Le 21 décembre dernier, l’Assemblée Nationale a, à l’unanimité donné son quitus au gouvernement pour le déploiement de la vidéosurveillance dans les lieux stratégiques. C’est un pas de plus qui facilitera la lutte contre le terrorisme au Burkina Faso.
La vidéosurveillance ou vidéoprotection désigne le système conçu pour surveiller à distance un espace déterminé à l’aide de caméras. Toutes sortes d’équipements sont disponibles : caméra fixe, pivotante, miniaturisée, munie d’un zoom ou d’un intensification de lumière, etc. Les configurations techniques peuvent prendre les formes les plus diverses, de la caméra unique reliée à un moniteur et un magnétoscope, au poste de commande vidéo capable de visualiser les images de plusieurs dizaines de caméras différentes, voire, pour les habitants de résidences dites « sécurisées », les ressources de la domotique pour relier des caméras aux téléviseurs domestiques. La technologie a évolué ces dix dernières années, en particulier avec le passage de l’analogique au numérique qui a permis d’étendre les capacités de stockage et de traitement des images collectées.
L’initiative entérinée par les députés entre dans le cadre du projet Smart Burkina que le pays veut implémenter avec la République de Chine. Ce projet de 52 milliards de FCFA vise à améliorer la protection des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire national, à travers le déploiement de la vidéo-surveillance. Le projet prévoit la réalisation de 40 km de réseau métropolitain et le déploiement de 80 sites caméras à Bobo. Pour Ouagadougou, il est prévu la réalisation de 110 km de réseau métropolitain, le déploiement de 220 sites caméras de même que la construction d’un centre de commandement national. En plus de ces deux villes, certaines frontières et certains lieux stratégiques seront couverts. Smart Burkina est le prolongement du projet Safe City (ville sûre) qui vise à doter les forces de défense et de sécurité de même que la sécurité publique des dispositifs de dernières générations de surveillance, d’investigation et d’analyse pour des interventions efficaces. Le ministre de la sécurité Ousseini Compaoré souhaite une surveillance du territoire en temps réel pour permettre aux unités d’intervention d’agir immédiatement et efficacement.
Enjeux d’une technologie
Dans un contexte de terrorisme et de grande criminalité, la vidéosurveillance présente plusieurs enjeux. Elle permet une gestion intelligente des interventions. Ainsi, pour les appels, les sapeurs-pompiers ou la police, aidés des images vidéo, peuvent vérifier la véracité́ de l’information (procéder à une levée de doute), mieux apprécier la situation (analyser les images plutôt que de se fier aux propos d’un témoin affolé ou distrait), engager l’équipage le mieux dimensionné à l’évènement (évaluer la nature du trouble ou repérer la présence d’attroupements hostiles sur place) et suivre le bon déroulement de l’intervention (protéger les unités dépêchées). En matière de justice, la vidéo surveillance est un instrument d’investigation, utile à l’enquête et à la recherche de renseignements. Au même titre que les traces papillaires, elle constitue un outil technique qui fournit aux enquêteurs de multiples indices : des signalements d’auteurs, des plaques d’immatriculation, des directions de fuite, la localisation des auteurs par la recomposition du trajet inverse, des informations sur le comportement des délinquants. En plus d’accélérer les étapes de l’élucidation, elle la consolide. Elle fournit ainsi des éléments supplémentaires (tenue vestimentaire, accessoires, sacs…) qui permettront lors d’une perquisition de chercher des éléments de preuve complémentaires.
Dans certains pays comme la France, l’Intelligence Artificielle est intégrée à la vidéosurveillance pour donner forme à la vidéosurveillance intelligente (VSI). Sur le plan de la sécurité ,cette VSI permet la détection et la prévention d’actes terroristes. Au-delà, de la capacité de détection d’anomalies, la VSI permet l’identification d’un ou plusieurs individus, l’identification biométrique (reconnaissance faciale, ou de l’iris). Les algorithmes contenus dans la VSI permettent de reconstituer le parcours d’un terroriste, mais sont aussi capables d’analyser son comportement, et ainsi de prévenir une éventuelle action néfaste.
Agir dans la légalité
Surveillance de la voie publique, des bâtiments officiels, des zones sensibles, aéroports, banques, sociétés privées, représentations étrangères, universités ou hôpitaux, hôtels, supermarchés, stations-services sont autant de lieux où il est possible de retrouver des captures d’images. Ces lieux doivent être répertoriés et leur recensement mis à jour régulièrement. Les renseignements et les FDS doivent donc disposer d’une cartographie nationale des dispositifs publics de vidéo surveillance et actualiser constamment leurs connaissances dans la manipulation et l’exploitation des données. Toutes les opérations doivent toutefois se dérouler dans le respect des règles en vigueur.
Au niveau des entreprises et individus, il est temps de mettre fin à l’anarchie. Conformément à la loi 010/AN du 20 avril 2004, l’installation et la mise en service du système de vidéosurveillance au sein des sociétés ou des entreprises doivent faire l’objet d’une saisine préalable de la Commission de l’Informatique et des Libertés (CIL) en vue de l’obtention un récépissé de déclaration de traitement.
Par ailleurs, la loi 010-2004/AN du 20 avril 2004 fait obligation à tout utilisateur du système de vidéosurveillance d’installer des pictogrammes pour informer les usagers de la présence de ce système de collecte de données sur son site.
Dans sa lutte contre le terrorisme, le Burkina Faso peut remporter de significatives batailles en combinant intelligemment vidéosurveillance et surveillance aéroterrestre du territoire.
Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur
Ouagadougou