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Le 08 mars 2020, 43 personnes ont été tuées par des hommes armés non identifiés dans les villages de Dinguela, Barga et Ramdolah dans la région du Nord. Le 14 mars dernier, à la suite d’autres individus et structures, le collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) est monté au créneau pour dénoncer ce qu’il qualifie « d’épuration ethnique » dont les peulhs seraient victimes. Dans le même temps, il accuse formellement les groupes d’autodéfense (koglweogo) d’être les auteurs de ces atrocités. Le rubicond est franchi.
Dans cette guerre sans merci engagée par le Burkina Faso contre un ennemi invisible et malicieux, les accusations sans preuves tangibles ne font qu’exacerber les clivages entre communautés et apporter de l’eau au moulin des terroristes. Dans ce pays, le terrorisme n’est l’apanage d’aucune ethnie. En plus, les terroristes tuent sans distinction. Aucune ethnie ne peut alors estimer qu’elle est victime d’ostracisme ou de représailles parce qu’une certaine opinion trouverait qu’elle regorgerait de nombreux terroristes en son sein. De tels raisonnements conduisent inexorablement vers une désagrégation sociale avec toutes les conséquences qui peuvent en découler. Alors que les attaques terroristes ne baissent pas en intensité, les Burkinabè doivent éviter les discours incendiaires et œuvrer inlassablement à la cohésion sociale et à l’unité nationale.
La tuerie du 08 mars interpelle encore la justice sur ses responsabilités. Le mode opératoire, les témoignages, les armes utilisées, doivent être finement analysés et exploités afin d’identifier les auteurs et commanditaires de cet acte ignoble et inqualifiable. La mort de ces 43 personnes (pour ce qui est du bilan officiel) ne peut être passée en pertes et profits. La justice a suffisamment de matière pour faire rapidement la lumière sur ce crime crapuleux et permettre ainsi de taire toutes les polémiques qui mettent à mal le vivre ensemble.
Si la culpabilité des kogleweogo est établie au terme des enquêtes, ceux-ci doivent, sans état d’âme, subir la rigueur de la loi car nul n’a le droit de se faire justice dans un Etat de droit. Pour l’heure, les dénonciations reposent beaucoup plus sur des ressentiments personnels envers les groupes d’autodéfense ou sur des témoignages qui n’ont pas toujours fait la preuve de leur objectivité et de leur authenticité. Le climat général de suspicion aidant, pour être sous les feux de la rampe, beaucoup d’acteurs sont prêts à faire feu de tout bois.
Dans ce contexte, et au regard des dérives qui leur sont parfois attribuées, les koglweogo constituent de parfaits boucs émissaires. Il est évident que tous les koglweogo ne sont pas des enfants de cœur. Certains agissements ont écorné l’image de ces groupes d’autodéfense. Pour autant, il ne faut pas les vouer aux gémonies car ils jouent un important rôle, en tant qu’auxiliaires de sécurité, dans la lutte contre le banditisme, la grande criminalité et le terrorisme au Burkina Faso. De nombreuses localités du pays sont aujourd’hui fréquentables et paisibles grâce à l’action de ces groupes d’autodéfense. Appeler à leur dislocation n’est pas la meilleure alternative dans une guerre asymétrique. De nombreux pays se sont appuyés sur ce genre d’initiatives pour vaincre le terrorisme. Le Burkina Faso doit poursuivre dans sa dynamique tout en veillant au respect scrupuleux des droits humains et de l’ensemble des conventions internationales.
Ni peulh, ni mossi. Simplement Burkinabè !
L’action des groupes d’autodéfense est telle que les terroristes ou bandits de grand chemin, ne veulent point les voir prospérer. Ils s’adonnent alors à de véritables campagnes de dénigrement des koglweogo pour délégitimer leur action au plan national et international. Certains citoyens ou médias relaient parfois des fakenews sur les koglweogo contribuant ainsi à la campagne de diabolisation contre les koglweogo conçue dans certaines officines. Le 13 mars dernier, le CSC a auditionné Radio Oméga pour les « accusations péremptoires » à l’encontre des koglweogo diffusées sur ses ondes les 09 et 10 mars. Dans le contexte qui est le nôtre, la fin justifie les moyens. Combien de fois des terroristes ont perpétré des attaques contre d’innocentes populations en étant habillés de tenues militaires des FDS burkinabè ?
Sur le terrain actuellement, la coordination entre les FDS, les Koglweogo, les volontaires pour la défense de la patrie, permet, sur la base des judicieux renseignements, de neutraliser régulièrement des dizaines de terroristes. La méthode produit des résultats tangibles. Dans leur volonté de voir la machine s’enrayer, les terroristes sont parfaitement capables de se déguiser en koglweogo pour massacrer les populations afin de créer un sentiment anti-koglweogo dans certaines localités et surfer sur cette vague pour endoctriner et recruter de nouveaux adeptes. Il faut rester lucides dans l’appréciation des évènements.
Si le CISC dispose d’éléments compromettant contre les koglweogo et tous ceux qui en sont complices, il peut saisir les juridictions nationales et internationales pour que le droit soit dit. Accuser à tout va et dénoncer un « génocide systématique des peulhs » fait courir de graves dangers à la nation burkinabè. Malgré leur diversité, les Burkinabè ont toujours vécu en bonne intelligence depuis toujours. Les terroristes ne parviendront pas à dresser les ethnies les unes contre les autres. Le Burkina Faso est un et indivisible. Pour le demeurer, il faut ouvrir l’œil et le bon. Distinguer toujours la bonne graine de l’ivraie.
Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur
Ouagadougou