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Terrorisme : le G5 Sahel survivra-t-il à la mort de Deby ?

Au Sahel, la mort du président tchadien Idriss Déby rebat les cartes en matière de lutte contre le terrorisme. Le G5 Sahel devra très rapidement s’adapter à cette situation et se définir de nouvelles orientations d’autant plus que les groupes terroristes reprennent du poil de la bête ces derniers temps. Entre manque criard de moyens et attentisme, il urge pour le G5 Sahel de trouver la thérapie de choc pour préserver les personnes et les biens de la furie des groupes radicaux. Ce n’est pas gagné d’avance car la rivalité entre la France et la Russie en matière de présence militaire au Sahel s’exacerbe de jour en jour.

Profitant du décès brutal et inattendu de Idriss Déby et du retrait des troupe tchadiennes de certaines positions, les groupes terroristes se font le malin plaisir de s’en prendre violemment aux différents pays du G5 Sahel surtout ceux relevant de la région des trois frontières. C’est ainsi que le Burkina Faso, le Niger et le Mali ont tour à tour été attaqués. Des cibles molles et des cibles dures ont fait les frais de la déferlante terroriste. Le Burkina Faso qui enregistrait une relative accalmie a vu l’intensité de l’activité terroriste monter d’un cran.

Face à la recrudescence des attaques, l’armée nationale burkinabè a lancé une opération militaire d’envergure dans le Nord et le Sahel. Elle se nomme “Houné” ou “dignité” en langue fulfuldé. Les objectifs tactiques et opérationnels sont précis : “neutraliser les Groupes Armés Terroristes qui sévissent dans la zone“, “sécuriser et rassurer les populations” et “réaffirmer l’autorité de l’État”.

Le 10 mai, quelques jours après le lancement de l’opération, les unités avaient déjà réussi à neutraliser une vingtaine de terroristes, démanteler quatre de leurs bases et saisir du matériel militaire (armes et munitions). Des ripostes similaire se sont déroulées dans les autres pays du Sahel avec des fortunes diverses.

Des réformes en profondeur s’imposent

Aujourd’hui, l’évidence s’impose. La mort du président tchadien Idriss Déby est un coup dur pour le G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) , créé en 2014 pour répondre aux défis sécuritaires et de développement dans la région. Durant ses 30 années de règne, il a joué un rôle militaire prépondérant dans la lutte contre le terrorisme et pour la stabilisation de l’espace sahélo-saharien.

De par sa position, le Tchad est un rempart pour les États instables qui l’entourent (Libye, Soudan et Centrafrique). Ces pays frontaliers pourraient être affectés par une recrudescence des groupes armés, trafiquants et djihadistes, surtout que le Tchad est considéré comme un carrefour des tensions et une digue contre l’afflux des terroristes venant du Sahel vers la région du lac Tchad.

Dans une zone sahélienne caractérisée par l’instabilité politique et les menaces sécuritaires, le Tchad est perçu par Paris comme un verrou de stabilité essentiel au cœur de l’Afrique. Aujourd’hui, c’est depuis N’Djamena, la capitale du Tchad, qu’est centralisée et coordonnée la majeure partie des actions sur le terrain dans le cadre de la mission Barkhane. La capitale accueille aussi une des deux bases aériennes – la seconde se trouve à Niamey, au Niger – de l’opération.

Le Tchad est aussi l’un des piliers de la force conjointe du G5 Sahel. À lui seul, le pays fournit près d’un tiers des forces armées, 1 850 soldats sur les 6 000 déployés. Il est aussi le seul pays du G5 Sahel à avoir déployé un bataillon en dehors de ses frontières nationales, au Niger, dans la région dite des « trois frontières » réputée pour servir de refuge aux groupes terroristes sahéliens.

Idriss Deby n’hésitait pas à déployer ses hommes partout où il fallait pour casser du terroriste. La dynamique se poursuivra-t-elle avec son fils le général Mahamat Idriss Déby, actuel chef du Conseil militaire de transition (CMT ) ? Rien n’est moins sûr car le fils n’a pas l’expérience du père. En plus , le CMT fait face à de profondes contestations internes. Cette situation va rendre la gestion du pays encore plus complexe et pourrait avoir un impact direct sur la stabilité interne du Tchad.

Du coup, les dirigeants actuels du CMT seraient plus enclins à rechercher à assurer la stabilité, à préserver l’intégrité du Tchad et à mettre en œuvre un processus démocratique qu’à respecter d’hypothétiques engagements militaires dans la région. Le réajustement du dispositif sécuritaire des alliés du Tchad au Sahel est devenu nécessaire, en tenant compte que le Tchad vient de prendre la présidence du G5 Sahel, dont il est la pierre angulaire et le plus gros contributeur.

L’approche actuelle n’a pas jugulé la crise sécuritaire, qui continue de s’étendre dans de nouvelles zones. Parallèlement, la frustration des populations vis-à-vis des gouvernements sahéliens s’accentue, comme l’illustrent les troubles qui ont conduit au coup d’État au Mali et dont la transition est à nouveau mise à rude épreuve. La disparition d’Idriss Déby doit être l’occasion de repenser l’architecture de paix et de sécurité au Sahel dans un cadre plus équilibré, durable et approfondi. Il devient de moins en moins possible de faire reposer cette sécurité sur des alliances restreintes.

Au regard des défis de l’heure, le G5 Sahel doit être restructuré en profondeur. Qu’en est-il de son extension à des pays comme l’Algérie, le Sénégal, la Côte d’Ivoire ? Les États Africains doivent mieux s’assumer pour prendre leur destin en mains. Plus aucun pays n’est à l’abri. Cela dit, il faut demeurer lucide et ne pas se vendre au plus offrant dans une rivalité entre puissances occidentales dans laquelle les États africains jouent parfois le rôle de dindons de la farce.

Jérémie Yisso BATIONO

Enseignant Chercheur

Ouagadougou

nicolas bazie

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