ème siècle est possible avec des africains convaincus, audacieux et persévérants au 21ème siècle
« Vous ne pouvez pas empêcher les oiseaux de la tristesse de voler au-dessus de vos têtes, mais vous pouvez les empêcher de faire leur nid dans vos cheveux. » L’Afrique actuelle refuse de s’approprier ce proverbe chinois. Elle peine à s’affranchir des peuples, des maux et des mots qui la tiennent en étau depuis des siècles. De tout temps ou presque, elle a été comme une charogne que se disputent les autres, ces ‘‘oiseaux de la tristesse’’ qui ne cessent de faire leur nid aussi bien dans les cheveux que dans les entrailles du continent noir. Ce n’est un secret pour personne que l’Europe par exemple, s’est enrichie et s’est construite pour l’essentiel en exploitant l’Afrique. Le contact/choc entre les deux continents est marqué respectivement du sceau de la tristesse pour l’Afrique, et du sceau de la prospérité pour l’Europe. Comme le disait le Pr Ki-Zerbo, « Toutes ces techniques du mépris procèdent d’un système de pensée tendant à réduire les nègres au rôle d’outils, à les traiter comme un simple « élément du paysage ». Cette révoltante réalité crève les yeux et, malheureusement, résiste au temps.Notre continent est celui qui a connu et qui connait encore toutes les formes d’exploitation, de maltraitance et d’humiliation. Déshumanisés, ferrés, exploités plus que quiconque, tués et maintenant traités de merde, les africains ont probablement fini par se convaincre qu’ils ont commis un péché irritant le destin-vengeur. Le continent noir semble s’être résigné à accepter que ‘‘les oiseaux de la tristesse construisent leur nid’’ dans ses cheveux.
Oui, l’Afrique du 21ème siècle plus que celle des siècles passés, est responsable de ses malheurs. En refusant de croire en elle-même, elle se maintient dans des liens et s’interdit de repousser les limites de sa liberté. L’Afrique du 21ème siècle manque d’initiative, de volonté, de confiance en elle-même et d’audace. Faut-il conclure pour autant que notre longue souffrance a fini par nous convaincre que nous sommes effectivement moins que les autres ? Jamais, puisque nous appartenons aussi (nous n’aimons pas le mot, mais employons-le quand même) comme et au même titre que les autres, à l’unique race qui a existé et qui existe encore sur la terre : la race humaine. Mais à la différence des autres, notre problème c’est nous-mêmes. En refusant de nous assumer, d’assumer et d’exploiter cette réalité que le destin nous a imposé dans la douleur, en refusant d’exploiter cette ‘‘heureuse malchance’’ d’avoir une double culture, c’est-à-dire d’être riches de nous-mêmes et des autres, y compris de ceux qui peinent à reconnaitre notre humanité, nous confirmons et renforçons notre choix de continent et de peuples dominés. Il est temps de prendre conscience réellement de cet inadmissible rôle d’instrument que l’on fait jouer au continent noir depuis des siècles. Il est temps de se convaincre que le monde en construction en ce début de 21ème siècle, sera plus impitoyable que tout autre à l’égard de l’Afrique si celle-ci refuse d’avoir son propre rêve, sa propre vision et l’audace de les réaliser. Il est temps pour l’Afrique de se convaincre que tout est possible et que rien n’est impossible pour elle qui a tout ou presque pour s’épanouir : les ressources humaines et naturelles nécessaires. S’impose alors à l’Afrique plus que jamais, l’impérieux devoir de croire en elle, l’incontournable volonté et l’audace de s’affranchir de cette sujétion millénaire. Il le faut. La génération actuelle d’africains se doit d’engager l’inévitable, le titanesque et long combat pour la renaissance du continent et de l’homme noir. Elle doit préparer, non pas la revanche, mais le retour dans le concert des nations de l’Afrique et de l’homme africain au 22ème siècle. Ce n’est qu’en luttant, pas seulement pour elle-même, mais surtout pour la postérité, que la génération actuelle d’africains va réhabiliter le continent et l’homme noir. Revenons à nous-mêmes afin de trouver notre voie, celle qui nous permettra de nous réaliser. « Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre
