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La crise sécuritaire au Sahel, où trouve-t-elle son origine et quels en sont les ressorts structurels, selon vous ?
La région du Sahel, sous le poids d’une menace sécuritaire très préoccupante, vit une période de drames sans précédent. De toute évidence, il est plus aisé de décrire cette situation en termes de conséquences et de bilans mais très complexe à déceler quand il s’agit des causes ou des tenants et aboutissants. C’est une menace qui a évolué en ceinturant progressivement les régions septentrionales de notre pays et les efforts déployés pour l’endiguer laissent voir des résultats encore mitigés.
Ce que d’aucuns appellent une hydre terroriste, a-t-elle, une origine lointaine ou récente ? Faut-il y voir une dimension géostratégique ou bien faut-il la circonscrire localement ? Les enjeux sont-ils d’ordre politique, religieux, ethnique ou économique ? Une chose qui semble sûre c’est que nous sommes en face d’un péril transfrontalier (Mali, Niger et Burkina) qui nous a été envoyé par des forces étrangères, mais comment son intrusion s’est-elle opérée dans le tissu social local ; inutile d’occulter une certaine vérité quand les faits sont têtus. Ces faits sont largement décrits dans des études diagnostiques réalisées sur les ressorts structurels de la crise sécuritaire au Sahel burkinabè, ACODEV a eu l’occasion de participer à certaines analyses de situations et vous livre ces principaux éléments de constatation sans être exhaustif:
Au nombre des faits qui incriminent l’Etat, il ressort l’absence décriée de patrouilles militaires ou policières pour la surveillance et la défense de notre espace territorial, dès l’instant où les premiers mouvements suspects et le développement de trafics de tout genre ont été signalés à nos frontières par les populations et les autorités locales. C’est assurément par l’entremise de ces mouvements transfrontaliers incontrôlés que des connections malsaines se sont établies entre des populations locales et des groupes armés terroristes ou des extrémistes religieux, des répondants ont été identifiés localement, ensuite formés idéologiquement et militairement, tout cela facilité naturellement par des signes religieux ou linguistiques communs.
Un autre fait non moins important, c’est qu’en termes de gouvernance basée sur les droits humains, l’Etat et ses représentants au niveau déconcentré, ainsi que les acteurs et les institutions issus de la décentralisation, ne se sont pas illustrés de façon satisfaisante auprès des populations. Cette sensation éprouvée d’abus, de privations, de mépris et de culture de l’impunité a manifestement entrainé un désenchantement qu’on a étonnement laissé s’exacerber au fil des ans, rendant des citoyens désormais perméables à des discours qui incitent à la défiance voire au rejet de l’autorité et des symboles de l’Etat, au repli identitaire et à la radicalisation.
Aussi, le faible taux d’éducation scolaire et d’alphabétisation est un élément majeur qui limite les capacités de nos populations locales à comprendre les enjeux ou motivations réelles de la menace terroriste et à s’en distancier. Enfin, il faut compter avec cette réalité que ces zones font face de plus en plus à une adversité climatique qui a créé une diminution considérable des ressources naturelles, au point que l’accès et la gestion de ces ressources soit devenue une source potentielle de conflits communautaires. De ce fait, la moindre étincelle suffit pour déclencher l’implosion d’une situation déjà précaire.
L’insécurité fait quotidiennement parler d’elle au Sahel et semble s’étendre à d’autres parties du pays, qu’est-ce que votre structure recommande aux citoyens burkinabè ?
La raison nous ordonne bien d’aller toujours même chemin, dès que notre pays se trouve agressé ou atteint dans son intégrité et ses fondements républicains. Donc, il est tout à fait de bon sens pour ACODEV d’associer sa voix à l’appel pour l’union sacrée des forces vives nationales face à la menace terroriste, chacun de nous se doit de porter le Burkina dans son cœur et d’accentuer en chacun de ses gestes le pouvoir de contribuer à l’effort de sécurisation et de maintien de la cohésion sociale. On n’est pas un peuple impuissant face à l’ennemi, quand bien même il faut regretter qu’une certaine réalité sociopolitique qui a prévalu ces trente dernières années ait fortement émoussé l’enthousiasme patriotique des burkinabè.
