En avril, 03 européens, deux journalistes espagnols, accompagnés par un militant écologiste irlandais, ont été tués dans la région de l’Est alors qu’ils réalisaient un documentaire sur la lutte contre le braconnage dans cette partie du pays. Les circonstances exactes de leur mort ne sont pas encore élucidées. Mais la piste des braconniers et narcotrafiquants n’est pas à exclure. Certains endroits de la région de l’Est en sont en effet devenus des sanctuaires. Aujourd’hui, au sahel, braconnage et terrorisme font bon ménage. Le premier alimente le deuxième en ressources de toute sorte pour semer la terreur. C’est une autre dimension à prendre en compte dans les stratégies de lutte anti-terroriste car l’ivoire est désormais surnommé « l’or blanc du djihad »…
Nous l’avons déjà écrit. La perméabilité des frontières de la région de l’Est avec les pays voisins en a fait, historiquement, une zone de contrebande où les échanges informels jouent un rôle crucial dans l’économie locale et font vivre nombre d’habitants. L’Est du Burkina Faso sert ainsi d’interface entre la zone sahélienne et les façades maritimes du Bénin, du Ghana et du Togo. Cigarettes, carburant, ivoire, armes, stupéfiants ou simples biens de consommation quotidiens y circulent parfois hors de tout contrôle étatique.
Pendant de nombreuses années, la région a été marquée par la marginalisation socio-économique de certaines communautés et des jeunes générations du fait d’une grande compétition pour l’accès aux ressources foncières et naturelles. Les terroristes vont surfer sur cette vague. Ils vont alors proposer de venir en aide à ceux qui les rejoindront dans leur opposition à l’État central, tenu pour responsable de leur situation.
Avec ses grandes forêts difficiles d’accès, la région de l’Est du Burkina Faso constitue un sanctuaire stratégique pour les groupes terroristes. Ceux-ci ont su aussi habilement se saisir des revendications et des particularismes locaux pour s’implanter. Pour gagner l’approbation des populations dans l’Est, les premières mesures qu’ils ont instaurées ont consisté à rouvrir les zones de chasse et de pêche pour les habitants et à favoriser leurs activités informelles : orpaillage, braconnage ou trafic transfrontalier.
La région de l’Est abrite une partie du complexe WAP. Le complexe W-Arly-Pendjari, également appelé «complexe WAP», est un site naturel transfrontalier classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, situé au Bénin, au Burkina Faso et au Niger, et couvrant le parc national d’Arly au Burkina Faso, le parc national de la Pendjari au Bénin, le parc national du W, partagé par les trois pays (Niger, Bénin, Burkina Faso).
D’une superficie d’environ 3 100 000 ha, il est le plus important continuum d’écosystèmes terrestres, semi-aquatiques et aquatiques de la ceinture de la savane d’Afrique de l’Ouest. Il est caractérisé par une multitude de diversités biologiques, fauniques, floriques, d’écosystèmes et de sites culturels.
Le complexe, Pô-Nazinga-Sissili (PoNaSi, 355 700 ha), est situé à cheval sur les régions du Centre Sud et Centre-Ouest du Burkina Faso. Ce Complexe est, (avec le Complexe du WAP dans l’Est), une des dernières grandes zones d’écosystèmes forêts-savanes soudano-sahéliens réservée à la faune et la forêt au Burkina Faso. Il constitue le dernier continuum écologique d’importance du sud et abrite une grande diversité floristique, halieutique et faunique.
Il abrite des espèces emblématiques dont une des dernières populations d’éléphants encore conséquentes, de nombreux buffles et des antilopes diverses, différentes espèces de céphalophes,… Néanmoins, le complexe PoNaSi est fortement appauvri dans son ensemble et a perdu en diversité animale, notamment par l’absence de grands carnivores (lions, léopards).
Les menaces sur ces différents complexes sont intenses et croissantes: braconnage de subsistance (local) et braconnage commercial (transfrontalier), pâturage du bétail dans les aires protégées, déforestation et carbonisation, avancée fulgurante du front agricole, feux de brousse non maîtrisés, accaparement des terres cultivables par des investisseurs agricoles privés (entraînant des défrichements incontrôlés et la pollution des ressources naturelles par l’utilisation de pesticides et d’herbicides), activités minières illégales.
Avec la crise sécuritaire, les aires protégées sont des refuges prisés pour les criminels qui peuvent y établir des camps dans des zones reculées et bénéficient dès lors d’un accès sans limite aux ressources naturelles qu’ils peuvent utiliser pour financer leurs actions. Les enjeux de la lutte contre le braconnage sont énormes non seulement au Burkina Faso mais aussi dans l’ensemble de la sous-région.
Agir vite pour arrêter l’hécatombe
Que ce soit au Kenya, en Somalie, en Tanzanie ou encore au Cameroun et au Nigeria mais également au Mali, le trafic d’ivoire est devenu depuis quelques années une des principales sources de financements des groupes terroristes. Le commerce de l’ivoire avait été interdit en 1989, mais il a été partiellement rétabli plus tard à la demande de certains États d’Afrique australe qui entendaient pratiquer l’élevage et obtenir des quotas d’exportation. C’est dans cette faille que s’est engouffré le trafic illégal nourri par un braconnage croissant et une forte demande dominée par la Chine, le Japon et le Moyen-Orient. Environ 35 000 éléphants sont tués chaque année. Difficile dans ces conditions de garantir la survie de l’espèce.
D’après les Nations unies, 90% des éléphants tués sont abattus par des groupes armés près des zones de conflit. L’Armée du Seigneur en Ouganda, la milice Janjawid au Soudan, les groupes du nord du Mali, les Shebab de Somalie, Boko Haram au Nigeria ont financé leurs actions en abattant les éléphants pour vendre leurs défenses. Le trafic illégal d’ivoire rapporte plus de 20 milliards de dollars par an au plan mondial aux groupes qui le pratiquent. Les nouveaux braconniers, qu’on pourrait qualifier de « braconniers du XXIe siècle », ne se contentent pas de poser des pièges ou de tirer avec de simples fusils pour commettre leurs crimes. Ils utilisent désormais des armes de guerre (kalachnikov, fusils à visée nocturne, hélicoptères…), ce qui sous-entend des financements et une logistique considérables.
Les groupes terroristes ont établi des connexions avec des milieux mafieux pour mener des activités de trafics d’armes ou de drogue, de prostitution et de blanchiment d’argent, de trafics d’ivoire et de cornes de rhinocéros, entre autres. Comparé à des modes de financement plus classiques (beaucoup plus surveillés par les pays occidentaux), celui du braconnage organisé de la faune africaine est une aubaine pour cette « gangrène du XXIe siècle » qu’est le terrorisme. Il est peu risqué, car peu sanctionné, et rapporte gros. Pour contribuer à atténuer les effets du braconnage, il urge de renforcer la formation et l’équipement des éco-gardes, la surveillance aérienne, le renseignement, de renforcer la coopération entre les différents parcs et les FDS, …
Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur
Ouagadougou
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