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Situation en Côte d’Ivoire : Abdoul Karim Sango appelle le peuple ivoirien à un sursaut patriotique !

 Ceci est un écrit de l’ex ministre de la culture du Burkina Faso Abdoul Karim Sango paru dans la presse en 2017.  04 ans après, le contenu est toujours digne d’intérêt sur la situation en Côte d’Ivoire.

 Chers frères ivoiriens, au moment où se déroule le VIème Traite d’Amitié et de Coopération (TAC) Burkina Faso- Côte d’Ivoire, je me permets une intrusion dans vos querelles, cela au moins pour deux raisons. En effet, je me sens concerné à titre personnel par tous les événements qui affectent la Côte d’Ivoire étant moi-même né sur cette terre d’Eburnie et y ayant effectué tout mon parcours scolaire et secondaire. Mais au-delà de cette considération subjective et très personnelle, il y en a une autre plus objective.

La Cote d’Ivoire et le Burkina Faso sont deux pays liés par l’histoire et la géographie. Le président Gbagbo avait trouvé la bonne formule et je le cite  » la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, c’est comme une chambre et son salon ». Cela n’est pas une simple clause d’humour comme l’ancien président en avait seul le secret ! La Côte d’Ivoire c’est le moteur économique de la zone Uemoa, mais ce pays est capital pour l’équilibre de la CEDEAO, voire du continent.

La Côte d’Ivoire c’est le continent africain en miniature. Vous comprendrez que les intellectuels africains qui ont encore à cœur le projet panafricain de Kwamé Nkrumah et qui font l’effort d’être honnêtes intellectuellement ne doivent pas assister comme de simples spectateurs à ce qui se déroule dans ce pays. Un intellectuel c’est celui-là qui est capable d’analyser de façon objective une situation en anticipant sur les conséquences qui peuvent en découler. Sartre disait qu’un intellectuel c’est celui qui se mêle de ce qui ne le regarde pas.

Acceptez chers frères ivoiriens que j’apporte une modeste contribution dans la recherche de solution au péril ivoirien. Je ne reviendrai pas sur toute l’histoire de ce pays. J’en n’ai pas les compétences et ce n’est pas l’objet de mon propos. Cette histoire elle est plus ou moins connue depuis le génocide des guebie jusqu’à l’histoire récente. Mais un seul enseignement doit être tiré de tout cela. Rien de durable ne peut se construire sur du faux, sur la ruse. Nul ne sera jamais assez fort par les armes et par la brutalité sinon les occidentaux qui nous dominent aujourd’hui n’auraient pas inventé le mot paix et créé l’ONU et toutes les chartes sur les droits fondamentaux.

Si les ivoiriens ne font pas l’effort d’un sursaut patriotique, ils détruiront leur si belle nation. Même le bon Dieu si miséricordieux ne pourra rien y faire. Le problème n’est pas de chasser Ouattara et de le remplacer par quelqu’un d’autre. Dans tous les cas, Ouattara devra partir à la fin de son dernier mandat en application des dispositions constitutionnelles. Bédié a remplacé Houphouët ; Guei a remplacé Bédié ; Gbagbo a remplacé Guei ; Ouattara a remplacé Gbagbo. Dites-moi gens intelligents, qu’est ce qui a fondamentalement changé dans ce pays ! Sauf que de nouvelles personnes proches des différents pouvoirs se sont enrichis indûment ! Le vrai peuple lui est toujours pauvre et extrêmement pauvre.

Depuis quelques mois, des jeunes mutins instrumentalisés comme de coutume en Afrique, mettent à mal la stabilité de ce pays. Et nous assistons tous impuissamment à cette dérive, chacun croyant profiter de cette crise. Toutes les personnes qui s’agitent à travers les jeunes mutins sont les premiers ennemis de la Cote d’Ivoire. Mais ce sont les mêmes mutins qui retourneront les armes contre elles si par extraordinaire, elles parvenaient à leur fin. Ces trois dernières années, Lors de mes séjours en Côte d’Ivoire, j’en revenais toujours un peu triste. Inlassablement je répétais à mes amis et frères, vous allez droit dans le mur. Ceux qui étaient lucides, partageaient la même conviction. Alpha Blondy a chanté  » de vengeance en vengeance, ils ont perpétué la bêtise « . Ce texte devrait être réécouté, analysé par les politologues et autres spécialistes de la gouvernance africaine et enseigné dans nos facultés. Cette chanson vaut mieux que mille thèses. Hélas, personne n’entend ces mots et l’histoire se répète de façon tragique en Afrique !

