[Tribune] Sennen Andriamirado et Thomas Sankara

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L’intellectuel burundais David Gakunzi rend ici hommage à Sennen Andriamirado, journaliste malgache et rédacteur en chef à Jeune Afrique qui aura contribué par sa plume à faire connaître au monde Thomas Sankara.

Tribune. Nous étions jeunes et nous lisions Jeune Afrique pour nous tenir informés de l’actualité africaine. Chaque nouveau numéro de l’hebdomadaire était un événement. Nous nous précipitions vers les kiosques à journaux et notre numéro fièrement acquis, payé, nous tournions de suite les pages les unes après les autres du journal, avides de découvrir et de dévorer les éditoriaux de Béchir Ben Yahmed.

Sous la plume du fondateur de l’hebdo continental, l’Afrique avançait, reculait, se fourvoyait, se relevait, s’inventait, se réinventait, se fermait, s’ouvrait, se déchirait, se recomposait, se perdait, se retrouvait. Et bien sûr, il y avait Sennen Andriamirado, l’Africain sans frontières de Madagascar, défrichant les réalités du terrain occultées, portant la plume partout où l’Afrique avait mal, racontant l’histoire immédiate d’un continent en construction et déconstruction.
Nous suivions Andriamirado à la trace, à la virgule près, d’une capitale à l’autre, d’une convulsion continentale à l’autre. Nous lisions ses récits, ses reportages et entretiens avec la curiosité de la jeunesse et, surtout, enchantés de suivre en temps réels, les nouvelles du capitaine impétueux de Ouaga. L’homme du Sahel à la répartie étonnante, star montante et déjà établie de la jeunesse du continent.
Sankara sauvagement assassiné

Et puis, il y eut le 15 octobre : Sankara, le messager de l’espoir, sauvagement assassiné. Au bout de quelques saisons de pouvoir, Sankara déjà abattu ! Le choc ! La tragédie. De Ouagadougou à Bujumbura, de Dakar à Addis, de Paris à New York, nous étions atterrés, désemparés, anéantis par une tristesse insondable. Nous étions dans le brouillard.

Et j’ai vu Sennen Andriamirado rongé par le chagrin ; lui aussi, catastrophé, déchiré, effondré. Mais très vite, l’instinct du reporter plus fort que le blues de l’ami perdu repris le dessus,et voilà Adriamirado sur la route de Ouagadougou habité par une seule obsession : enquêter, retrouver les survivants du carnage, établir le déroulement des faits, recouper les informations, rapporter les premiers éléments sur la tragédie du 15 octobre. De sa plume, le monde saura très vite pourquoi et comment Sankara avait été assassiné.
Les jours et les mois passaient ; on s’éloignait de ce jour de malheur du mois d’octobre de l’année 1987 qui n’en finissait pas de passer. Sennen avait beaucoup changé, il n’était plus le même : il avait perdu son sourire un brin insouciant. Il semblait inquiet, préoccupé : Mariam Sankara vivait sous la menace. Et s’il arrivait maintenant malheur à la veuve de son ami ?

La fidélité en amitié au-dessus de tout, Andriamirado remua ciel et terre, prit son téléphone, fit le voyage de Libreville pour rencontrer le président Omar Bongo, contacta Danielle Mitterrand. J’en fus témoin.

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