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Mardi soir, dans la banlieue de Jaramana, à l’est de Damas, la fille d’Ilham, comme une foule d’habitants, était allée chercher un cadeau pour la fête des mères, célébrée mercredi en Syrie et dans le monde arabe.
A cette heure de grande affluence, une roquette s’est abattue sur une rue célèbre pour ses boutiques bon marché, tuant 35 personnes, en grande majorité des civils. Devant les rideaux de fer, peints aux couleurs du drapeau syrien, de larges étendues de sang sont visibles sur le trottoir couvert de débris.
Dans une salle de l’hôpital où ont été amenées les victimes, des corps sans vie sont déposés sur une vingtaine de lits, examinés par un médecin légiste. Il n’y a plus de place dans la morgue de l’établissement.
Toutes de noir vêtues, le visage à moitié dissimulé par un voile, des femmes ne peuvent retenir leurs pleurs, se serrant dans les bras en attendant de pouvoir confirmer la mort d’un proche.
Une vaste pièce du rez-de-chaussée accueille médecins et infirmiers qui soignent les blessés, au milieu d’une foule angoissée.
Ici, un homme à demi-nu, le corps couvert de compresses tachées de sang, pendant qu’on soigne ses plaies. Ses proches gardent les yeux rivés sur les mains du docteur qui s’active. Plus loin, un garçon squelettique en survêtement rouge, le crâne et le genou enroulé par des bandelettes.
Les cris d’un bébé retentissent. Un papa tente d’immobiliser son enfant, tandis que le médecin lui fait des points de suture.
– ‘J’ai perdu ma jambe’ –
Alors que l’armée syrienne poursuit une offensive meurtrière contre l’enclave rebelle dans la Ghouta orientale, dernier bastion insurgé aux portes de la capitale, les combattants acculés tirent obus et roquettes sur Damas.
Le tir des rebelles de mardi est le plus meurtrier sur la capitale syrienne depuis le début du conflit, dans un pays ravagé depuis 2011 par une guerre qui a fait plus de 350.000 morts.
Oum Hachem était en train de faire des courses avec son fils et sa fille quand la roquette s’est abattue sur le marché. Elle a été amputée de la jambe, et elle ne retrouve plus ses enfants.
« On était devant une pâtisserie, la roquette est tombée, Dieu ne leur pardonnera pas », tonne la femme, ses propos entrecoupés par ses cris.
« J’ai perdu ma jambe, je n’ai plus de jambe », continue-t-elle, se souvenant de ce que son fils lui avait confié, quelques instants seulement avant le drame: « je veux te gâter pour la fête des mères ».
Emad el-Din Massoud ne peut contenir sa colère alors qu’il fait les cent pas. Il était au marché avec son petit-fils qu’il n’avait pas vu depuis un an.
« C’est maintenant un corps sans vie », hurle-t-il. « Ma femme et mon fils sont en salle d’opération. La situation est critique ».
La roquette est tombée près d’un barrage de contrôle de l’armée, selon des habitants. Un des soldats traîne à l’hôpital, où il est venu transporter des victimes.
« Il y avait le corps d’une fille, elle avait à ses côtés un téléphone portable. On a fait tous les numéros, jusqu’à ce qu’on réussisse à joindre son frère. On lui a raconté ce qui s’est passé », lâche-t-il.
Dans un coin, Oum Fahd, soixante ans, laisse libre cours à ses sanglots, pleurant la perte de sa nièce.
« Sa famille m’a appelé pour me demander si elle était chez moi, j’ai dit non et la douleur a ravagé mon cœur », lâche-t-elle.