Voyez-vous, le sens critique a disparu de l’espace public ivoirien pour faire place à la critique partisane ou ethnique. Dans des colloques au plan international ou régional, j’ai souvent interpellé d’éminents intellectuels ivoiriens, juristes pour la plupart sur l’avenir de leur pays, je fus sidéré par leurs réponses. Je me garde de les citer pour ne pas les mettre mal à l’aise. Il y en a qui m’ont dit,  » Sango laisse nous avec tes questions-là, nous on veut retourner tranquilles à Abidjan  » ! Quand la pensée critique disparaît dans une société, cette société se sclérose et se meurt à petit feu. C’est connu dans l’histoire de tous les peuples.

Mais il y a un temps pour tout comme l’écrit l’Ecclésiaste. Un temps pour faire la guerre, un temps pour faire la paix ! Un temps pour haïr, un temps pour aimer ! Un temps pour détruire, un temps pour construire ! Je ne veux pas être long, face à ce qui se dessine comme l’avenir de ce pays. Toutes les prédictions sont apocalyptiques. Il y a quelques mois, un fonctionnaire des nations unies est venu échanger avec moi sur des problématiques qui touchent affectent la sous région.

Évidemment, j’en ai profité pour l’interroger sur ce qui se passe en Côte d’Ivoire. Il m’a dit que l’avenir est plein d’incertitudes pour ce pays. Je lui ai dit qu’est-ce que les nations unies attendaient pour anticiper sur la prochaine crise. Sa réponse m’a plus que intrigué. Je vous la résume,  » monsieur Sango on voit tous venir la chose mais on ne peut rien faire « . Ceci dit, moi j’ai la prétention de penser qu’une seule chose peut encore sauver la Côte d’Ivoire : c’est ce que j’ai appelé le sursaut patriotique. Au moment où on assiste à la fin politique d’une vieille génération, il est impératif qu’ensemble l’ancienne et la nouvelle classe politique acceptent refonder les bases de la nouvelle Côte d’Ivoire en mettant en place des institutions fortes.

Il est temps pour le président Ouattara de porter les habits du père de la nouvelle nation ivoirienne en se mettant au-dessus des intérêts d’un clan. Excellence, toute l’histoire de l’humanité nous enseigne que les courtisans ont toujours perdu le Roi ! Écoutez votre peuple, le vrai, pas celui des courtisans ! Faites comme ce Roi de France qui se déguisait pour aller entendre les lamentations du vrai peuple.

Quand vous le ferez, vous comprendrez qu’il n’y a qu’un seul peuple, celui des démunis et qui n’a aucune ethnie, ni religion. Et c’est pour ce peuple que vous devez rebâtir votre nation. J’ai conscience que ce n’est pas toujours facile mais ceux qui marquent durablement l’histoire des peuples sont ceux-là mêmes qui sont capables de ramer contre les courants de leur propre camp. Demain on oubliera vos ponts et autoroutes, une seule chose vous fera rentrer dans l’histoire, votre engagement personnel à réconcilier votre peuple avec la nation ivoirienne.

Hier Abraham Lincoln l’a fait pour les États unis ; Mandela aussi l’a fait pour la nation arc-en-ciel. Je ne vous apprends rien sur l’histoire de ces deux personnalités et celle de leur peuple. Vos conseillers pourraient vous dire plus et mieux s’ils en ont l’honnêteté. Après toutes les tergiversations de la CPI, il convient aujourd’hui que la communauté internationale obtienne la libération de Gbagbo. Ce fut une grande erreur que de l’avoir transféré. Ce n’est pas tard pour arranger les choses.

Il constitue une des solutions au péril ivoirien. Il n’y a pas un seul ivoirien qui peut le contester. Ouattara, Bédié et Gbagbo doivent accepter demander pardon à la jeunesse et au peuple ivoirien qu’ils ont pris en otage depuis la mort du vieux Houphouët-Boigny. Et le sermon de l’Iman Diakite à l’occasion de la fête de ramadan qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux peut constituer une très bonne base pour la reconstruction politique de la nation ivoirienne.

Dieu sauve la Côte d’Ivoire !

Abdoul Karim SANGO
Juriste, enseignant de droit public à l’Enam
Analyste politique

Bernard HIEN

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