Qu’à cela ne tienne, face à l’urgence de s’unir pour défendre la patrie, il faut vite recoller les morceaux, ressouder les liens, et aller en rangs serrés. C’est précisément à ce niveau que l’action de l’autorité publique et politique doit être déterminante pour rétablir la confiance et aplanir les divergences d’opinions et d’engagements sur les questions d’intérêt vital pour la nation. Les appels isolés et de plus en plus pressants à la résistance populaire et à l’autodéfense pourraient produire des effets extrêmement pernicieux et précipiter vers un délitement plus accentué du tissu social national si l’autorité de l’Etat ne recouvre pas sa crédibilité en imprimant fermement son leadership dans la conduite des opérations de sécurité et de défense contre les forces du mal.
Quels sont les remèdes préconisés par votre organisation sur la question du terrorisme ?
Il serait prétentieux, quel que soient les précautions prises pour voir loin, voir large et voir profond, de réussir d’un coup de baguette magique une thérapie de choc contre un mal qui n’a pas encore fini de nous livrer ses multiples manifestations, pour lesquelles tout le monde s’accorde à s’en imprégner davantage et prudemment. Toutefois, ACODEV n’est pas en marge des réflexions et autres initiatives engagées çà et là, en réponse à cette crise sécuritaire qui s’est muée, dans certains endroits du pays, en des tensions et affrontements communautaires fissurant le toit de notre case commune, le Burkina Faso et laissant planer le spectre des clivages identitaires.
Face à des telles épreuves, ACODEV, en tant qu’organisation à base communautaire, envisage inscrire son action dans une perspective sociétale qui fait valoir notre identité nationale commune, tout en apportant de la modération dans l’affirmation sociale de ce qui nous différencie. Notre initiative dénommée « GOONDAL-TILAÏ », se veut une plateforme de dialogue citoyen qui appelle à agir maintenant et agir tous ensemble afin que se perpétue notre tradition de vivre-ensemble en paix et dans la concorde. (Goondal en fulfuldé signifie vivre-ensemble, Tilaï en mooré veut dire obligation). GOONDAL-TILAÏ vise à promouvoir les principes et valeurs essentiels au raffermissement des relations humaines au sein de nos communautés et dans notre société en général pour une coexistence humaine pacifique.
ACODEV est disposée à se mettre en consortium avec toute autre organisation désireuse d’adhérer à l’initiative, la seule condition étant son engagement moral et éthique à défendre et à promouvoir des liens de fraternité et de solidarité entre tous les individus et toutes les communautés qui composent la société burkinabè. Déjà, nous envisageons procéder à l’identification des personnes ressources d’influence et de consensus issues des milieux laïcs et confessionnels, universitaire, culturel, artistique et sportif aussi bien au niveau local que national pour constituer un pool de leaders et de promoteurs « Goondal-Tilaï ». Ces leaders vont accompagner techniquement cette initiative d’éducation et de communication sociale afin de contribuer à l’émergence d’une génération d’hommes et de femmes, enclins à la culture d’un vivre-ensemble en paix.
Le Burkina Faso arrivera-t-il à contenir la menace terroriste avec cette recrudescence des attaques ?
Assurément oui, et nous avons mille raisons pour espérer, nulle part dans le monde on n’a assisté au triomphe des forces du mal. Le Burkina ne courbera pas l’échine, ce n’est ni à l’honneur de son peuple ni à l’honneur de son histoire. Le Camarade Président Thomas Sankara nous a défendu d’être un peuple de vaincus « oser lutter, savoir vaincre ». Certes, nous sommes très éprouvés, et ce n’est pas demain la veille que cela va changer, mais nous sommes condamnés à rester débout, à être résilients et agir de façon unie et solidaire pour mettre fin à cette tragédie. Il reste bien entendu qu’avec les échéances électorales qui se profilent, le langage et l’action politiques qui seront servis liés aux enjeux de la conquête du pouvoir pourraient être d’une certaine nuisance à la dynamique de mobilisation populaire pour contrer l’ennemi qui s’en trouverait ragaillardi.
Entretien réalisé par Ali Sanfo
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Tout est si bien dit... Bon vent à ACODEV et plein succès à l'initiative « Goondal-Tilaï ».