Les terroristes ont franchi un nouveau palier dans l’horreur. Le grand imam de Djibo, président de la communauté musulmane du Soum, Souaibou Cissé, enlevé le 11 août à Gaskindé par des hommes armés, a été assassiné le 15 août dans le village de Tilleré. C’est un coup dur. Mais le combat contre les forces obscurantistes doit se poursuivre. Avec plus d’entrain et d’opiniâtreté.
Le grand imam de Djibo était connu comme pratiquant d’un islam modéré. Prônant la tolérance, il œuvrait depuis des années au dialogue interreligieux, au rapprochement entre chrétiens et musulmans. Les ravisseurs du guide religieux ont intercepté le car dans lequel il regagnait Djibo, après un séjour à Ouagadougou. Président de la communauté musulmane de Djibo, Souaibou Cissé, 73 ans, faisait partie de ceux qui avaient refusé de quitter la ville malgré les menaces. Ses proches indiquent qu’il avait à plusieurs reprises échappé à des attaques, notamment contre son domicile.
L’enlèvement du vieil imam a eu lieu à Gaskindé entre Namsiguia et Djibo. Entre ces deux localités, il y a exactement 36 kilomètres. Les terroristes se sont emparés de ce tronçon pour y semer mort et désolation. Lors d’une visite en mi-juin à Djibo, le Président Roch Kaboré avait promis le retour des forces de sécurité dans cette ville en proie à de régulières attaques terroristes. Selon des sources sécuritaires, la dynamique est enclenchée. Cet énième assassinat ciblé devrait donner un coup d’accélérateur au processus. Il faut impérativement une opération reconquête de Djibo. Il est inadmissible que des terroristes puissent ainsi opérer en toute impunité sur une portion du territoire burkinabè. Situé à 200 kilomètres de Ouagadougou et partageant ses frontières avec le Mali et le Niger, Djibo est d’un intérêt stratégique pour le Burkina Faso.
La digue ne doit point céder. Même si l’assassinat du guide religieux n’a pas encore été revendiqué, tous les regards se dirigent vers le groupe Ansaroul Islam, fondé par le burkinabè Malam Dicko (donné pour mort depuis 2017). L’iman Souaibou Cissé était opposé aux méthodes et à l’idéologie de ce groupe qui se fait véritablement connaître lors d’un règlement de comptes intervenu en son sein dans la nuit du 12 au 13 novembre 2016. A Djibo, Amidou Tamboura, imam de la localité de Tongomayel (région du Sahel), qui avait pris ses distances avec Malam Dicko est assassiné. Ansarul Islam est pointé du doigt. Ansaroul Islam a également revendiqué l’attaque de Nassoumbou (Soum) qui avait tué douze militaires burkinabè en décembre 2017.
Face à la recrudescence des attaques au nord, sur la base des renseignements, le ministère de la défense avait lancé l’opération militaire « Séguéré » en novembre 2016 qui avait permis de neutraliser de nombreux terroristes. Aujourd’hui, au regard de la dégradation de la situation, il faut une réaction militaire plus vigoureuse pour restaurer durablement la paix et la stabilité à Djibo. Au-delà de la réponse militaire, il faut aussi aborder la problématique du terrorisme à Djibo sous l’angle socio-anthropologique. Djibo est en effet victime des méfaits de ses propres fils. Comment ceux-ci en sont arrivés à cette extrémité ? Comment amener les uns et les autres à s’engager dans un dialogue fécond pour l’acceptation mutuelle ? La société djibolaise doit être reconstruite sur de nouvelles fondations. Les leaders politiques coutumiers et religieux devront jouer un rôle déterminant pour parvenir à cette finalité.
L’œuvre de l’imam Souaibou Cissé, du maire Amadou Dicko et de toutes les personnes qui ont été injustement tuées par les terroristes doit se poursuivre. Ils sont morts en martyrs pour que les fils et filles de Djibo vivent dans la liberté et la dignité. Pour leur rendre hommage, les terroristes doivent être mis hors d’état de nuire. Djibo ne tombera pas dans l’escarcelle terroriste. Les Djibolais ne s’apitoieront pas sur leur sort. En bonne intelligence avec les FDS, les VDP, les autorités morales et politiques, ils viendront à bout du terrorisme. La bravoure des peuples se révèle dans l’adversité. Les Djibolais doivent en donner les preuves au monde entier. Ils en ont les capacités. Ils en ont l’entregent.
Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur
Ouagadougou
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