entendement ! » disait le philosophe KANT. Et si l’on convient que l’éducation est la matrice de tout progrès humain et social, commençons par construire une école inspirée et portée par nos cultures, articulée avec nos réalités, la seule école capable de traduire, d’incarner, de porter nos plus hautes aspirations et de nous permettre de les réaliser. De ce point de vue, nos langues doivent être objet et moyen d’apprentissage. Elles ne doivent plus être les indésirables mais les reines dans et de nos écoles. Il ne s’agit pas de rejeter celles qui nous sont imposées actuellement, mais de leur réserver la place qu’elles méritent : les supplétifs de nos langues. Tout le nœud du problème est là, dans l’éducation, dans cette éducation négationniste de nos valeurs, dans cette éducation qui nous éloigne de nous-mêmes, qui confirme et renforce la domination des autres sur nous. Ayons à l’esprit que même en Europe, chaque pays éduque à travers sa ou ses langues tout en restant ouvert aux autres. Nous aimons copier les autres en particulier l’occident mais en général de façon maladroite. Pour une fois, faisons comme eux : nos langues d’abord. Ainsi, les exigences des échanges obligeront le reste du monde à étudier finalement et aussi nos langues. Arrêtons de torturer nos enfants et de limiter/d’empêcher l’éclosion/l’expression de leurs potentiels/talents/génies avec cette approche qui ne sert à terme qu’aux autres, les mêmes. Nous persistons à faire des langues avec lesquelles nos enfants n’ont rien à voir objet et moyen d’apprentissage. Osons la rupture et dans 100 ans, l’histoire réhabilitera l’Afrique. Osons cette rupture dans tous les domaines : éducation, santé, sécurité alimentaire, sécurité de nos Etats et de nos populations. Libérons-nous de cette aide avilissante. Personne ni aucun peuple ne peut amorcer un développement quelconque dans la dépendance. Le président Ghanéen, NANA Akufu Addo l’a exprimé assez clairement en nous invitant à mettre fin au mode de financement actuel de l’éducation en Afrique. Tant que ce sont les autres qui vont financer l’éducation, la santé, la sécurité…en Afrique, notre aliénation ne fera que se renforcer, se pérenniser. Pour nous développer, il faut compter sur nous-mêmes et nous répartir les responsabilités. Pour un pays comme le Burkina Faso par exemple, si nous parvenons à faire en sorte que chaque commune, au-delà de ce qu’elle produit déjà, excelle dans une production de son choix et en fonction de ses potentialités, en dix ans, nous modifierons les rapports que les autres entretiennent avec nous. Trouvons un système/moyen autonome de financement de la recherche dans tous les domaines : militaires, agriculture, éducation, élevage, médecine…Il est possible que nos armées cessent d’être des supplétifs d’armées européennes pour notre sécurisation. Même s’il faut pour cela que les populations soient organisées et encadrées pour être les supplétifs de nos armées dans tous nos pays. Oui, c’est possible. Nous sommes capables de développer notre agriculture, notre élevage, nos moyens/dispositifs de défense et de sécurité, nos systèmes éducatifs et de santé. Parce que c’est l’homme qui est la source et le plus puissant facteur du développement, du changement. Et nous sommes des humains au même titre que les autres, capables comme les autres de refuser que ‘‘les oiseaux de la tristesse’’ construisent leur nid dans nos cheveux. Il suffit de croire, d’oser et surtout de commencer et de persévérer afin de détruire pour toujours ce « Développement aussi d’une conscience humiliée et malheureuse chez des peuples réduits à être des matériaux au sens fort du terme pour la prospérité d’autres peuples. » décrit par le Pr Joseph KI-ZERBO.
Boubacar ELHADJI
Inspecteur de l’Enseignement du 1er Degré à Dori
Tél :70 10 05 50/78 64